Un rappel : la Charte des Nations Unies signée à San Francisco le 26 juin 1945, entrée en vigueur le 24 octobre 1945, a célébré au mois de septembre dernier ses 80 ans. A cette occasion, le Secrétaire général de l’Organisation, Antonio Guterres, avertissait que les principes de la Charte sont de plus en plus menacés et doivent être défendus comme le socle des relations internationales et il a ajouté : « La Charte des Nations Unies n’est pas optionnelle. Ce n’est pas un menu à la carte. C’est le fondement des relations internationales ».
Quelques extraits :
Article 1 : Les buts des Nations Unies sont les suivants : 1/ « Maintenir la paix et la sécurité internationales (…), prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression… ». 2/ « Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde… ».
Le Président des Etats-Unis, la
nation la plus puissante du monde - considérée depuis toujours comme l’exemple
de la démocratie - en présentant en 20 points son « plan de cessez-le-feu »
a passé outre à l’article 1 § 2 précité, « oubliant » le droit
essentiel des Palestiniens à l’autodétermination. J’y reviendrai.
Comme le rappelle un communiqué de
l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), le 10 octobre 2025 :
« Après deux ans de génocide en Palestine, le plus grand soutien
inconditionnel d’Israël annonce un supposé plan de paix (…) comme s’il pouvait
y avoir la paix, sans justice et sans réparation ».
De fait, après plusieurs jours de
négociation, Israéliens et Hamas se sont mis d’accord pour un cessez-le-feu, le
9 octobre, et Donald Trump n’hésitait pas à affirmer : cet accord « est un premier pas vers une paix forte,
durable et éternelle » !
Le plan prévoit plusieurs phases.
Que peut-on
retenir de positif de la première ?
Du côté Israélien, la libération de
tous les otages encore en vie sur les 251 enlevés le 7 octobre 2023 - une
vingtaine sans doute - et la remise de 25 dépouilles. Une grande partie des
otages avait déjà été libérée dans le cadre des deux accords de cessez-le-feu
de décembre 2023 et février 2025. Tous auraient pu l’être alors sans
l’opposition délibérée du Premier ministre israélien B. Netanyahou et de ces
deux acolytes extrémistes fascistes, les ministres Bezazel Smotrich et Itamar
Ben Gvir. Pour eux, l’éradication du Hamas
et l’expulsion des Gazaouis de la bande de Gaza étaient plus importantes que la
vie de quelques otages !
Du côté Palestinien, la libération
de 250 condamnés à perpétuité, ainsi que 1700 Gazaouis incarcérés après le 7
octobre, outre 400 camions d’aide autorisés d’entrer à Gaza - où l’état de
famine était déclarée par l’ONU -, avant un plus grand nombre envisagé par la
suite ; ainsi que le retrait de l’armée israélienne de quelques kilomètres.
Parmi les condamnés à perpétuité, Israël refusait la libération de Marwan
Barghouti, l’emblématique prisonnier palestinien, surnommé le « Mandela
palestinien ». De même, il refusait de rendre au Hamas les corps de Yahya Sinwar et de son frère, ces deux anciens
dirigeants tués par l’armée israélienne. Cela montre bien son refus de cette « paix, forte, durable et
éternelle » avancée par Donald Trump avec son plan.
Dans une
deuxième phase, vague et qui doit être précisée, le plan prévoit que le Président
américain préside un « Comité de paix » supervisant la transition de Gaza,
comptant parmi ses membres l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair – qui
est refusé par le Hamas, et une autre mesure, la création d’une « Force internationale de stabilisation »
déployée à Gaza.
L’ensemble des chancelleries ont salué
la « victoire diplomatique » de Donald Trump. Celui-ci a certes joué
un rôle pour obliger Netanyahou à céder. Mais, beaucoup ont oublié de saluer le
rôle éminent joué par le Premier ministre qatari, les représentants de
l’Egypte, voire de la Turquie, pour rassurer les dirigeants du Hamas quant à l’intérêt de cet accord.
Dans son discours à la Knesset, le
13 octobre, Donal Trump a étonnamment affirmé : « Maintenant le long et
douloureux cauchemar est fini, pas seulement pour les Israéliens mais aussi
pour les Palestiniens, et pour beaucoup d'autres
(…). Ce n'est pas seulement la fin d'une guerre, c'est aussi l'avènement d'un nouveau Moyen-Orient » !
A aucun
moment, le Président n’a tenu compte de la résolution votée à une écrasante
majorité par l’Assemblée générale de l’ONU, le 18 septembre 2025, exigeant la
fin de l’occupation de la Palestine dans les douze prochains mois ; le
retrait de toutes les forces israéliennes ; l’évacuation de tous les
colons ; le démantèlement des murs ; le retour des réfugiés
(expulsés) chez eux ; la réparation des dommages causés par l’occupation.
Le Président étasunien, comme le Premier
ministre israélien, ignorent le droit international. Il n’est pour eux, qu’un « chiffon de papier ».
Pour
Robert Malley, ancien diplomate, assistant spécial de président Bill Clinton
pour les affaires arabo-israéliennes, le plan représente un nouveau mandat
international encore une fois sous commandement britannique et, comme jadis,
élaboré sans consultation palestinienne.
Un cessez-le-feu n’est pas la paix !
C’est
bien là, que le bât blesse, le plan « oublie » les Palestiniens et la
Palestine, dont les noms ne sont pas prononcés ! Gaza n’est pas toute la
Palestine, et la Cisjordanie, et Jérusalem-Est ?
Le
cardinal Pierbattista Pizzaballa, patriarche latin de Jérusalem, interrogé par
la revue Terre Sainte, après s’être réjoui de cet accord et de l’arrêt
temporaire des hostilités, poursuit : « Nous ne sommes pas naïfs. Nous savons que la route jusqu’à un accord
final sera longue avec beaucoup d’obstacles (…). D’abord, on ne peut pas
séparer la bande de Gaza et la Cisjordanie, car elles appartiennent au même
peuple. Ensuite, il est encore trop tôt pour parler de paix. (…) La paix
durable est liée à la question palestinienne. Tant qu’on ne donnera pas au
peuple palestinien des perspectives claires (…), tant que les racines du
conflit ne sont pas traitées, on ne pourra pas avoir la paix. Et cela passe
aussi par l’implication des Palestiniens dans les discussions à venir. Cela
vaut aussi pour la société israélienne ».
Oui, la
parole doit être donnée au peuple palestinien par de nouvelles élections
législatives. Les dernières en 2006, particulièrement régulières, ont vu la
victoire du Hamas. Elle a été refusée
par Israël, les Etats-Unis et les dirigeants de l’Europe occidentale. Les
choses devront changer, quel que soit le parti triomphant, le Fatah de Mamoud Abbas ou le Hamas.
Smotrich,
tout en restant au gouvernement, n’a pas signé le plan. Les dirigeants du Hamas n’ont plus. Le premier parce qu’il
tient à ce que la guerre continue pour éradiquer le Hamas - y compris en Cisjordanie dont il réclame l’annexion. Les
seconds parce qu’ils refusent la deuxième phase du plan qui prévoit de les
désarmer. Pour le haut responsable Basem Naïm, le Hamas « ne remettrait
ses armes à feu qu’à un Etat palestinien et intégrerait ses combattants à une
armée palestinienne ». La réponse de Netanyahou a été fort
claire : « Le Hamas sera
désarmé et Gaza sera démilitarisée… Si cela se fait par la voie facile, tant
mieux. Et sinon, ce sera par la voie difficile » et, d’ajouter, ce qui n’est pas dans le plan : « Israël va
(y) conserver la responsabilité de la sécurité ». Donald Trump en
remettait une couche le 14 octobre :
« Si le Hamas ne désarme pas, les Etats-Unis sont prêts à le
détruire ». De quel droit ? Mandaté par qui ? Il est vrai qu’il avait déclaré un jour au média The
Unz Review « qu’il estimait avoir la possibilité de faire tout ce
qu’il voulait » …
En terminant cet article, comment
ne pas citer un nouvel exemple de la mégalomanie du Président étasunien. Donald
Trump - le « négociateur planétaire en chef », comme le qualifiait un
journaliste dans le JDD du 24 août dernier- avait insisté pour que l’accord de
couvre-feu soit signé le 9 octobre, persuadé obtenir le prix Nobel de la Paix
le 10. Or, le prix a été décerné à l’opposante vénézuélienne Maria Corina
Machado pour ses efforts « en faveur
d’une transition juste et pacifique de la dictature à la démocratie »,
et cela, malgré une pression très forte de Trump lui-même sur les personnalités
du comité.
Eh bien, au lendemain du choix de
Maria Corina Machadoci, Donald Trump, vexé, a eu l’audace d’affirmer que le
comité du prix Nobel de la Paix, en ne lui attribuant pas le prix, avait « fait passer la politique avant la paix »
!
Comment Donald Trump peut-il se considérer comme « faiseur
de paix » lorsque, depuis son mandat commencé le 20 janvier 2020, il a été
incapable de régler le conflit entre la Russie et l’Ukraine, qu’il avait
annoncé pouvoir régler en 24 heures ? Qu’il n’a pas hésité à attaquer
l’Iran, pour faire suite à la demande de son allié Israël, alors qu’un accord
était en vue au sujet du nucléaire iranien ? Qu’il a continué à fournir
des armes tant à l’Ukraine, qu’à Israël ? Qu’il a sorti un soi-disant
plan de paix qui n’en est pas un ? Et qu’il semble prêt aujourd’hui à
fournir à Kiev des missiles de longue portée de type Tomahawk, équipés d’une
ogive thermonucléaire ou conventionnelle, d’une portée possible de 2 700 kms !
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