Rencontre avec Nora Carmi par visioconférence, le 26 septembre 2021 : texte

 Réflexions de Marie-Nora Arsenian Carmi pour Zoom Sabeel France le 26 septembre 2021

Introduction

Bonsoir, frères et sœurs en France et à travers le monde. Merci à Ernest Reichert et à Sabeel France et à Sabeel-Jérusalem de m’avoir invitée à partager mon humble connaissance des Églises orthodoxes à Jérusalem, quoique je suis sûre que parmi nous il y a des experts qui pourraient nous donner de plus profondes et plus détaillées informations académiques sur toute l’histoire des différentes Églises orthodoxes en Orient et en Occident.

Mon témoignage personnel est celui d’une personne originaire de la ville dite ‘sainte’ et qui a survécu à l’expérience douloureuse de querelles politiques, sociales et religieuses dans un pays qui aspire toujours à une paix juste pour toute l’humanité. Je suis née dans une famille arménienne apostolique orthodoxe. Je vous rappelle que l’Arménie fut le premier pays au monde à devenir chrétien au début du 4ème siècle, avec la conversion du roi Tiridate par Grégoire l’Illuminateur. Entre réalité et tradition, il y a aussi ceux qui disent que l’arche de Noé s’est finalement arrêtée au pied du mont Ararat !1

La présence de cette communauté qui survit à Jérusalem depuis le 4ème siècle est décrite en détail par le Dr. Bedros der Matossian dans le Cornerstone n° 83 p.4ss2, dont l’essentiel a été traduit en français. Mais avant que je me perde dans toutes les informations, je voudrais d’abord dire que je suis une croyante œcuménique, donc peut-être pas la personne idéale pour bien présenter les Églises orthodoxes ! Arménienne et Palestinienne de naissance et par mes racines, éduquée dans des écoles catholiques, des universités protestantes, mariée avec un orthodoxe arabe, j’ai humblement représenté mon Église apostolique au niveau international et j’ai loyalement servi l’Église orthodoxe. Ma foi est « orthodoxe » en ce sens qu’elle est basée sur ma croyance en Jésus Christ qui nous a commandé de nous aimer les uns les autres.

  1. Le début de l’Église

Pour la majorité des croyants en Jésus Christ, la Pentecôte qui est célébrée 50 jours après la résurrection du Christ marque la réalisation de la promesse du Sauveur d’envoyer celui/celle qui nous consolera et nous guidera : le Paraclet ou L’Esprit Saint qui, en descendant sous forme de flammes sur la tête d’une foule réunie à Jérusalem et qui représentait beaucoup de groupes ethniques, pas seulement des juifs, les inspira et les unit pour se comprendre, contrairement à ce qui s’est passé à Babel où les langues les ont séparés les uns des autres. La Pentecôte est donc reconnue comme le début de L’Église, l’assemblée des croyants. Une seule Église dont la croyance est basée et ancrée en Jésus Christ le Sauveur (Actes 2).

C’est de ce petit espace géographique qu’est la Palestine, qui faisait alors partie du puissant empire romain et dans lequel le juif Jésus Christ a révélé la parole de Dieu tout en résistant courageusement à l’occupation militaire imposée par cet empire, que les disciples ont transmis la Bonne Nouvelle dans tout le bassin méditerranéen et au-delà. D’où les sites importants comme Césarée, Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche et plus tard Jérusalem, reconnus comme la Pentarchie.

  1. Jérusalem siège des Églises

Jérusalem regagne de l’importance après la découverte de la croix par Sainte-Hélène, la mère de l’empereur Constantin, et le début de la construction du Saint-Sépulcre en 326, qui deviendra le site principal de l’Église orthodoxe, de culture arabe et grecque, quand le Concile de Chalcédoine instituera un Patriarcat à Jérusalem en 451. Je précise ici que « orthodoxie » signifie « ce qui est conforme à la doctrine » considérée comme vraie et enseignée officiellement par chacune des religions, et donc qu’elle n’est pas seulement grecque : il y a des juifs orthodoxes, des chrétiens orthodoxes, etc. Le développement des Églises orthodoxes et de leurs pratiques en Europe de l’Est n’est pas le même que celui des Églises d’Orient, mais toutes ces Églises sont autocéphales, c’est-à-dire indépendantes les unes des autres d’un point de vue juridique et spirituel. Elles sont toutes dirigées par leurs propres synodes, mais toutes demeurent fidèles à la foi des premiers conciles. Quant au Moyen Orient, le berceau du christianisme qui se dit véritablement orthodoxe, c’est une autre histoire que j’expliquerai plus tard. Mais il faut d’abord préciser que le nom de « chrétien » a été donné aux disciples pour la première fois à Antioche au début du 2ème siècle (lire Actes 11 et 12, notamment 11.26). Antioche est l’un des premiers patriarcats de l’Orient, le point d’attaque de Paul, avec Saint-Pierre comme premier évêque et le théologien bien connu Jean Chrysostome, toujours mentionné dans l’Église orthodoxe.

Avant cela, les disciples étaient connus comme ‘la communion des croyants’ qui avaient « une vie commune avec fraction du pain et prières, qui opéraient des guérisons par la Parole, vendaient leurs biens et mettaient leurs ressources en commun » (Actes 2.42ss). N’avons-nous pas besoin aujourd’hui de nous rappeler que ces débutants avaient bien compris comment vivre l’évangile en suivant la volonté de Dieu ?

Aujourd’hui, Jérusalem est le siège de nombreuses Églises de différentes confessions, langues et pouvoirs qui, tous ensemble, sont presque 9 000 croyants chrétiens. Avant la guerre de 1967 leur nombre était de 25 000 et juste après la guerre de 12 500.

Maintenant Omar va passer une vidéo avec les 13 Églises de Jérusalem officiellement reconnues, entre autres les orthodoxes, grecque et arabe, arménienne, assyrienne/syriaque, catholique latine, copte éthiopienne, anglicane, luthérienne. A part cela, il y a bien sûr les autres sectes et groupes religieux qui vivent et agissent selon leur compréhension et leur interprétation de la parole de Dieu. Les gouvernements de la Palestine, d’Israël et de la Jordanie ont aussi un rôle indirect mais important dans le choix et l’élection des patriarches qui sont en charge non seulement de la terre dite parfois sainte, jusqu’en Chypre.

A Jérusalem, il y a trois patriarches : le Grec, l’Arménien apostolique et le Latin. Theophilos III, patriarche depuis 2005, se dit patriarche de Jérusalem, et les deux autres sont des patriarches à Jérusalem. Tous les trois sont en charge de l’église du Saint-Sépulcre dans un système de statu quo imposé durant l’empire ottoman. Chaque Église doit respecter son temps de prière, et malheureusement il y a parfois des querelles entre prêtres orthodoxes et arméniens qui en viennent aux mains pour prouver leur pouvoir (si l’un d’eux s’impose et nettoie une dalle ou un coin qui ne lui appartient pas). Et ceci dans un lieu sacré qui marque le tombeau vide de notre Sauveur ! Ce n’est pas par hasard que les clés de cette église sainte sont entre les mains de deux familles musulmanes : les Husseini et les Nusseibeh. Les Grecs ont la partie centrale de l’église, le « centre du monde », et contrôlent l’entrée et la sortie du tombeau. Les Syriens et les Coptes ont des petits autels, et quand toutes les confessions fêtent la Semaine sainte de Pâques ensemble, avec la multitude des voix en des rites liturgiques différents, c’est une véritable cacophonie …qui montre bien que l’unité n’est pas uniformité !

Depuis 1988, il y a une sorte de rassemblement des Églises et une entente entre leurs responsables qui se retrouvent chaque mois pour discuter les prises de positions ou les problèmes qu’il faut résoudre avec le gouvernement de l’occupation. Il faut se souvenir que même si leur siège est à Jérusalem, chacune des Églises est liée directement à la Grèce, à l’Arménie, au Vatican, au Royaume Uni, à l’Allemagne, à l’Égypte ou à l’Éthiopie. L’Église indigène, ce sont l’orthodoxe arabe et la grecque catholique.

Durant les 17 ans où j’ai travaillé au Centre Sabeel de Théologie palestinienne de la Libération, j’ai maintes fois rappelé aux responsables des Églises que Jésus n’était ni orthodoxe, ni catholique, ni protestant, et qu’il enseignait en araméen, langue que les Syriens orthodoxes utilisent jusqu’à aujourd’hui ; ce n’était pas en des langues européennes ! Vous ne devez pas être surpris qu’il y ait des arabes chrétiens, car les Arabes aussi étaient présents le jour de la Pentecôte (Actes 2.11). Et surtout ne pensez pas qu’« Arabe » veut seulement dire « musulman » !

Vous remarquerez que je suis seulement en train de vous introduire au goût des Églises connues à Jérusalem et en « Terre Sainte », comme certains d’entre vous définissent notre région. Je vous invite tous à faire beaucoup plus de recherches !

Retour à notre sujet :

1. L’Église (le Patriarcat) apostolique arménienne.

2. l’Église grecque et arabe (Patriarcat orthodoxe de Jérusalem).

3. l’Église syrienne orthodoxe (Vicariat patriarcal syriaque orthodoxe de Jérusalem et Terre Sainte).

Nous pouvons ajouter :

4. l’Église copte orthodoxe.

5. l’Église éthiopienne.



  1. L’Église apostolique arménienne à Jérusalem.

Elle a débuté au 4ème siècle avec l’arrivée des pèlerins une fois que l’Arménie était devenue un pays chrétien. Beaucoup de ces pèlerins restèrent dans la ville et formèrent petit à petit un quartier arménien. Depuis le 7ème siècle il y a eu un évêque arménien et le Patriarcat tel qu’il est connu aujourd’hui. La Fraternité de Saint-Jacques et l’église datent du 12ème siècle avec des liens non interrompus avec l’Église-mère, le siège principal à Etchmiadzine, en Arménie. L’Église a pour responsable un Patriarche, le Catholicos en charge des affaires spirituelles, de l’éducation et de la formation des prêtres. L’Église apostolique fait partie des Églises de l’Orient qui, après le Concile de Chalcédoine en 451, furent classées comme monophysites accentuant la nature divine de Jésus Christ. L’Église apostolique rectifia ce terme en ‘miaphysite’, expliquant l’unité des deux natures de Jésus Christ (divine et humaine) et non leur séparation : Si le Christ est mort sur la croix, ce n’est pas simplement un effet de sa nature « humaine », mais l’expression de sa volonté en vue de notre salut. Il y a quatre Patriarcats arméniens apostoliques suite à l’activité missionnaire de Thaddée, Jude et Bartholomée au premier siècle. Le siège principal du Catholicos de tous les Arméniens apostoliques est à Etchmiadzine en Arménie. Il a autorité sur les Patriarcats de Jérusalem et de Constantinople qui lui sont subordonnés mais indépendants. Et il y a aussi La Grande Maison de Cilicie à Antélias au Liban, autocéphale, pour le Liban, la Syrie et Chypre, séparée d’Etchmiadzine durant la Guerre froide et la période du communisme pour servir le Moyen Orient, mis à part Jérusalem, Israël, la Palestine et la Jordanie qui relèvent du Patriarcat de Jérusalem. Jérusalem a un statut important, et le quartier Arménien occupe un sixième de la vieille ville avec le couvent Saint-Jacques où vivent non seulement des prêtres mais aussi des familles. Hors du couvent, dès le sixième siècle, se sont installées les familles descendantes des premiers pèlerins, connues comme « kaghakatsi » (le mot veut dire « indigènes », « originaires de la ville »), dont ma famille maternelle. Dans le couvent-même, il y a la cathédrale Saint-Jacques, en mémoire de Saint-Jacques, fils de Zébédée, un des disciples de Jésus, et de Jacques le Juste dit le frère de Jésus qui a continué à travailler à Jérusalem après la résurrection de Jésus. Il y a aussi une autre église connue comme l’église des Anges et que la tradition attribue à la maison du Grand Prêtre Hanne qui emprisonna et jugea Jésus Christ. Il y a même un olivier dans la cour auquel on dit que le Christ a été attaché et battu.

A Jérusalem il y a eu 97 patriarches avec l’actuel Nourhan Manougian qui est en place depuis 2013. Les prières et le rite liturgique sont en arménien classique ‘Krapar’ depuis le 5ème siècle. Dans l’église arménienne les patriarches et les évêques sont voués au célibat ainsi que la plupart des prêtres, mais les curés peuvent se marier et former des familles.

Si aujourd’hui il y a une école arménienne, une grande librairie, une imprimerie, un journal « Sion », un musée et un séminaire dans le couvent-même, c’est grâce à l’énergie des divers patriarches qui s’y sont succédés. Il y a une richesse incomparable d’écritures saintes et de documents théologiques. Le séminaire actuel, en face du couvent, reçoit des jeunes séminaristes d’Arménie-même et des diverses régions du Moyen Orient (lorsqu’ils peuvent voyager et obtenir les permis requis). Il y a aussi une clinique et trois clubs de sports et de culture.

Avant la première guerre mondiale les Arméniens étaient au nombre d’environ 2 500 personnes habitant à Jérusalem, Haïfa, Jaffa et Bethléem. Durant le mandat britannique et surtout après le génocide entre 1915 et 1923, beaucoup de réfugiés arméniens sont arrivés à Jérusalem (y compris ma famille paternelle, les Arsenian, dont les détails se trouvent dans le livre Towards Golgotha / Vers Golgotha3), et le couvent a dû ouvrir des orphelinats pour les survivants. Il y avait en tout presque 25 000 Arméniens. Eux aussi ont vécu le manque de stabilité dans le pays, et durant les guerres de 1948 et de 1967 et plus tard, la ville a perdu les classes professionnelles. Les artisans et beaucoup d’autres ont dû quitter leurs terres et leurs domiciles. Aujourd’hui il ne reste qu’un peu plus de 1 000 Arméniens.

Parmi les Arméniens aussi, il n’y a pas d’uniformité. En dehors des patriarcats déjà mentionnés, il y a des Arméniens qui ont rejoint le Vatican et qui ont établi une Église arménienne catholiques près de la troisième et de la quatrième station du Chemin de Croix à Jérusalem. Elle rassemble une cinquantaine de familles.

Les Arméniens évangéliques, protestants, existent aussi, mais davantage au Liban, en Égypte et même en Arménie.

Les relations avec les autres Églises sont cordiales et, étant donné que depuis 1988 il y a une sorte d’entente entre les Églises de Jérusalem, il y a eu une coopération entre elles pour la restauration de l’église du Saint-Sépulcre, l’église de la Nativité, et d’autres. Certains patriarches sont plus œcuméniques que d’autres, et il y a aussi ceux qui préfèrent rester totalement arméniens. Il faut remarquer que le rapprochement avec le Vatican a des résultats positifs dans lesquels les différents membres d’un même corps peuvent se compléter en vivant l’agapê proclamée par le Seigneur

Aujourd’hui les Églises de Jérusalem ont des problèmes financiers et se trouvent obligées de prendre des décisions qui les amènent, malheureusement, à changer le statut de Jérusalem, en contradiction avec le droit international. Selon le droit international, la vieille ville et le quartier arménien sont considérés comme zones occupées, et nulle transaction ne doit changer cela. Aucune Église n’a le droit de louer unilatéralement les propriétés de ses croyants, surtout à Jérusalem, sans le consentement du synode. Dans mon article paru dans Cornerstone, je déclare que nous sommes toujours ici et que nous continuerons à témoigner loyalement de notre foi.

  1. L’Église orthodoxe grecque et arabe à Jérusalem.

Le Patriarcat de Jérusalem date du cinquième siècle. Il est dans la ligne de la théologie traditionnelle qui dit que Dieu s’est révélé par le témoignage donné par la personne de Jésus Christ : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » et par l’inspiration de l’Esprit Saint : « Quand deux ou trois se réunissent en mon nom, je suis au milieu d’eux ».

L’accès à cette révélation dépend d’une double source : Les Écritures et la tradition consignée dans les actes des conciles de 431, 451 et 1054. Pour l’Église orthodoxe, le Saint Esprit procède du Père et non du Père et du Fils.

J’ai déjà parlé un peu du pouvoir grec. Les croyants grecs sont quelques centaines seulement qui résident dans les grandes villes d’Israël et de Palestine. La majorité des croyants cependant sont les indigènes qui parlent l’arabe, d’où la bataille entre Grecs et Arabes de la Palestine pour la possession du Patriarcat, bataille qui dure depuis des décennies et qui a évolué au début du 20ème siècle .Les arabophones prient en arabe à Saint-Jacques près du Saint-Sépulcre, et les prêtres arabes sont encouragés à se marier avant d’être consacrés pour s’assurer qu’ils ne pourront pas postuler à des fonctions importantes ou avoir des exigences concernant l’administration, la sélection des futurs grands responsables et même l’instruction. Bien sûr cela limite leur possibilité d’accès aux fonctions d’évêque ou de patriarche. La langue officielle des liturgies dans le patriarcat est le grec, à l’exception des petits villages dont les prêtres sont issus de familles connues, comme par exemple les ‘hamouleh’. Même les écoles sont contrôlées par le Patriarcat. À Jérusalem il y a une école grecque qui sert la population tant chrétienne que musulmane. La communauté orthodoxe a aussi des clubs sportifs et culturels, ainsi que des scouts dans plusieurs villes de Cisjordanie et bien sûr à Jérusalem. Le patriarcat grec est propriétaire de plus de 20% des propriétés et des terrains, non seulement à Jérusalem et à Bethléem mais même sur le territoire d’Israël, ce qui garantit un revenu énorme au patriarcat. Cependant cette riche Église a toujours des problèmes financiers, surtout dans la Confrérie du Saint-Sépulcre qui est représentée par 400 évêques, prêtres et patriarches orthodoxes dans le monde entier, avec une majorité grecque. Pourquoi tant de dettes ? Est-ce la raison des scandales de ventes et d’opérations immobilières louches ? Il ne faut pas oublier que beaucoup de ces terrains appartiennent à des sanctuaires palestiniens.

On est censé avoir un Conseil national orthodoxe dont le pouvoir serait limité car il n’aurait pas le droit de s’occuper des biens du Patriarcat. Pillage et gaspillage ???

L’Église orthodoxe est membre du Conseil Œcuménique des Églises et aussi du Conseil des Églises du Moyen Orient.

Récemment, depuis 2005, il y a eu de gros problèmes à cause de la perte de bâtiments importants à Jérusalem qui ont été pris par des colons ou qui leur ont été vendus. Il y a une pression énorme du gouvernement Israélien.

  1. L’Église syrienne orthodoxe à Jérusalem, aussi appelée Église syriaque.

C’est l’une des plus anciennes communautés chrétiennes du monde. Elle se considère comme l’Église du Levant et est présente en Iraq, au Liban, en Syrie, en Palestine, en Israël et au sud-est de la Turquie, avec une forte tradition monastique.

Elle a été établie par Saint-Paul à Antioche en 37. La langue araméenne est encore utilisée dans cette Église et dans certaines villes de Syrie, comme à Maaloula.

Le Vicariat de Jérusalem et de la Terre Sainte est une juridiction de l’Église syriaque orthodoxe et regroupe une partie des chrétiens de tradition araméenne présents au Moyen Orient. Cette Église a été considérée comme monophysite après le concile de Chalcédoine.

À Jérusalem il y a aussi l’église Saint-Marc (Mar Marqos en syriaque) où la tradition enseigne que la Sainte Vierge a pris refuge après la résurrection du Christ. On y trouve une communauté assez jeune qui s’efforce jusqu’à aujourd’hui d’enseigner la langue araméenne et syriaque moderne. On y trouve aussi un excellent groupe de scouts.

Les Syriaques sont loyaux au pays qui les reçoit et leur rôle en Syrie est considérable.

Aujourd’hui le jeune prêtre Boulos Khano proclame le Notre Père à toute occasion. Je suis fière que ce jeune prêtre fait partie des jeunes formés par Sabeel entre 1991 et 1993.

  1. L’Église copte orthodoxe.

Les coptes sont un groupe ethno-religieux autochtone d’Afrique du Nord ; on les trouve surtout en Égypte. C’est l’une des plus vieilles communautés que Saint-Marc a converties. L’Église a été établie en 284 et est connue comme l’Église des martyrs. Ses membres ont vraiment beaucoup été persécutés et chaque jour ils prient pour un martyr. Largement orthodoxes miaphysites, ils sont la plus grande minorité chrétienne de la région, avec 10% à 15%.de la population d’Égypte. La langue copte chamite sémitique n’est plus utilisée excepté dans les liturgies, et seulement pour certaines prières : le Credo et le Notre Père. Les coptes sont très pieux et portent des noms empruntés à la sainte Bible. Ils sont très attachés aux sacrements et à la prière pour les malades. Celle-ci requiert la participation de sept prêtres qui officient. Les coptes portent souvent un tatouage de la croix sur le poignet.

L’élection d’un patriarche est faite par le peuple des fidèles, mais elle doit être confirmée par les autorités du gouvernement.

A Jérusalem, les coptes ont le monastère Deir el Sultan ou Deir el Male’ak (des Anges) depuis le 7ème siècle. Les croisés l’avaient pris, et c’est Saladin qui le leur a rendu. Ils ont toute une communauté qui réside dans et près du monastère, accessible par une entrée près du Saint-Sépulcre, sur la terrasse, ou près de la neuvième station de la Via Dolorosa. Après l’occupation par Israël en 1970, les autorités d’occupation ont expulsé les moines coptes égyptiens et ont remis le monastère aux Éthiopiens. En 1971, quoique la Cour suprême israélienne ait reconnu le droit des coptes, les autorités israéliennes n’ont pas respecté le statu quo, pas plus que le droit international. Bien sûr les autorités palestiniennes ont condamné cet acte. C’est à cause de cela aussi que l’ancien primat copte Chenouda a interdit les pèlerinages et les visites à Jérusalem. La bataille continue entre les deux groupes, et des moines coptes ont été arrêtés.

Depuis 2015 et la visite urgente du nouveau pape copte Tawadros (Théodore) II pour les obsèques de l’archevêque Dr Anba Abraham, métropolite de Jérusalem et du Proche Orient, les pèlerins ont petit à petit repris les pèlerinages, mais doivent être hébergés dans des pensions et des hôtels palestiniens.

Les prêtres coptes prennent part aux rencontres œcuméniques et sont engagés avec le peuple.

5. L’Église éthiopienne ou abyssinienne.

C’est l’Église copte qui gouverne et contrôle les Éthiopiens, évangélisés depuis le 4ème siècle. Même le responsable de l’Église, que l’on appelle « Abouna » ce qui signifie « Père » en arabe, a été copte jusqu’en 1959 et consacré par le patriarche d’Alexandrie.

Ils sont assez proches des juifs, donnent une place particulière au samedi et à la circoncision le huitième jour après la naissance. L’arche de l’alliance a également une place privilégiée, tout comme les danses, probablement inspirées par David.

La personne la plus connue est la Reine de Saba (1 Rois 10) qui est allée à Jérusalem chez Salomon et est rentrée enceinte pour donner vie à Ménélik, fils de Salomon et fondateur de la dynastie juive éthiopienne.

Ci qui manque aux Éthiopiens est la formation théologique. Leur force est dans leur foi, et Jérusalem est l’une des fenêtres de leur force. Toujours en conflit dans leur pays et à Jérusalem, ils furent soutenus durant le mandat britannique par l’évêque anglican Bishop Gobet. Etait-ce pour les convertir… ?

J’ai déjà parlé du monastère de Deir el Sultan que les Éthiopiens recèlent. Il y a aussi une toute petite église cachée près de la terrasse du Saint-Sépulcre, avec l’église Saint-Michel.

Jérusalem abrite une petite communauté d’Éthiopiens qui ont pu venir en Israël, et il y a un quartier éthiopien et une église moderne magnifique à Jérusalem-Ouest qui est louée à la radio israélienne qui paie pour cette location. L’église est appelé « Debré Gannet », ce qui veut dire « Couvent du Paradis ». L’Église éthiopienne donne une grande place aux Psaumes et à l’évangile de Saint-Jean. Elle enseigne la langue amharique aux jeunes dans une petite école en fin de semaine.

Les Éthiopiens eux aussi refusent d’être définis comme monophysites et prennent part aux rencontres des Églises de Jérusalem, surtout lors de la Semaine de prière pour l’Unité des chrétiens en janvier.

Ainsi vous constatez que les divisions créées dès les 4ème et 5ème siècles continuent à semer le chaos et impactent la vie des Églises jusqu’à nos jours.

Ce qui est triste surtout en cette année de pandémie, c’est que nous ne savons toujours pas que la religion s’exprime à travers nos attitudes et nos actes tout autant envers le prochain qu’envers l’ennemi. La religion, c’est comment on agit envers les autres, c’est le comportement envers les autres. En arabe nous le disons ainsi : الدين معاملة(Ad’dînou mou'amalah). C’est cela que Jésus nous a enseigné mais que nous n’avons toujours pas compris.

Quel avenir pour les chrétiens ? Ma question serait plutôt : Quel avenir pour tout le Moyen Orient ?

Nora Carmi

1 Le Mont Ararat est aujourd’hui en Turquie, juste de l’autre côté de la frontière avec l’Arménie. Ce territoire était autrefois arménien.

3 Towards Golgotha, The Memoirs of Hagop Arsenian, a Genocide Survivor, Translated and annotated by Arda Arsenian Ekmekji, Haigazian University Press, 2011.

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