Méditation pour le 3ème dimanche de l'Avent


Un nouvel espoir pour la Palestine
Dans le monde actuel, douloureux et sanglant, notre monde arabe en particulier souffre de désespoir et d’aliénation, alors qu’il poursuit des actions qui le font passer d’une logique à une autre : de la logique de paix à une logique de guerre, de la logique du débat à une logique de tuerie et de destruction. Les chrétiens palestiniens ne sont pas à l’écart de ces conditions de vie difficiles. Ils sont même plutôt au cœur de cette atmosphère politique difficile et dangereuse qui ne favorise pas une vie d’espérance, mais marginalise l’humanité et emplit les cœurs de frustrations, ce qui mène à la guerre plutôt qu’à la paix et donne la priorité aux intérêts personnels sur l’intérêt général.
Cette réalité douloureuse demande que chaque chrétien croyant en Dieu, en la vertu et en toutes les formes de liberté, de justice et de paix, réfléchisse et se demande : Pourquoi la guerre ? Quel est l’objectif qui se cache derrière ? Où est le discours d’amour qui devrait l’emporter ? Où est l’espérance ? Quel est le sens de l’espérance ? Y a-t-il de l’espérance ? Et y a-t-il encore un lieu où l’espérance puisse survivre sous l’occupation et dans la confrontation du fort avec le faible ? Et est-ce que cela a encore un sens de mettre notre espérance en un Dieu qui n’est pas soumis aux actions du monde ? Est-ce que l’espérance n’est devenue qu’une caractéristique des faibles ?

Notre réalité aujourd’hui
Face aux difficultés que connaît le monde arabe, où des pressions s’exercent sur tous les fronts, les gens, en particulier les chrétiens, risquent de céder au désespoir. Ils perdent l’espérance, parce qu’ils se sentent impuissants. Les événements survenus dans le monde arabe ont réduit l’espérance et soulèvent des questions majeures sur le présent et le futur des pays arabes. Mais, comme Palestiniens et chrétiens, nous devons garder l’espérance malgré toutes les difficultés que nous affrontons. Nos sociétés ont besoin d’espérance. Nous, les chrétiens, devrions affirmer cette espérance pour nous-mêmes et pour notre société afin de devenir de vrais témoins de Jésus-Christ qui est ressuscité des morts. Si le désespoir s’incruste, nous tomberons dans un état d’inactivité, de léthargie et de mort, alors que nous sommes appelés à vivre et à donner la vie (Jean 10.10). Nous sommes appelés à vivre dans l’espérance, à l’affirmer et à la partager avec ceux qui nous entourent.
L’Église de Jérusalem
Nous devrions avoir conscience que l’Église de Jérusalem est l’Église du Golgotha. Cela signifie que les croyants prennent pleinement part au mystère de la Croix et de la Passion qui s’est accompli sur cette terre. Nous ne pouvons pas échapper à la croix de la situation politique difficile que nous vivons. Nous devons nous tenir fermement au pied de la Croix, avec foi et espérance comme Marie et Jean, les bien-aimés du Seigneur, l’ont fait en disciples fidèles, pour contempler son grand mystère, et croire et espérer que notre Église est aussi l’Église de la résurrection et de la victoire sur la mort. La Croix, la Passion et la mort étaient un « mal » inévitable pour mener à la résurrection et à la vie éternelle, à la justification et à la liberté qui ont défait toutes les chaînes du mal qui nous entravent. Nous, le peuple de la Terre sainte, le peuple de la résurrection, nous sommes convaincus que tous les coups du sort et tous les désastres ne sont que des épreuves et un feu qui mettent notre foi à l’épreuve. Voilà l’espérance qui nous rapprochera de la présence du Seigneur. « Il nous a fait renaître pour une espérance vivante […] afin que la valeur éprouvée de votre foi – beaucoup plus précieuse que l’or périssable qui pourtant est éprouvé par le feu – obtienne louange, gloire et honneur lors de la révélation de Jésus Christ » (1  Pierre 1.3-7).
Dans son livre en arabe Sudasiya Leazmena Jadeda, le Père Rafiq Khoury déclare qu’un Palestinien chrétien peut choisir entre deux options pour réagir à la situation politique difficile qu’il vit sous l’occupation. La première option est la plus facile puisqu’elle consiste à abandonner et à se soumettre. Cette attitude dénote une vision pessimiste de la réalité parce qu’elle ne trouve pas le moindre espoir de se sortir d’une situation difficile. C’est le réalisme de la défaite, une paralysie qui nous laisse figés, développe de la frustration et conduit à la capitulation. La seconde option reconnaît la difficulté de la situation, mais la comprend et s’y adapte en se basant sur l’expérience que Jésus a faite de la croix et sur l’espérance manifestée dans la résurrection. Elle essaie de découvrir Dieu dans cette réalité et essaie de comprendre la volonté de Dieu. Cela s’appelle du réalisme créatif. Ce réalisme a permis à Jésus Christ d’accomplir la volonté de son Père pour le salut de l’humanité. Le temps que nous vivons n’est pas un temps de la peur, de la plainte ou de la fuite. C’est plutôt un temps de l’espérance.
L’Église de l’attente et de l’espérance
L’Église vit aujourd’hui dans une souffrance inouïe, comme ce fut le cas à toutes les étapes de sa longue histoire. L’Église des premiers siècles était une Église opprimée, sans autre issue que le martyre. Rappelons-nous également le Décret de Milan, par lequel l’Empereur Constantin a fait du christianisme la religion d’État, l’époque musulmane qui connut à la fois persécutions et coexistence, la grande fracture de l’Église qui mit à mal sa vision d’espérance, les événements qui marquèrent le Moyen Âge et les divisions en Occident, l’époque moderne qui fut le théâtre de guerres, de tueries, de destructions, d’occupations et d’usurpations de territoires. Le père Khoury dit à ce propos : « À chacune de ces étapes, l’Église s’est retrouvée face à une adversité terrible, c’est-à-dire dans une situation de Pâques, qui exige la mort pour l’expiation du passé et la découverte des semences de la vie à venir, entre ce qui est mort et ce qui doit pourtant voir la lumière, entre ce qui a été accompli et ce qui ne l’a pas été, entre les semailles et les moissons, entre les douleurs de l’enfantement et la joie de la naissance… Cette Église est l’Église de l’attente et de l’espérance. L’attente est, par excellence une des composantes de Pâques, ce qui en fait l’espérance par excellence, l’espérance que le grain de blé qui est mort dans la terre produira des épis qui rempliront l’univers de fécondité et de fruits. »
Une Église et une patrie
Nous ne pouvons pas séparer l’espérance de notre Église des espoirs de l’univers, ni l’humanité de notre patrie, la Palestine. Nous devons trouver de l’aide dans ce que dit saint Paul dans sa lettre aux Romains :
« Car la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu : livrée au pouvoir du néant – non de son propre gré, mais par l’autorité de celui qui l’y a livrée -, elle garde l’espérance, car elle aussi sera libérée de l’esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu. Nous le savons en effet : la création toute entière gémit encore dans les douleurs de l’enfantement. Elle n’est pas la seule : nous aussi, qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l’adoption, la délivrance pour notre corps. Car nous avons été sauvés, mais c’est en espérance. Or, voir ce qu’on espère n’est plus espérer : ce que l’on voit, comment l’espérer encore ? Mais espérer ce que nous ne voyons pas, c’est l’attendre avec persévérance. » (Romains 8.19-25)
Saint Paul ne sépare pas l’espérance de la communauté chrétienne, l’espérance de l’Église, de l’espérance du monde et de l’humanité en général, parce que l’Église n’existe pas pour elle-même mais pour le monde entier. Comme dit le Christ : « Comme tu m’as envoyé dans le monde, je les envoie dans le monde » (Jean 17.18). L’Église a été plantée dans ce monde pour le salut du monde. Elle adopte les espoirs du monde et ses aspirations. Elle soutient l’humanité dans ses prières et l’élève jusqu’au trône de Dieu. C’est ici, en Palestine, mère de tous les commencements, que l’espérance est née, et d’ici le salut a atteint les confins du monde. 
Père Bashar Fawadleh,
prêtre du Patriarcat Latin de Jérusalem 

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