Mitri Raheb, un œcuméniste palestinien plein d’espoir, mais
pas optimiste.
COE RÉSUMÉ 10 décembre 2020
Par Claus Grue*
Avec la fin de la saison de la récolte des olives, la vie sous
l’occupation revient à la «normale» pour les communautés palestiniennes de
Cisjordanie. Cette «normalité», qui se traduit par des déplacements forcés et
une peur constante des menaces et des harcèlements, s’accompagne désormais
d’une menace d’annexion par Israël de vastes étendues de terres fertiles
appartenant aux agriculteurs palestiniens – une mesure qui «saperait la paix et
la justice et serait une violation directe du droit international», selon une
déclaration commune du COE et d’autres organisations œcuméniques au début de
l’année.
«Cette terre est cultivée par les Palestiniens depuis des siècles.
L’olivier a toujours joué un rôle important, non seulement pour les olives
qu’il produit et la subsistance des agriculteurs, mais aussi comme symbole
d’espoir et de résilience», explique le pasteur Mitri Raheb, responsable d’Église,
entrepreneur social et président de l’université Dar al-Kalima à Bethléem.
Défenseur de longue date de ce qu’il appelle la «résistance créative»,
Raheb joue un rôle moteur dans plusieurs réseaux et mouvements chrétiens qui
œuvrent à donner du pouvoir à toutes les parties de la société civile en
Palestine et à sensibiliser le monde aux luttes et aux injustices que les
Palestiniens doivent endurer.
«Remplacer les oliviers déracinés par de nouveaux dans les territoires occupés est un exemple d’action pacifique qui démontre que nous ne renoncerons jamais à notre espoir de vivre dans la décence. Il y a 6,5 millions de Palestiniens sur cette terre, ce qui équivaut au nombre d’Israéliens. Nous sommes ici pour rester», dit Raheb.
Le véritable espoir entraîne une action créative
Pour lui, l’espoir est toujours lié à des actions concrètes visant à
apporter les changements souhaités, et il exhorte chaque personne et chaque
groupe de personnes à promouvoir activement le changement dans leur espace et
leur champ d’action.
«Dieu a dit et fait ce qui devait être dit et fait il y a 2000 ans, et
Jésus nous a enseigné que ce sont les artisans de la paix qui sont bénis, et
non ceux qui parlent de la paix. Maintenant, c’est à nous d’être les artisans
de la paix et d’initier le changement. Chacun de nous est appelé à faire
quelque chose, nous ne pouvons pas rester assis à attendre que Dieu ou Joe
Biden changent les choses. Au lieu de nous contenter de gérer le conflit sous
l’occupation, nous devons sortir des sentiers battus et trouver des moyens
créatifs d’apporter de réels changements sur le terrain pour le peuple
palestinien», explique Raheb, tout en soulignant que la guerre n’est jamais une
option créative.
À maintes reprises, il souligne l’interrelation entre l’espoir et l’action,
et que l’action émane de l’espoir.
«Il n’y a pas de mal à garder espoir tant que cela nous pousse à agir
malgré tous les défis et les difficultés auxquels nous sommes confrontés.
Sinon, nous ne ferons que nourrir de faux espoirs», poursuit-il.
Poussé par la foi, l’espoir et le désespoir
Ayant vécu sous l’occupation depuis l’âge de cinq ans, Raheb a été toute
sa vie un défenseur de la liberté, de la justice et de la paix pour le peuple
palestinien. Après avoir obtenu son diplôme et un doctorat en théologie à
l’université de Marburg, en Allemagne, en 1988, il est retourné dans sa ville
natale de Bethléem pour servir comme pasteur dans l’Église évangélique
luthérienne de Noël. C’est de là qu’a commencé son voyage sans fin pour
transformer l’espoir en action créative.
Trois décennies plus tard, les efforts inlassables de Raheb ont donné
naissance à un certain nombre d’organisations non gouvernementales et
d’initiatives sociales très respectées, conçues pour renforcer l’autonomie des
Palestiniens et répondre à toute une série de besoins urgents dans leurs
communautés, notamment dans le domaine de l’enseignement supérieur et des arts
par le biais de l’université de Dar al-Kalima. Il est également connu depuis
longtemps dans les cercles œcuméniques du monde entier et est largement admiré
pour son énergie et sa persévérance.
Ces réalisations ont été motivées par la foi et l’espoir, mais aussi
parfois par un peu de désespoir, qu’il considère aussi comme un moteur de force
et de résilience renouvelées. «Parfois, perdre l’espoir est important, car cela
nous rappelle le sens d’un espoir réel orienté vers l’action, plutôt qu’un
espoir passif et bon marché», dit-il.
Pas un conflit religieux
Malgré des perspectives toujours sombres pour les Palestiniens, il n’a
pas perdu son espoir et il le considère comme le meilleur ingrédient dans la
lutte pour la justice et la paix. Cela ne signifie pas pour autant qu’il soit
optimiste quant à l’avenir.
«Nous devons faire la distinction entre l’espoir et l’optimisme.
L’espoir est un investissement à long terme qui n’a rien à voir avec
l’optimisme. Comment pouvons-nous être optimistes alors que nous sommes
confrontés à un empire aussi puissant?», demande-t-il.
Chrétien fervent, Raheb considère la Sainte Bible comme un outil de
libération et non comme un manuel d’occupation et de colonisation, comme il le
voit aujourd’hui: «Ce n’est pas un conflit religieux, c’est un conflit entre
l’égalité, la liberté et la justice pour tous, contre la suprématie blanche et
israélienne. Nous assistons à une utilisation de la Bible comme une arme à des
fins politiques. Ce n’est pas ainsi que nous lisons la Bible».
Ses futurs espoirs de changement créatif reposent en grande partie sur
les jeunes Palestiniens qui, selon lui, sont bien équipés en termes d’éducation
et beaucoup plus conscients que leurs parents.
«Tout comme les oliviers, nous avons résisté et survécu à toutes sortes
d’épreuves. Nous voyons maintenant une nouvelle génération de dirigeants
créatifs émerger en Palestine, qui se préparent à transformer l’espoir en
changement concret. Et cela donne vraiment de l’espoir», conclut Raheb.
*Claus Grue est consultant en communication pour le Conseil œcuménique
des Églises.
https://www.oikoumene.org/fr/news/a-hopeful-but-not-optimistic-palestinian-ecumenist
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