Kumi Now Année 2 Semaine 18 : du 17 au 23 février 2020


Kumi Now Année 2 Semaine 18 : du 17 au 23 février 2020
Les villages bédouins non reconnus du Néguev

Les citoyens arabes palestiniens d’Israël rencontrent quantité de problèmes. L’un d’entre eux est celui des villages bédouins du Néguev dont leur propre État refuse de reconnaître l’existence. Leurs maisons sont constamment menacées de démolitions et leurs terres d’être transférées à d’autres. Ils n’ont pas de représentation auprès de l’État d’Israël et ne bénéficient pas de ses services. C’est le Conseil régional des villages bédouins palestiniens non reconnus (RCUV en anglais) qui les représente et s’efforce de lutter contre cette injustice. Voici ce que vous devez savoir et ce que vous pouvez faire pour que nous puissions réagir et nous lever (Kumi !) tous ensemble.
Organisation
Fondé en 1997, le Conseil régional des villages bédouins palestiniens non reconnus (RCUV) est une organisation non gouvernementale de la communauté qui représente les résidents des 45 villages non reconnus du Néguev, en Israël. Ces villages abritent une population totale de 74 000 habitants. La population de chacun d’entre eux varie de 500 à près de 5 000 habitants. Ils sont dépourvus de services municipaux et de représentation politique, et menacés en permanence de transferts de masse et de ségrégation par l’État d’Israël. La plus grande partie de ce qui reste de la communauté bédouine du Néguev (45% seulement !) est constituée de ‘déplacés de l’intérieur’. L’objectif du Conseil régional (RCUV) est de défendre ces communautés et de faire prendre conscience à l’État d’Israël de leurs attentes. Vous le trouverez sur Facebook à https://www.facebook.com/rcuvn/, …en hébreu et en arabe !

La situation
Il existe en Israël des douzaines de communautés israéliennes arabes que l’État d’Israël ne reconnaît pas, qu’il ne fait même pas figurer sur la carte ( !) et auxquelles il refuse d’assurer les services qu’il devrait. Selon le Bureau central des statistiques d’Israël, quelque 224 000 Bédouins vivaient dans le Néguev en 2014, dont environ un quart dans des villages non reconnus. Ironiquement, la plupart de ces communautés existaient déjà avant la création de l’État d’Israël, mais le gouvernement continue à refuser de les reconnaitre et a classé beaucoup des terres leur appartenant comme ‟terres agricoles”, de sorte que ceux qui les ont toujours habitées sont considérés par l’État comme des squatteurs illégaux !
Selon l’Association pour les Droits Civils en Israël (ACRI), « le gouvernement israélien a recours à toutes sortes de pressions sur les bédouins pour les transférer dans des centres urbains qu’il a prévus pour eux, sans la moindre prise en considération de leur mode de vie et de leurs besoins. Des communautés entières ont reçu des ordres de démolition, d’autres sont obligées de continuer à vivre dans des villages non reconnus auxquels sont refusés les services et infrastructures de base tels que l’électricité et l’eau courante. »[1] Ces mesures, avec la démolition de fait de plusieurs de ces villages et l’expulsion de leurs habitants, violent les droits à la propriété de leurs habitants et tous leurs autres droits, ainsi que leur dignité.
Cette politique de délocalisation n’est pas nouvelle, elle est appliquée depuis un certain temps déjà. Selon l’organisation Adalah, « La délocalisation forcée et la concentration de la communauté bédouine ont constitué des éléments centraux de la politique du gouvernement à son égard au cours de la période de régime militaire (1948-1966) qui a suivi la création de l’État d’Israël. Elles visaient à strictement restreindre leur zone de vie à une aire géographique limitée connue sous le nom de Siyag, à les surveiller et contrôler étroitement pour les obliger à abandonner leur mode de vie, leur culture et leur économie traditionnelles fondées sur l’élevage et l’agriculture. L’objectif final de cette politique était de vider de vastes zones du Néguev de leurs habitants bédouins afin d’y construire et d’y développer des villes et des villages juifs. Cela a été particulièrement efficace : la politique de l’État a conduit à l’expulsion des bédouins arabes hors des 95% du Néguev autres que le  Siyag pendant cette période. »[2]

Par cette politique l’État d’Israël cherche résolument à vider le territoire de sa population bédouine afin de mettre de vastes portions de territoire du Néguev à la disposition de la population juive et de son développement. Cela est clairement mis en évidence par la répartition inégale des terres entre les citoyens arabes et les citoyens juifs d’Israël. Dans un article de RCUV, Maha Qubty notait que « les lois israéliennes sur la terre sont au service des seuls citoyens juifs d’Israël et ne reconnaissent que des terres juives. Les lois sur la terre ne reconnaissent pas les terres des citoyens palestiniens. Depuis des décennies et par diverses procédures, des terres ont été transférées de la minorité palestinienne à la majorité juive. Avec pour résultat qu’aujourd’hui les Palestiniens, qui constituent environ 20% de la population, ne possèdent plus que 2% de l’ensemble des terres, alors qu’avant 1948 ils en possédaient 97%. La communauté bédouine qui constitue 25% de la population du Néguev n’en possède que 2% des terres, alors qu’elle en possédait 98% avant 1948. »[3]
Un cas : Al-Araqib, le village démoli bien plus de 120 fois.
Les forces israéliennes ont démoli pour on ne sait plus trop la combientième fois (le dernier chiffre dépassait 140) un village du Néguev dans le sud du pays. Les habitants d’al-Araqib racontent comment les forces armées et la police anti-émeutes avaient fait irruption avec des bulldozers dans le village tôt le matin du 3 octobre 2017, rasant les constructions qui subsistaient. « Ils ont fait irruption et ont tout détruit, chaque construction, chaque maison » affirme le chef du village Siyah al-Touri.
Ce village qui héberge environ 220 personnes avait été démoli pour la première fois le 27 juillet 2010. Depuis ce jour-là les habitants déplacés ont cherché de l’aide auprès de militants locaux pour les aider à reconstruire. « Nous vivons maintenant dans des maisons de fortune à cause de la politique raciste et criminelle de l’État, dit al-Touri. Ils veulent nous déplacer de force et ne comprennent pas que nous sommes citoyens de l’État. Ils ne nous reconnaissent pas, sinon ils nous auraient accordé nos droits. »
Les autorités israéliennes émettent régulièrement des ordres de démolition dans le Néguev, prétendant que ces villages n’ont pas de permis de construire, mais les habitants disent qu’il est impossible d’obtenir légalement un permis pour construire. Al-Araqib est l’un des quelque 40 villages bédouins « non reconnus » du sud d’Israël, un de ces villages dont l’existence est perpétuellement menacée. « Quoi qu’il arrive, nous resterons sur la terre de nos ancêtres, dit al-Touri. Notre cimetière est ici depuis 1914, nous avons six puits …et n’avons même pas le droit d’en boire l’eau. »
La dernière fois qu’al-Araqib a fait l’objet d’un ordre de démolition était le 14 septembre. Les ordres de démolition sont exécutés dans le mois. « Nous avons appelé à un arrêt immédiat des ordres de démolition, dit Sahbi Ibn Thuri, un avocat représentant les habitants d’al-Araqib. Mais l’État a refusé de reconnaître à la tribu la propriété du village, prétendant que la terre leur avait été louée par l’État dans les années 1950. »
« Les habitants d’al-Araqib, tout comme bien d’autres, ne réalisent que leur terre leur a été confisquée que lorsque la police arrive avec des bulldozers pour détruire leurs maisons, explique Thuri. L’État prétend que ces terres lui appartiennent, mais ce n’est pas vrai. Ces gens habitaient ici bien avant que l’État n’existe. » D’après Thuri, l’État ne reconnaîtra jamais la propriété du village à ses habitants, même si ceux-ci peuvent prouver qu’ils en sont les propriétaires légitimes. « Dans le meilleur des cas, dit encore Thuri, on leur attribuera une compensation sous forme d’une autre parcelle de terrain. Mais cela, les habitants l’ont absolument refusé. »
Publié à l’origine par Al Jazeera le 3 octobre 2017, et adapté pour la publication sur https://www.aljazeera.com/news/2017/10/israel-destroys-bedouin-village-119th-time-171003135958243.html. Le village a encore été détruit plusieurs fois depuis cette publication.
Action
Nous voulons proposer Sheikh Siyah al-Tour pour le Prix Nobel de la Paix ! Si vous n’êtes pas qualifié pour être « désignateur », adressez-vous à ceux qui le sont et demandez-leur de proposer Sheikh Siyah al-Touri pour sa noble mission de chef du village d’Al-Araqib qui a été détruit tant de fois. Ceux qui peuvent désigner un candidat au Prix Nobel sont, selon https://www.nobelprize.org/nomination/peace/ :
·         Des membres d’assemblées nationales ou de gouvernements (membres de cabinets, ministres) d’États souverains et chefs d’État en activité.
  • Des membres de la Cour Internationale de Justice et de la Cour Internationale d’Arbitrage de La Haye.
  • Des membres de l‘Institut de Droit International.
·         Des professeurs d’université, professeurs émérites et professeurs associés d’histoire, de sciences sociales, de droit, de philosophie, de théologie et de religion ; des recteurs et des directeurs d’universités ou leurs équivalents ; des directeurs d’instituts de recherche sur la paix et d’instituts de politique étrangère.
  • Des personnes qui ont reçu le Prix Nobel de la Paix.
  • Des membres du comité de direction, ou de son équivalent, d’organisations qui ont reçu le Prix Nobel de la Paix.
  • Des membres actuels ou anciens du Comité Nobel norvégien.
  • D’anciens conseillers du Comité Nobel Norvégien.
Vous pouvez aussi adresser un courriel au Comité Nobel de Norvège à postmaster@nobel.no pour lui faire savoir que vous aimeriez voir Sheikh Siyah al-Touri proposé pour le Prix Nobel de la Paix. Diffusez vos messages sur les réseaux sociaux et faites-nous savoir à qui vous avez demandé de proposer Sheikh al-Touri. Ajoutez un lien à cette page du site de Kumi Now avec les hashtags #KumiNow et #Kumi18.
Un texte : ‟Dans les déserts de l’exil”, de Jabra Ibrahim Jabra.
Ô terre des nôtres où s’est déroulée notre enfance
Comme en rêve à l’ombre de l’orangeraie
Au milieu des amandiers des vallées.
Souviens-toi de nous qui errons maintenant
Au milieu des épines du désert,
Qui errons dans les montagnes rocheuses :
Souviens-toi de nous aujourd’hui
Dans le tumulte des villes au-delà des déserts et des mers.
Souviens-toi de nous
Aux yeux pleins de poussière
Qui jamais ne s’éclairent dans notre errance sans fin.
De Jabra Ibrahim Jabra, auteur prolifique syriaque-orthodoxe palestinien, un artiste né à Bethléem puis exilé en Irak en 1948. Publié dans « Communautés en marge : Poésie arabe du désert » par Maysa Abou-Youssef Hayward, et par Arid Lands Newsletter sur https://cals.arizona.edu/OALS/ALN/aln50/hayward.html.
Ressources (en anglais)
Rapports :
·         Human Rights Watch, Off the Map: Land and Housing Rights Violations in Israel’s Unrecognized Bedouin Villages (2008) : https://www.hrw.org/sites/default/files/reports/iopt0308webwcover.pdf
Livres:
·         Alexandre Keda, Ahmad Amara & Oren Yiftachel : Emptied Lands: A Legal Geography of Bedouin Rights in the Negev. Stanford University Press, 2018.
·         Mansour Nasasra : The Naqab Bedouins: A Century of Politics and Resistance. Columbia University Press, 2017.


Traduit par les Amis de Sabeel France

 

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