Kumi Now - Semaine 35 - ICAHD - Démolitions de maisons



Démolitions de maisons et ICAHD
(Comité israélien contre les démolitions de maisons) 
Les démolitions de maisons sont une forme permanente de violence contre les Palestiniens. Le Comité israélien contre les démolitions de maisons (ICAHD) agit pour arrêter ces démolitions. Voici ce qu’il vous faut savoir sur ces démolitions et ce que vous pouvez faire pour que nous puissions réagir et nous lever (Kumi !) ensemble pour éviter qu’une autre famille encore ne perde son foyer.
Organisation
Le Comité israélien contre les démolitions de maisons (ICAHD en anglais) est un groupe non-violent d’intervention qui milite pour mettre fin à l’occupation militaire israélienne et mettre en place une paix juste entre Israéliens et Palestiniens. Au cours des deux dernières décennies, ses membres ont consacré leur activité militante à mettre en cause la politique israélienne de démolition de maisons palestiniennes : plus de 54 000 maisons démolies dans les territoires palestiniens occupés entre 1967 et 2018 ! Cette politique de démolition de maisons est une question essentielle, qui permet aussi de montrer comment fonctionne l’occupation. L’ICAHD met en lumière le caractère déterminé de la politique israélienne d’occupation, et donc la nécessité d’en faire porter la responsabilité à Israël. L’analyse de la politique de démolition de maisons permet aussi de se rendre compte du coût humain de l’occupation.

L’ICAHD a son siège à Jérusalem, mais des groupes qui soutiennent son action existent au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Allemagne, en Finlande et en Australie. Ces groupes permettent aussi de faire entendre ailleurs dans le monde une voix critique israélienne. Ensemble, ils militent en faveur d’une paix juste, ce qui, dans la perspective de l’ICAHD, signifie la mise en place d’un seul État démocratique sur l’ensemble du pays. Tout le travail de l’ICAHD dans les territoires occupés s’effectue en étroite coordination avec des organisations palestiniennes locales.
Depuis sa création, les activités de l’ICAHD se sont manifestées dans quatre domaines, inséparables l’un de l’autre :
·      L’opposition aux démolitions de foyers palestiniens.
·      L’élaboration et la mise en œuvre d’un accord de paix juste.
·      La diffusion de l’information, en particulier aussi au plan international.
·      La transmission aux Nations Unies de rapports oraux et écrits sur la base des statuts du Conseil Économique et Social des Nations Unies (ECOSOC) et de l’invitation de l’Organisation des Nations Unies à participer à ses activités.
En tant qu’organisme israélien, l’ICAHD considère que la seule voie permettant un règlement politique du conflit est de plaider pour une pleine égalité entre Palestiniens et Israéliens, tant en Israël qu’en Palestine. Il faudrait pour cela des garanties constitutionnelles des droits de tous, à la fois individuels et collectifs. Car une paix réelle et durable ne pourra être réalisée que si les besoins de tous les habitants de cette région rongée par les conflits sont pris en compte.
L’ICAHD s’oppose à toutes les formes de démolitions. En tant qu’Israéliens, les membres de l’ICAHD arrêtent les bulldozers, s’enchaînent dans les maisons et mènent des campagnes en Israël et à l’étranger pour susciter l’opposition à cette politique. L’ICAHD fait appel devant des tribunaux et, lorsque des démolitions n’ont pu être empêchées, ses membres reconstruisent avec des Palestiniens les maisons démolies, en guise d’acte politique de solidarité et de résistance. L’ICAHD en est venu à voir dans les démolitions de maisons l’essence même du conflit. Le gouvernement israélien prétend bien parler au nom de l’ensemble du peuple juif, mais par sa résistance l’ICAHD accorde aux revendications palestiniennes la même autorité qu’aux prétentions israéliennes. Et l’ICAHD proclame haut et fort : « Nous refusons d’être des ennemis ! »
L’ICAHD appelle tous les gens de bonne volonté à s’adresser à leurs gouvernements pour faire cesser la politique israélienne de démolition de maisons et, sur la même lancée, à mettre fin à sa politique d’occupation. Voici comment vous pouvez apporter votre aide :
·      en consultant régulièrement le site web d’ICAHD et, lorsque se produit quelque chose dont vous pensez en devoir informer votre communauté ou vos représentants politiques, faites-le avec une courte lettre exprimant votre inquiétude,
·      en prenant contact avec un groupe ICAHD et en lui faisant savoir que vous vous intéressez à la question. Des représentants d’ICAHD voyagent souvent à l’étranger et pourraient rendre visite à votre communauté ou venir dans votre région. Vous trouverez leurs adresses sur leur site web,
·      en préparant un exposé sur les démolitions de maisons pour votre église, votre synagogue ou votre mosquée, ou pour une organisation civique de votre communauté ou votre école. L’ICAHD sera heureux de vous aider par des photos, des informations, des présentations PowerPoint et des films,
·      en participant à un voyage d’étude ICAHD : 11 jours à travers le pays avec des rencontres de militants et d’habitants et l’accent mis sur la situation difficile des Palestiniens qui vivent sous occupation, mais aussi de ceux qui vivent en Israël même. Pour plus d’informations, vous pouvez contacter Linda Ramsden sur founder@icahduk.org.
Vous pouvez trouver ICAHD sur son site web :  https://icahd.org/
La situation
La démolition de maisons palestiniennes est l’une des principales formes de déplacement de populations. Lors de la Nakba de 1948, plus de 750 000 Palestiniens (64% de la population) sont devenus apatrides. Israël a alors systématiquement démoli plus de 530 villages, villes ou quartiers palestiniens, soit environ 60 000 foyers. Depuis cette époque, Israël a continué à démolir des foyers palestiniens en Israël même. Par exemple, le village bédouin d’al-Araqib dans le Néguev a été démoli au moins 145 fois. Et dans les territoires palestiniens occupés, Israël a démoli près de 50 000 foyers depuis 1967.
Les motifs de démolition de foyers palestiniens sont purement politiques, même si les autorités israéliennes ont recours à un système complexe de lois et de procédures administratives pour lui donner une apparence correcte. Voici quelques-unes des raisons avancées par les autorités israéliennes pour les démolitions de maisons de Palestiniens :
·      Les terrains qu’ils possèdent ont été déclarés par Israël « terrains agricoles » ou « espaces verts ».
·      Ils n’ont pas de permis de construire, …alors que les autorités israéliennes refusent très fréquemment d’accorder ces permis à des Palestiniens.
·      Le terrain est jugé « trop pentu ».
·      Leurs maisons sont trop près de colonies israéliennes [illégales !] ou d’autoroutes réservées aux seuls Israéliens, …alors que ces maisons étaient là avant ces dernières !
·      Comme punition collective pour une action qui ne concernait en rien la population punie.
·      Pour « libérer » de vastes étendues de terrain à des fins militaires ou de sécurité.
·      Destruction pour le développement de routes, de colonies ou de la « barrière de séparation ».
·       Terrain « sécurisé » pour permettre aux colons de passer sans risque, ou pour d’autres raisons de sécurité encore.
·      Il s’agit d’un « dommage collatéral », … etc., etc.
La plupart des gens pensent que les maisons palestiniennes sont démolies parce que leurs habitants ont commis des actions terroristes. Ce n’est pas le cas. Dans 99% des cas, les démolitions n’avaient rien à voir du tout avec des questions de sécurité : dans quasiment tous les cas, il s’agit simplement d’une forme de déplacement de population.
La démolition des maisons ne représente, bien sûr, qu’une partie de l’histoire. Des dizaines de milliers de familles palestiniennes possèdent des terrains et ont les moyens financiers pour construire des maisons modestes, mais elles ne le font pas parce qu’elles ne peuvent pas obtenir de permis de construire et ne veulent pas courir le risque d’une démolition. Dans le seul secteur palestinien de Jérusalem-Est, il « manque »  25 000 unités d’habitation. Ce manque d’habitations, tout à fait artificiel et voulu, condamne des milliers de familles à vivre dans des conditions particulièrement difficiles de surpeuplement et d’inadéquation. Redisons-le : cela fait partie de ce qu’Israël qualifie d’« évacuation en douceur », en rendant la vie tellement difficile pour les Palestiniens que, tout compte fait, ils préfèreront quitter le pays.
Il y a deux formes principales de démolitions de maisons. Des dizaines de milliers de maisons palestiniennes ont été détruites sous forme de dommages collatéraux dans le cadre d’opérations militaires. Lors des bombardements intensifs sur Gaza en 2014, quelque 18 000 maisons ont été détruites et jamais reconstruites. Des milliers d’autres ont été détruites parce qu’Israël refuse d’accorder des permis de construire à des Palestiniens, même s’ils projettent de construire sur leur propre terrain. Du fait que c’est un droit humain fondamental que d’avoir une maison, et que les gens ont des enfants et des petits-enfants, les Palestiniens n’ont d’autre ressource que de construire « illégalement » et de se voir rapidement remettre des ordres de démolition. Les autorités israéliennes peuvent démolir votre maison demain matin, ou la semaine prochaine, ou l’année prochaine, ou dans vingt ans. Et si vous reconstruisez votre maison, elle sera redémolie. Les ordres de démolition sont éternels, comme les diamants.
Et quand, à la fin, le bulldozer commence son travail de démolition, cela peut prendre de cinq minutes (pour une petite maison en agglo) à six heures (pour un immeuble de cinq étages). Parfois cela se passe dans la violence, quand les gens résistent. Ils sont alors battus, emprisonnés, tués parfois, …et toujours humiliés. Il arrive aussi que la famille et les voisins observent, découragés, la transformation de leur maison en un tas de décombres.
Pour les enfants, l’acte de démolition, tout comme les mois et les années qui suivront, sera un long traumatisme. Ils seront marqués à vie d’avoir vu la peur et l’impuissance de leurs parents ; ils vivront constamment dans la crainte et l’insécurité pour avoir vu ceux qu’ils aiment s’être fait battre et avoir perdu leur maison, avoir subi le harcèlement des contrôleurs de l’administration civile israélienne qui passaient en trombe dans leur village ; et puis tout ce bruit, toute cette violence, leurs jouets détruits, leur maison détruite, leur monde détruit…
Le plus souvent, il n’y a pas de services psychologique dans la communauté palestinienne, et les signes de traumatisme et de stress sont courants chez les enfants : énurésie, cauchemars, peur de quitter la maison par crainte d’« abandonner » parents, frères et sœurs aux manœuvres de l’armée israélienne, baisse du niveau à l’école et interruption de la scolarité. Les effets de l’exposition à une violence domestique qui peut aller de pair avec l’appauvrissement, le déplacement et l’humiliation transparaissent dans ces paroles de Salim Shawamreh, du village d’Anata et dont la maison a été démolie quatre fois : « La démolition d’une maison, c’est la démolition d’une famille ! » Selon Eyad Serraj, psychologue palestinien qui a dirigé le Programme de santé mentale de Gaza, il existe une forte corrélation entre des jeunes qui ont vu leur maison démolie et ceux qui finissent par s’immoler dans des attentats suicides.
L’histoire d’As’ad Mu’yin
Lorsque le jour tant craint arrive, cela se passe presque sans avertissement. Les familles savent que leur maison est menacée, mais les démolitions se font au hasard, sans logique, et peuvent se produire n’importe où et n’importe quand. Normalement, il n’y en a pas le vendredi ou le samedi à cause du sabbat juif, ni durant les fêtes juives. Ce sont les seuls jours où les Palestiniens peuvent vraiment se détendre, un bien ironique détournement de l’idée du « Jour de repos » ! Le hasard fait partie de l’atmosphère globale de peur qui sous-tend la politique de « dissuasion ». Les équipes de démolition, accompagnées de dizaines de soldats, de policiers et de fonctionnaires de l’administration civile, arrivent en général aux premières heures du matin, juste après que les hommes sont partis au travail. On offre parfois quelques minutes à la famille pour mettre à l’abri ses affaires avant que les bulldozers n’entrent en action. Mais parce que les membres de la famille et les voisins manifestent souvent une certaine résistance ou du moins une certaine protestation, ils sont souvent traînés avec violence hors de la maison. Leurs biens sont alors jetés dehors par les équipes de démolition, qui sont souvent des travailleurs étrangers. Le rapport d’Amnesty International « Sous les décombres », d’avril 2004, relate l’histoire de As’ad Mu’yin et de son cousin Ziad :
Le 21 août 2003, le matin du jour de son mariage, As’ad Mu’yin a vu sa maison démolie. Celle de son cousin Ziad As’ad qui s’était marié une semaine plus tôt fut démolie en même temps. Les deux maisons contiguës se trouvaient dans la ville de Nazla ‘Issa en Cisjordanie. As’ad Mu’yin vivait au rez-de-chaussée avec ses parents et ses trois frères et avait aménagé et meublé l’étage pour s’y installer avec sa femme. La maison fut démolie avant qu’il ne fut en mesure de le faire. Le mobilier neuf, tout comme les cadeaux de mariage, disparut sous les décombres en même temps que tous les biens de la famille du rez-de-chaussée. Il déclara à Amnesty International : « L’armée est arrivée de bonne heure le matin, vers 7 heures. Je me préparais pour le mariage, pour un jour de grand bonheur. Ils avaient des bulldozers… Ils nous ont donné 15 minutes pour quitter la maison. Nous n’avons pas eu le temps de sauver quoi que ce soit. Ils nous ont dit que nous n’avions pas de permis de construire… Mais chacun sait qu’Israël n’accorde pas de permis de construire aux Palestiniens en zone C ».
Action
Votre communauté locale soutient-elle l’occupation avec l’argent de vos impôts ? Le gouvernement israélien utilise du matériel Caterpillar (américain), Volvo (suédois), Hyundai (coréen) et JCB (anglais) pour réaliser les démolitions de maisons dans les territoires palestiniens occupés. Vous pouvez en trouver les preuves en recherchant des photos sur Google.
Adressez un courrier à votre maire et à votre conseil municipal. Utiliser des formules comme celle-ci : « Caterpillar, Volvo, Hyundai et JCB fournissent au gouvernement israélien des matériels utilisés pour la démolition de maisons palestiniennes. Ce sont des démolitions considérées comme illégales au regard du droit international. Votre institution achète-t-elle des matériels de ces sociétés-là, qui tirent profit de l’occupation israélienne ? Veuillez rompre tous les contrats avec ces sociétés et refuser de faire des affaires avec elles jusqu’à ce qu’elles cessent de fournir le gouvernement israélien. Nous ne devrions pas soutenir des sociétés qui, en toute connaissance de cause, tirent profit d’activités illégales ».
Alors qu’il est bon d’adresser ces messages directement aux administrations et aux fonctionnaires de votre gouvernement, on peut mieux encore sensibiliser ces institutions en rendant ces messages publics, en leur adressant vos questions par tweets et en les adressant à leurs pages Facebook. Adressez-vous à vos fonctionnaires ou administrations au plan local en joignant un lien à cette page du site web de Kumi Now avec les  hashtags #KumiNow et #Kumi35.
Un texte : « La maison de la tragédie », de Mahmoud Darwish
En une minute c’est la fin de toute la vie d’une maison. La maison en sa qualité de victime représente aussi un meurtre de masse, même si elle est vide de ses habitants. Un charnier de matériaux bruts destinés à construire une structure qui aura du sens, ou un poème sans importance aucune en temps de guerre. La maison en sa qualité de victime est la rupture de choses d’avec leurs relations et d’avec les noms de sentiments, et d’avec le besoin qu’a la tragédie de mener son éloquence à scruter la vie de l’objet. Dans chaque objet il y a un être qui souffre, le souvenir de doigts, d’une odeur, d’une image. Et les maisons sont tuées tout comme leurs habitants. Et la mémoire des objets est tuée : pierre, bois, verre, fer, ciment sont dispersés en fragments brisés comme des êtres vivants. Et coton, soie, lin, papiers, livres sont réduits en pièces comme des mots proscrits. Plats, cuillères, jouets, disques, robinets, tuyaux, poignées de portes, réfrigérateurs, machines à laver, vases pour fleurs, pots d’olives et de cornichons, nourriture en conserve, tous brisés comme leurs propriétaires. Sel, sucre, épices, boîtes d’allumettes, pilules, contraceptifs, antidépresseurs, gousses d’ail, oignons, tomates, okra séché, riz et lentilles sont écrasés et réduits en miettes tout comme leurs propriétaires. Contrats de location, certificats de mariage, certificats de naissance, factures d’eau et d’électricité, cartes d’identité, passeports, lettres d’amour sont réduits en lambeaux comme les cœurs de leurs propriétaires. Photographies, brosses à dents, peignes, cosmétiques, chaussures, sous-vêtements, draps, serviettes volent dans toutes les directions comme des secrets de famille diffusés bruyamment dans la dévastation. Toutes ces choses sont une mémoire des gens qui ne les ont plus et des objets qui n’ont plus les gens, détruits en une minute. Nos choses meurent comme nous, mais elles ne sont pas enterrées avec nous.
Extrait de ‟ A River Dies of Thirst” (Une rivière meurt de soif) de Mahmoud Darwish, considéré comme poète national palestinien.

Ressources (en anglais)
-     “Soumoud” (vidéo): https://youtu.be/g3R9E6T-rRU
-     “Resisting Occupation, Constructing Peace” (vidéo) https://vimeo.com/68226996
-     “Empire Files: Home Demolitions for Illegal Settlements Surging” (vidéo) https://youtu.be/-sGSRLrE-is
-     Jeff Halper, Obstacles to Peace: A Reframing of the Israeli-Palestinian Conflict (livre) https://icahd.org/wp-content/uploads/sites/1/2017/07/Obstacles-to-Peace-May-2016.pdf
-     Jeff Halper, An Israeli in Palestine (London: Pluto Press, 2011).
Voici encore deux autres organisations qui se préoccupent des démolitions de maisons :
-     The Mennonite Palestine Israel Network (MennoPIN) : Le réseau mennonite Palestine Israël a pour objectif la recherche de la justice et de la paix pour les habitants de Palestine et d’Israël selon une perspective mennonite : https://www.mennopin.org
-     L'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA - United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East) a mis en place un “observatoire des démolitions” (“ Demolition Watch”) qui enregistre les démolitions de maisons et de structures palestiniennes et en mesure l’impact sur les Palestiniens : https://www.unrwa.org/demolition-watch


Traduit par les Amis de Sabeel France

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire