Appel de Pâques
2021 de Kairos Palestine
Des auteurs
divers dans leurs traditions et leurs appartenances ecclésiales diverses nous parlent de Jérusalem, tels qu’ils ou qu’elles la voient
en ce temps où nous montons vers Pâques
Jérusalem
est la base de notre vision et de toute notre vie. Elle est la ville à laquelle
Dieu a donné une importance particulière dans l’histoire de l’humanité. Elle
est la ville vers laquelle tous les peuples s’acheminent et où ils se
rencontrent dans l’amitié et l’amour en présence du Dieu un et unique, selon la
vision du prophète Esaïe : “Il arrivera dans la suite des temps que la
montagne de la maison de Dieu sera établie en tête des montagnes et s’élèvera
au-dessus des collines. Alors toutes les nations afflueront vers elle…. Il
jugera entre les nations, il sera l’arbitre de peuples nombreux. Ils briseront
leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes. On
ne lèvera plus l’épée nation contre nation, on n’apprendra plus à faire la guerre”
(Is 2, 2-5).
C’est sur cette vision prophétique et sur la légitimité internationale
concernant l’ensemble de Jérusalem, habitée aujourd’hui par deux peuples et
trois religions, que doit se fonder toute solution politique. C’est le premier
point à traiter dans les pourparlers, car la reconnaissance de sa sainteté et
de sa vocation sera une source d’inspiration pour la résolution de l'ensemble
du problème, qui relève de la confiance mutuelle et de la capacité à construire
une “nouvelle terre” sur cette terre de Dieu.
Document Kairos Palestine – Un Moment de Vérité, Chapitre 9.5
1
Introduction
Christ
est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! Réjouissons-nous.
A
Jérusalem et dans le monde entier, Jésus est ressuscité. Il a vaincu la mort et le péché, renaissant à
une vie nouvelle. Jésus est le Verbe de Dieu qui « a été fait chair » (Jean 1.14). Avec Jésus et à travers lui,
l’humanité toute entière s’est levée pour entrer dans une vie nouvelle.
L’apôtre Paul disait : « Quand
le Christ, votre vie, paraîtra, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en
pleine gloire » (Colossiens 3.4).
Avec Jésus, les êtres humains ont été capables de vaincre la mort et le
péché, la guerre, la haine et les disputes. Les humains sont devenus capables
d’amour, capables de transformer leurs relations avec leurs frères et sœurs en
relations d’amour plutôt que de guerre, de disputes et de haine.
Cette
année, l’Alerte de Pâques traitera les quatre sujets suivants:
·
L’importance
religieuse de Jérusalem.
·
Jérusalem,
cause de violence ou instrument de paix ?
·
Jérusalem,
ville divisée ou ville unie ?
·
Jérusalem,
une voie vers la paix universelle.
Jérusalem
est une ville sainte pour les trois religions monothéistes : le judaïsme,
le christianisme et l’islam. C’est la raison de l’amour que tous portent à
Jérusalem, et de leur attachement à cette ville. Au nom de leur foi, ces
croyants des trois religions ont le même droit de vivre sur cette terre.
Cependant ce droit qu’elles partagent toutes ne peut justifier la violence qu’un
de ces groupes pourrait exercer pour faire reconnaître son droit politique à
lui sur cette ville.
L’accord
sur le caractère sacré de Jérusalem constitue, en toute logique, un accord pour
suivre la voie de la paix, la garantie d’une existence et de conditions de vie
décentes, et l’égalité pour les croyants des trois religions. Le fait que
Jérusalem est une ville sainte pour tous devrait inciter ses habitants à
s’accorder sur la façon de gouverner la ville de manière à rester unis, qu’ils
décident de la diviser ou de la maintenir comme une seule entité. La ville
devrait être contrôlée par des cœurs unis. Lorsque Jérusalem aura trouvé sa
paix, ce sera vraiment la voie vers la paix universelle au lieu de n’être,
comme actuellement, qu’un lieu de dispute et de discorde au niveau tant local
qu’international.
Jésus
est ressuscité à Jérusalem, il a vaincu la mort et le péché, et il est né à une
vie nouvelle : « Par le baptême, en
sa mort, nous avons été ensevelis avec lui, afin que, comme Christ est
ressuscité des morts par la gloire du Père, nous menions nous aussi une vie
nouvelle » (Romains 6.4). Ainsi Jérusalem est devenue le cœur de
l’univers, sa lumière, sa vie nouvelle, et le lieu de naissance de l’humanité
nouvelle.
Jésus
est ressuscité. Il est vraiment ressuscité ! Jérusalem est le lieu où Dieu et les êtres
humains se retrouvent et se réconcilient (Ephésiens 2.16). Tout ceci s’est
accompli à Jérusalem, avec la puissance et la volonté de Dieu qui aime chacun
de ses enfants, tous les peuples de la terre. Jérusalem est une source de
lumière nouvelle, de gloire et de vie pour l’humanité.
Bien
que Jérusalem continue d’être de nos jours une ville où prévalent la guerre et
la mort, une lumière nouvelle est offerte à tous ses habitants. Tous sont
invités à faire de cette ville un lieu pour une vie nouvelle de toute
l’humanité, un lieu pour un être humain nouveau, un lieu où se manifestent la
puissance de Dieu, sa justice et son amour. Certains se sont déjà engagés sur
ce chemin, d’autres continuent à le suivre, tous adorateurs de Dieu « en esprit et en vérité » (Jean
4.23), chrétiens, juifs, musulmans, cherchant à faire advenir à Jérusalem, par
leur adoration, l’homme nouveau et, par voie de conséquence, l’émergence d’une
Jérusalem nouvelle qui s’élèverait au-dessus des ruines de la guerre, de la
destruction et de la mort. D’autres, cependant, continuent à marcher sur le
vieux chemin de la mort.
Ce
qui se passe maintenant à Jérusalem : les combats, les démolitions de
maisons, les évictions de personnes hors de leurs maisons pour les remplacer
par d’autres, tout cela n’est pas issu d’une logique de sainteté. Jérusalem est
de nos jours un problème politique et un problème militaire, bien loin de Dieu.
Et pourtant, Jérusalem est avant tout une affaire entre Dieu et les hommes,
tous les hommes, les femmes et les enfants.
Personne ne devrait tuer la création de Dieu au nom de Dieu, ou en
forcer d’autres à quitter leurs maisons au nom de Dieu. Jérusalem n’a pas
besoin d’un changement de sa population, mais plutôt d’un changement dans le
cœur des puissants qui y vivent. Jusqu’à nos jours, le Seigneur ressuscité dit
à Jérusalem, « Si toi aussi, tu
avais su, en ce jour, comment trouver la paix ! » (Luc 19.42).
Aujourd’hui,
Jérusalem est la ville de la Résurrection et de la réconciliation entre Dieu et
l’humanité. Jérusalem demande à ses dirigeants d’en faire une demeure pour
l’humanité nouvelle. Jérusalem appelle les Palestiniens comme les Israéliens,
tous ses habitants venus du monde entier, à célébrer Dieu à l’intérieur de ses
portes. Tous, nous avons la responsabilité de maintenir Jérusalem en accord
avec la volonté de Dieu. Pour tous, elle est une ville nouvelle, une ville unie
dans laquelle doit vivre une humanité nouvelle et où les hommes doivent être
capables, avec la puissance, l’amour et la justice de Dieu, de surmonter les
désaccords et les disputes. Jérusalem dit à ses dirigeants que c’est Dieu qui
est son vrai Seigneur. C’est Dieu qui est la Loi à Jérusalem, il est Celui qui
l’a rendue sainte et l’a faite ville de la Résurrection et d’une existence
nouvelle.
Jérusalem
demande au monde entier et à ceux qui l’habitent de choisir l’amour plutôt que
le combat. C’est un processus difficile de transformer un combattant en une
personne remplie d’amour. Mais là où Jésus a vaincu la mort et l’a transformée
en une vie nouvelle, un combattant doit pouvoir se vaincre lui-même et se
transformer en un être capable d’aimer. Chacun de nous est capable d’une telle
transformation : les dirigeants et toute la population de la ville, les
Palestiniens et les Israéliens. Tout commence par la volonté : la volonté
d’agir et la volonté de changer, pour que Jérusalem redevienne la ville telle
que Dieu la souhaite : une ville de paix, de réconciliation et d’amour.
Si
chaque combattant à Jérusalem cherche la raison pour laquelle il ou elle
combat, il ou elle découvrira que c’est parce qu’ils croient que Dieu a fait de
cette ville une ville sainte. Il s’agit alors d’être vrai avec soi-même et de
se demander si c’est en combattant, en oppressant, voire en tuant son frère et
sa sœur que l’on défendra la sainteté de la ville. Bien sûr que non ! Le
combattant devrait être ramené à la logique de la sainteté et de la justice de
Dieu, et conduit à prendre part lui aussi à cette humanité nouvelle que Dieu nous
apporte.
C’est
cela l’appel de la Résurrection lancé aux dirigeants et à la population de
Jérusalem : N’enfermez pas votre ville avec le vieux démon. Ne l’empêchez pas
d’être ce qu’elle est vraiment et que Dieu veut qu’elle soit : la cité de la
Résurrection, la cité de la Paix, la cité de l’Amour et d’une Vie Nouvelle pour
le monde entier, pour tous ses habitants unis dans sa sainteté et vivant dans
la lumière d’un amour nouveau. Dieu est à Jérusalem, obéissez au Très Saint.
Vos prochains, enfants de Dieu, sont à Jérusalem. Honorez-les, ne les tuez pas,
ne les humiliez pas, ne les expulsez pas de leurs maisons.
Si
vous aimez Jérusalem, si vous croyez à sa sainteté, alors jetez vos armes,
cessez de répandre le sang des autres. Réconciliez-vous avec Dieu, votre
Créateur, et avec votre frère et votre sœur. C’est seulement après cette
réconciliation que les prières pourront être agréées à Jérusalem, c’est
seulement après cette réconciliation que la vie sera renouvelée et que
l’humanité sera renouvelée. Le moment est venu pour que nous vivions le jour
nouveau que Dieu prépare à Jérusalem, le moment où Dieu plante sa tente dans la
ville et vient vivre au milieu de nous, le moment où « il n’y aura plus de nuit, [où] nul n’aura
besoin de la lumière du flambeau ni de la lumière du soleil, car le Seigneur
Dieu répandra sur eux la lumière, et ils règneront aux siècles des siècles »
(Apocalypse 22.5).
Que
la fête de Pâques, célébration de la Résurrection, soit cette année la
célébration d’une paix nouvelle, de l’amour et d’une totale égalité pour tous
ceux qui vivent à Jérusalem, pour toute la région, pour le monde entier. Les
habitants de Jérusalem, la communauté internationale, et aussi les Églises,
tous ont la responsabilité de rendre sa sainteté à Jérusalem, une sainteté dans
laquelle la justice, la paix et l’amour pourront l’emporter.
Christ
est ressuscité. Il est vraiment ressuscité !
Le
Patriarche émérite Michel Sabbah a
servi comme Patriarche latin de Jérusalem de 1988 à 2008. Il a servi la
paroisse et la nation palestinienne au niveau local et international. Il est
président de l’initiative chrétienne palestinienne Kairos Palestine et l’un des
auteurs du document de Kairos Palestine « Un moment de vérité ». Il
travaille à l’heure actuelle dans le domaine du dialogue interconfessionnel et
croit au pluralisme, à l’égalité, et en la préservation de la dignité humaine.
Jeudi saint
Jérusalem est le
cœur de notre réalité. Elle est en même temps symbole de paix et signe de
conflit. Après que le “mur” a créé une séparation entre les quartiers
palestiniens de la ville, les autorités israéliennes ne cessent de la vider de
ses habitants palestiniens, chrétiens et musulmans. On leur confisque leur
carte d'identité, c'est-à-dire leur droit de résider à Jérusalem. Leurs maisons
sont démolies ou confisquées. Jérusalem, ville de la réconciliation, est
devenue la ville de la discrimination et de l’exclusion, et donc source de
conflit au lieu d’être source de paix.
Document Kairos Palestine – Un Moment de Vérité, Chapitre 1.1.8
2
Un regard
chrétien sur Jérusalem
par Rév. Yohanna Katanacho
Jérusalem revêt une importance considérable dans le monde chrétien.
C’est la ville du temple, de la croix, de la résurrection, de la Pentecôte, de
la première Église et de la cité céleste venant d’en haut. Considérons Jérusalem
dans une perspective chrétienne palestinienne et dans un dialogue avec l’Ancien
et le Nouveau Testament.
Premièrement : Jérusalem est la ville du temple.
Dans l’Ancien Testament, Dieu voulait vivre au milieu du peuple
élu. Dieu, le libérateur, est intervenu pour affranchir son peuple de
l’esclavage des pharaons, il l’a guidé à travers le désert et s’est manifesté
en son sein dans la tente de la rencontre. Bien des années plus tard, au temps
du roi Salomon, un temple fut construit pour remplacer la tente. Le temple fut
construit à Jérusalem et devint la maison de Dieu. C’est ainsi que l’importance
religieuse de Jérusalem commença à croître. Le caractère sacré de Jérusalem
était lié au Dieu Tout-Puissant. Le temple devint un lieu de pardon où l’on
offrait des sacrifices à Dieu.
Le temple commença à façonner l’identité du peuple, peuple de la
promesse. Avec l’évolution de la théologie du temple, nous lisons de quelle
façon le prophète Isaïe relie le temple à une paix qui l’emporte dans
l’ensemble du monde ; il déclare Jérusalem Ville de la paix et de la
lumière divine (Isaïe 2). Le prophète Isaïe a une vision de la fin du mal et
lie Jérusalem à la justice, l’appelant « ville de la justice » (Isaïe
1.26). À cause de la méchanceté du peuple de l’Ancien Testament, Dieu a envoyé
les Assyriens qui détruisirent Samarie en 722 av. JC, et plus tard les
Babyloniens qui détruisirent le temple en 586 av. JC. Le temple fut reconstruit
lorsque le peuple fut libéré de l’exil. Le nom de Jérusalem était associé à
l’espoir. Les hommes et les femmes attendaient le royaume divin qui ferait de
Jérusalem une capitale de paix et de justice pour toute la terre.
Deuxièmement : Jérusalem est la ville de la Croix
Jésus Christ est venu enfant au temple de Jérusalem avec une
déclaration révolutionnaire, annonçant que l’avenir de Jérusalem était lié à lui
personnellement. C’est Lui le temple où Dieu habite. Il est la fontaine, le roi
de paix et de justice, l’autel et le sacrifice, la voie du pardon.
Le Seigneur a purifié le temple et menacé les idéologies qui
cherchaient à utiliser la religion pour faire régner des racismes et des sentiments
de supériorité. Cela lui a attiré l’hostilité des dirigeants religieux juifs de
Jérusalem. La conspiration prit encore de l’ampleur et une sentence de mort fut
prononcée contre le Dieu de paix. Les chefs religieux et les autorités
politiques devinrent les ennemis de Dieu et de son Christ. Rome voulait la paix
des lâches, une paix qui créerait un monde de maîtres et d’esclaves. Rome
voulait réduire au silence la voix de la vérité, de la conscience et de la
justice divine pour les remplacer par l’humiliation des populations. C’est
ainsi que Jérusalem devint la cité de la Croix. Elle devint une ville au sein
de laquelle s’élevèrent le son du pardon, la voix de la paix et de la
conscience. Jérusalem devint une ville où la violence est exposée à la puissance
de l’amour.
Troisièmement : Jérusalem est la ville de la résurrection.
Ils ont arrêté Jésus, ils l’ont torturé et crucifié, et lui ont ôté
la vie. Cependant ils n’ont pas été capables de faire taire le Seigneur. Ses
paroles continuent à se répercuter à l’horizon comme un tonnerre qui chasse le
mal, un murmure qui pénètre les cœurs. Quand le désespoir et l’injustice se
répandaient, quand le pillage l’emportait et que les chefs religieux étaient
corrompus, la terre a tremblé à Jérusalem. Alors même que le démon pensait que
les royaumes du monde lui étaient soumis, la tombe de Jésus s’est ouverte pour
révéler que Jésus n’y était plus, car il est ressuscité. Par la résurrection de
Jésus nous assistons à la victoire de la vérité et au triomphe de la justice.
Dieu a fait de Jérusalem la ville de la résurrection. C’est la cité nouvelle et
la nouvelle humanité, la cité de l’espoir. La résurrection de Jésus n’est pas
seulement celle d’un individu, mais aussi celle du monde entier. C’est la
résurrection du monde de l’amour, de la paix et de la justice. Voilà la vraie
nature de la Bible.
Quatrièmement : Jérusalem est la ville de la Pentecôte.
Le Dieu Tout-Puissant habitait le temple de Jérusalem. Dieu-le-Fils
a été crucifié et s’est relevé de la mort à Jérusalem. Maintenant
Dieu-le-Saint-Esprit y est apparu. Cinquante jours après la résurrection, les
disciples de Jésus étaient dans la ville, attendant que la puissance de Dieu
répande le bien dans le monde des ténèbres. Des « langues de feu »”
apparurent et Dieu rassembla à Jérusalem les purs de cœur de chaque nation pour
répandre sur eux son Esprit Saint. Alors le nom de Jérusalem signifia un
changement de destin de l’humanité, faisant de l’Église la demeure du Saint
Esprit. L’Église affronta la pauvreté, l’injustice politique et les hérésies
religieuses avec la puissance de l’Esprit de Dieu. Après la confusion des
langues de Babel décrite dans l’Ancien Testament, nous voyons les nations et
les peuples de la terre s’unir par le Saint Esprit de Dieu descendu sur des
êtres humains. Une nouvelle ère s’ouvre dans une perspective globale qui nous
conduit à concevoir Jérusalem comme la mère.
Cinquièmement : Jérusalem est la maison de l’Église Mère.
L’Ancien Testament parle de Jérusalem comme de la mère et l’appelle
Sion. Sion est devenue la mère de l’amour, de la paix, de l’égalité et de la
justice. Jérusalem est plus qu’un simple lieu ; c’est une théologie.
L’Église Mère est née à Jérusalem, et d’elle sont issues toutes les Églises du
monde. Jérusalem est devenue la ville des missionnaires en vue de la diffusion
de la bonne nouvelle. Jérusalem est devenue la ville de l’Église unie. C’est à
Jérusalem qu’a été réunie la première assemblée de l’Église (Actes des Apôtres
15), au cours de laquelle l’Église a affirmé son identité et son ouverture,
incorporant des gens de toutes couleurs et de toutes races. Jérusalem est
devenue le foyer œcuménique pour le peuple du Nouveau Testament. La ville est
devenue le cœur vibrant pour la diffusion de la mission de Jésus.
Sixièmement : Jérusalem est l’annonce de la Cité d’Or.
Le rêve de Jérusalem n’a pas pris fin mais a été plutôt associé à
la Cité d’Or qui doit descendre du ciel. C’est la Cité Sainte où n’existent
plus ni mort ni larmes, ni chagrin ni plaintes ou souffrance. Elle témoigne de
la joie du ciel. C’est ainsi que, dans le livre de l’Apocalypse, nous voyons en
Jérusalem le contraire de Babel, le contraire de Rome. C’est le lieu de la
sainteté, le lieu de la présence de Dieu.
Septièmement enfin : La vie de Jérusalem est douloureuse
actuellement.
Du fait de l’injustice, du mal et de l’abandon par l’humanité des
valeurs d’amour et de justice transmises par Notre Seigneur Jésus Christ,
Jérusalem souffre actuellement. La voie de retour pour Jérusalem consiste à
s’en remettre à Dieu, à faire confiance à son Amour, à accepter son pardon, à répandre
la justice et la paix et à combattre toutes les formes d’injustice et de mal.
Le message de Jérusalem repose sur le message de son Église et sur la
manifestation de la Bible dans l’identité de ses enfants.
Le Rév. Yohanna
Katanacho est
le doyen académique du Collège évangélique de Nazareth. C’est un évangélique
palestinien qui a fait ses études à l’université de Bethléem (B.Sc.), au
Wheaton College ( M.A.) et à la Trinity Evangelical Divinity School (M.Div. Ph.D.).Il est l’auteur de The
Land of Christ, A Palestinian Cry (La
terre du Christ, Un appel palestinien) en 2013, de Praying through the Psalms (Prier avec les psaumes)
en 2018, et de Reading the
Gospel of John through Palestinian Eyes
(Lire l’évangile selon Jean avec les yeux d’un Palestinien) en 2020.
3
L’importance
religieuse de Jérusalem
par Rév. Dr Anna Karin
Hammar
Jérusalem
est une cité sainte insérée dans les spiritualités du peuple juif, des croyants
musulmans et des fidèles chrétiens dans le monde entier. Comme chrétienne
j’écris du point de vue de ma propre tradition et de mon propre contexte, et
vais m’efforcer de parler de Jérusalem telle que je l’ai dans le cœur.
Lorsque
je visitais Jérusalem, je m’efforçais toujours de m’approcher du Saint
Sépulcre, de l’église de la Résurrection. Mon endroit préféré était un petit
escalier où je pouvais m’asseoir un moment, …à condition que personne ne
l’emprunte.
L'escalier
se trouve sur le toit de l’église de la Résurrection, juste au-dessus des
chapelles éthiopienne. Là je peux voir le ciel, les oiseaux, les arbres et le
linge qui sèche au soleil. Là je me sens aussi proche que possible du Dieu
trinitaire à Jérusalem où les réalités politiques rendent difficile de ne pas
se lamenter. La cité sainte est importante à mes yeux du fait que c’est
l’endroit où Jésus Christ a passé tant de temps de sa vie, peut-être pas en
quantité mais certainement en qualité.
Je
pense au temps où il était un jeune Juif et était resté auprès des docteurs de
la loi au temple. A l’âge de 12 ans déjà, il surprenait les docteurs de la loi
par sa sagesse et son autorité. Cela me fait penser aux mouvements de jeunes
qui, partout dans le monde, ont été inspirés par Greta Thunberg, âgée de 15 ans
quand elle a lancé une grève scolaire pour le climat en 2018.
L’œuvre
prophétique à chaque génération consiste à contester les façons de penser et
les structures établies qui entravent le cours de la justice, de la paix et du
bien-être de la création. Jérusalem est dans mon cœur une invitation aux
prophètes du monde entier à poursuivre le ministère de Jésus Christ selon leurs
talents et leur sagesse.
Je
pense à Jean et à Marie qui se tenaient l’un à côté de l’autre au pied de la
croix. Impuissants face à la souffrance de Jésus, ils ont fait ce qu’ils
pouvaient. Ils sont restés proches, présents. Me tenant là avec eux, comme
j’aimerais être assez forte pour arracher les clous du corps de Jésus !
Je
pense à ce leader juif, Joseph, qui prit en charge le corps mort pour le
déposer dans une tombe neuve. À supposer que cette histoire soit exacte, je
suis allée à cette tombe, et elle est vide. Le plus saint des lieux saints de
la tradition chrétienne est vide. Car le Christ est ressuscité et il remplit tout
l’univers de sa présence.
C’est
pourquoi l'importance de Jérusalem est immense pour les chrétiens : c’est
le lieu où tout a commencé. La ville est la racine historique d’une réalité
spirituelle et la rend réelle, palpable, expérientielle. Les témoins palestiniens
de cette histoire sont les premiers témoins de cet évènement de Pâques et de
son développement dans l’Église chrétienne. Les familles chrétiennes
palestiniennes continuent à faire remonter leurs racines à la Pentecôte. Pour
beaucoup d’entre nous partout dans le monde, les Palestiniens chrétiens sont
les sœurs et les frères de Jésus Christ à tous égards.
Avec
eux nous déplorons l’assassinat par les Croisés de juifs, de musulmans et de
chrétiens orthodoxes. Avec eux nous déplorons toute présence de troupes
d’occupation. Aujourd’hui c’est l’occupation israélienne de la Palestine et la
discrimination à l’intérieur d’Israël, discrimination qualifiée de régime
d’apartheid du Jourdain à la Méditerranée par l’organisation israélienne de
droits humains B’Tselem.
Nous
le déplorons et demandons au Dieu Trinitaire de nous faire agir en faveur d’une
paix juste et du respect du droit international.
Comme
chrétiens nous partageons la signification religieuse de Jérusalem avec
beaucoup de juifs et de musulmans de par le monde. Inspirés par son importance
sacrée, nous partageons aussi avec eux notre engagement pour la liberté de la
Palestine et d’Israël. Nous sommes déterminés à transformer l’occupation, le
blocus, l’apartheid et l’annexion en bien-être pour la création toute entière.
La Rév. Dr Anna Karin Hammar de l’Église de Suède est la Coordinatrice œcuménique
de Kairos Palestine en Suède et de Kairos Mondial pour la Justice en Europe.
Et la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle,
Je l’ai vue qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu,
prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari.
Et j’entendis une voix forte :
‟Voici la demeure de Dieu avec les hommes ;
Il demeurera avec eux,
Et ils seront ses peuples,
Et
lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu…”
Apocalypse 21 : 2-3
Méditation
Que dire de
votre communauté sous « un regard chrétien ». Qu’y voyez-vous du Très
Saint ? Comment cela vous interpelle-t-il pour des actions spécifiques de
justice et de bonté, pour marcher humblement avec Dieu ?
Prière
Tu es béni, Toi
le Très Saint. Tu es apparu parmi nous, tu y as planté ta tente, tu nous as
invités à y entrer, et tu nous formes pour servir en ton nom. Guide-nous
maintenant en témoins de ton amour et de ta justice – à Jérusalem, dans toute
la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre.
Action
Considérer de ne pas recevoir la communion aujourd’hui, en communion avec nos frères palestiniens qui, à cause des restrictions de l’apartheid, sont dans l’impossibilité de se rendre à leurs lieux de célébration.
Vendredi Saint
Notre présence,
en tant que Palestiniens - chrétiens ou musulmans - sur cette terre n’est pas
un accident. Elle a des racines profondes liées à l’histoire et à la géographie
de cette terre, comme c’est le cas de tout peuple aujourd’hui qui vit sur sa
terre. Une injustice a été commise à notre égard, lorsqu’on nous a déracinés.
L'Occident a voulu réparer l’injustice qu’il avait commise à l’égard des juifs
dans les pays d’Europe, et il l’a fait à nos dépens et sur notre terre. Il a
ainsi réparé une injustice en en créant une autre.
Document Kairos
Palestine – Un Moment de Vérité, Chapitre 2.3.2
4
par
Nadine Bitar-Abu Sahlia
Dieu est au
milieu d’elle ; elle n’est pas ébranlée.
Dieu la secourt dès le point du jour.
Psaume 46.6
Jérusalem,
oh Jérusalem, mon cœur souffre quand je prononce ton nom. Tu as survécu à tant
de guerres et à tant de conflits. Tu as prouvé que Dieu a raison, comme nous le
lisons dans nos Saintes Écritures : « Elle
n’est pas ébranlée ». Jérusalem définit le modèle parfait d’existence
et de fierté. En tant que jeune femme de Jérusalem, je vois dans la ville une
source de force et d’espoir. Mon cœur souffre quand je prononce son nom, mais
chaque fois qu’on l’évoque j’en ressens aussi la puissance. Malgré toute la
souffrance que notre Jérusalem terrestre endure, elle continue à être la source
d’espoir et de foi qui nous mène à la Nouvelle Jérusalem qui est dans les
cieux.
Alors
que nous préparons nos âmes et nos esprits à Pâques pour célébrer la vérité
fondamentale de notre foi chrétienne, la résurrection de notre Sauveur Jésus
Christ, nous voyons Jérusalem présente dans toutes nos évocations bibliques.
Elle était et est encore témoin de la grandeur de Dieu et de l’acte d’amour le
plus puissant de Jésus. Elle est témoin de l’humanité et de la divinité de
Jésus. Jérusalem nous conduit à la résurrection. Elle nous conduit à la
sainteté. Jérusalem nous enseigne comment nous soumettre à la volonté de Dieu, elle
nous apprend comment être de vrais disciples du Christ.
Je
vois Jérusalem comme une mère, une sœur, une véritable amie. Elle marche avec
moi sur le chemin de la sainteté. Elle m’aide à prendre conscience de la
grandeur du sacrifice qu’a fait Jésus pour mon salut, et transmet sa grandeur
et sa sainteté à son peuple. Elle nous fait entrer dans l’histoire du salut et
nous communique son énergie juvénile afin de poursuivre l’œuvre de Dieu.
Permets-moi
de te remercier, oh Jérusalem : de te remercier pour être restée fidèle au
message de l’Évangile dans les temps les plus durs. Merci de m’enseigner l’importance
de ma présence dans la ville la plus sainte de la terre. Merci de croire en ta
jeunesse. Merci de nous permettre d’apprendre de toi. Merci Jérusalem, pour
tout l’amour que tu nous as montré tout au long de ton histoire.
Nadine Bitar-Abu Sahlia est née et a grandi dans le quartier chrétien de la Vieille
Ville de Jérusalem. Toute jeune elle s’est engagée dans le ministère, et le
ministère tient une place importante dans son cœur. Pour mieux comprendre le
ministère et par amour du service des autres, elle a obtenu en 2014 un diplôme
de Pastorale des jeunes à l’université North Park de Chicago. Après deux années
au service de Jérusalem et de son Église au bureau central des écoles Terra
Sancta, elle a repris des études au séminaire théologique de North Park à
Chicago et a obtenu une maîtrise de Ministère chrétien. Fière de son
appartenance à Youth of Jesus’
Homeland (YJHP : Jeunesse de la patrie de Jésus), Nadine travaille
actuellement au service catéchétique du Patriarcat Latin de Jérusalem.
5
Résistance
aimante : de la crucifixion à la résurrection
par Fredrik Glad-Gjernes
La
sainte ville de Jérusalem est crucifiée par une occupation violente. Ses
habitants sont divisés et opprimés. Des gens ont perdu leur maison, leur
travail, des membres de leur famille et l’accès à leurs lieux saints.
L’occupant au pouvoir a recours à une politique de violence et de
discrimination pour privilégier un groupe par rapport à un autre. L’apartheid
règne dans le domaine public de la ville sainte.
Les
opprimés en appellent à une solidarité qui coûte. Les paroles de suffisent pas :
les résolutions doivent être soutenues par des actes. Jésus est mort crucifié,
et nous a ainsi montré qu’un amour sans sacrifice est une illusion et que
l’amour rend vulnérable. Il nous a montré le pouvoir de celui qui n’a pas de
pouvoir. Enfant il était né sans pouvoir, adulte il est mort sans défense, la
source de son pouvoir était sa vulnérabilité.
Et
nous : sommes-nous disposés à sacrifier notre confort, notre temps et nos
ressources pour la liberté des autres ? Pouvons-nous contribuer à la
libération de Jérusalem ? Nos actions peuvent-elles exercer une pression
sur ceux qui maintiennent Jérusalem occupée ? À ce jour la communauté
internationale a émis quantité de résolutions et de paroles. Sommes-nous prêts
à conduire des actions qui pourraient sauver Jérusalem ?
Kairos
appelle au boycott, au désinvestissement et à des sanctions (BDS) contre les
structures de l’occupation. Le mouvement en faveur de BDS se développe, non
comme une action de haine mais comme un acte d’amour. Car la libération de
l’opprimé apportera sa libération aussi à l’oppresseur. Une résistance aimante
n’alimente pas la haine. Elle se fonde sur les paroles de Jésus : Aimez votre ennemi. C’est un
commandement qui invite à laisser voir notre impuissance.
L’amour
de notre ennemi, est-ce naïf, voire tabou ? Est-ce trop demander que
d’aimer ceux qui tuent nos parents et qui emprisonnent nos enfants ? Ceux
d’entre nous qui ne vivent pas sous occupation militaire ne peuvent même pas commencer
à imaginer ce qu’est la lutte du peuple palestinien. Jésus nous demande d’aimer
notre ennemi non parce que nous sommes faibles, mais parce qu’une résistance
aimante est la voie la plus efficace vers la justice et la paix.
Tout
comme nous ne pouvons supprimer le mal en ajoutant encore plus de noirceur,
nous ne pouvons mettre fin à l’oppression en y mettant encore plus de violence.
L’amour est plus fort que la haine, tout comme la lumière est plus forte que
l’obscurité. Présenter l’autre joue n’est pas un signe de faiblesse, mais
plutôt une démarche stratégique pour démasquer la violence illégitime et
obtenir le soutien de communautés du monde entier qui sont éprises de paix.
Israël
perd des soutiens quand il répond à une résistance pacifique avec la violence
de l’oppression. Mais si les Palestiniens ont recours au même genre de
violence, le monde continuera à en déduire faussement qu’il s’agit là d’un
conflit complexe entre deux parties dont
l’une est aussi criminelle que l’autre. Si au contraire la Palestine fait la
promotion du BDS par amour, ce sera une stratégie qui suscitera un soutien
mondial en vue d’une solution juste.
Il
nous faut demander aux gens épris de paix dans le monde entier de rompre avec
l’injustice et de cesser de soutenir ce qui est mauvais. Si nous sommes opposés
aux violations du droit international, nous devons cesser d’acheter des
produits issus de ces mêmes violations. Nous pouvons dire la vérité à ceux qui
ont le pouvoir en désinvestissant de sociétés qui sont complices de
l’occupation de la Palestine et en boycottant leurs produits.
Il
est important de noter la tendance encourageante du soutien apporté au BDS par
des communautés juives du monde entier. Un BDS fondé sur le droit international
ne saurait être qualifié d’antisémite. BDS prendra fin lorsque l’occupation
prendra fin et que la justice règnera. Ce ne sont pas des gens qu’un BDS lancé par
amour condamne, ce qu’il condamne sont des actions illégitimes. Tout comme il
l’a fait en Afrique du Sud. La liberté est en route.
Jérusalem
est la ville de tous les enfants de Dieu. Jésus est mort sur la croix à
Jérusalem. Trois jours plus tard est survenue la résurrection. La crucifixion
par la haine, la résurrection par l’amour. Aujourd’hui c’est une occupation
violente et haineuse que connaît Jérusalem. Mais la résurrection de la justice
va se produire quand nous nous serons livrés à un mouvement mondial de
résistance aimante. Pratiquons le BDS par amour !
Fredrik Glad-Gjernes est directeur de YGlobal Norvège depuis 2010. Il a
servi comme conseiller politique de Norwegian Church Aid (NCA), une
organisation humanitaire et œcuménique norvégienne, et comme son représentant
en Tanzanie. Il a mené l’expédition militante cycliste Du Cap au Cap
(1992-1994), et est le père de deux enfants de 14 et de 17 ans. Sa femme
travaille au programme Palestine de Y Folkshighschool Ronningen.
‟…Il
essuiera toute larme de leurs yeux,
Et
la mort ne sera plus,
Et
il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur :
Ce
qui était en premier s’en est allé.”
Alors
celui qui siégeait sur le trône déclara :
‟Voici que je
fais toute choses nouvelles.”
Apocalypse
21 : 4-5
Méditation
Au cœur du document Kairos Palestine, il y a un appel à la résistance, « un
droit et un devoir pour le chrétien. Mais, affirme le document, c’est
une résistance avec l’amour pour logique. » Que signifie cette formule
« une résistance avec l’amour pour logique », et comment
mettez-vous cela en pratique dans votre propre famille et dans votre
communauté ?
Prière
Toi qui fais toutes choses nouvelles, nous nous joignons aux
innombrables saints de l’histoire qui ont crié : « Jérusalem, oh
Jérusalem, mon cœur souffre quand je prononce ton nom ». Bénis en ce
jour les habitants de cette ville, juifs, musulmans, chrétiens et autres, chacun
d’entre eux ton enfant créé à ton image. Agis en eux et en nous pour y
renouveler ton Esprit, afin qu’ensemble nous puissions plus clairement traduire
ta volonté et tes voies pour l’humanité et l’ensemble de la création. Au nom de
Jésus. Amen.
Action
Appeler un ami ou un parent pour lui faire part de tes inquiétudes pour
les populations du Moyen Orient et de la façon dont tu réagis toi-même aux
difficultés qu’ils rencontrent.
Samedi Saint
Nous déclarons
également que l’occupation israélienne des Territoires palestiniens est un
péché contre Dieu et contre la personne humaine, car elle prive les
Palestiniens des droits humains fondamentaux que Dieu leur a accordés, et
défigure l’image de Dieu dans les Israéliens - devenus occupants - comme dans
les Palestiniens, soumis à l’occupation. Toute théologie qui prétend justifier
l’occupation en se basant sur les Écritures, la foi ou l'histoire est bien loin
des enseignements chrétiens, car elle appelle à la violence et à la guerre
sainte au nom de Dieu, le soumettant à des intérêts humains du “moment présent”
et déformant son
image dans les êtres humains qui subissent une injustice politique et
théologique.
Document Kairos
Palestine – Un Moment de Vérité, Chapitre 2.5
6
Jérusalem :
ville divisée ou ville unie ?
par
Dr. Nasser Al Qudwa
Un
des résultats les plus frappants de la Nakba
de 1948 a été la division de Jérusalem. Tandis que la Vieille Ville et ses Lieux
Saints restaient sous contrôle jordanien, il y a eu une perte massive de
propriétés accompagnée du déplacement forcé de près de 100 000
Palestiniens hors des « nouveaux quartiers » et de plusieurs villages
de grande signification, tel Ein Karem. C’est alors que l’on commença à parler
de Jérusalem « Ouest » et de Jérusalem « Est ». Plus tard,
en 1967, Israël a occupé Jérusalem-Est en plus du reste de la Palestine.
Jérusalem a été « réunifiée », c’est du moins ce que prétend Israël.
En réalité ce n’était rien d’autre que la réalisation d’un plan illégal de
colonisation-implantation.
En
reconsidérant les 73 dernières années, on peut aisément comprendre la sagesse de
la diplomatie du Vatican qui, dès le début, s’est opposée à la Déclaration
Balfour, puis est intervenue auprès des Nations Unies pour que Jérusalem reste
une seule ville dans le cadre d’un système de Corpus Separatum. Bien que
cela n’ait pas abouti, l’idée que Jérusalem soit une seule ville - sans
l’entreprise colonialiste d’Israël - reste présente dans le cœur et l’esprit de
bien des gens, dont évidemment le peuple palestinien.
La
position de la Palestine a été conforme au droit international et aux
résolutions des Nations Unies qui demandaient la fin de l’occupation
israélienne, qui avait commencé en 1967 et incluait Jérusalem-Est et ses lieux
saints. Cette position comporte un engagement ferme envers le Statu Quo des Lieux Saints tel qu’il existait
depuis des siècles, en dépit des tentatives des autorités israéliennes de
modifier cette réalité. Jérusalem-Est est la capitale de l’État de Palestine,
et la position israélienne n’est pas soutenable au regard du droit international.
Sa position est celle d’un pouvoir colonialiste qui vise à tout accaparer :
la terre, les habitants, les ressources naturelles, les lieux saints et les
sites archéologiques, et même le récit historique.
Mais
malgré tous ses efforts, Israël n’a pas réussi à éradiquer la vision d’une
Jérusalem libre qui servirait non seulement de centre aux trois religions
monothéistes, mais aussi de capitale pour deux États. L’identité arabe de
Jérusalem, son caractère central pour les chrétiens, les musulmans et les juifs,
ainsi que la mosaïque multiculturelle d’une ville aux composantes arméniennes,
grecques, marocaines, coptes, assyriennes et autres profondément enracinées, tout
cela devrait montrer que quelque soit la fourberie politique d’une occupation
colonialiste, Jérusalem ne peut pas être vaincue. C’est dans ce contexte que le
peuple palestinien éprouve une immense fierté pour notre présence continue dans
la ville et son caractère central pour nos vies quand nous faisons de Jérusalem
la capitale éternelle de la Palestine.
Le
document Kairos affirme que l’occupation israélienne est « un péché contre Dieu et l’humanité parce qu’elle prive les
Palestiniens des droits humains fondamentaux que Dieu leur a accordés ».
Quel magnifique contraste avec la laideur de ceux qui abusent de la religion
pour justifier des crimes, dont le déni systématique des droits des
Palestiniens. Le document est une affirmation du principe que le message
historique et l’identité sacrée de Jérusalem ne pourront pas être honorés aussi
longtemps que l’occupation israélienne sera en place. Le message d’espoir que
notre peuple a porté pendant des générations finira par vaincre les voix du
colonialisme et de l’apartheid.
Mettre
fin à l’occupation israélienne de Jérusalem-Est exige une séparation politique indispensable
pour permettre au peuple palestinien d’exercer son droit inaliénable à
l’auto-détermination et à l’indépendance nationale. Cette étape nécessaire peut
faire de Jérusalem, par un processus à définir, une ville qui ne sera pas
divisée par des barrières et des checkpoints, mais unifiée en humanité dans le
respect de sa condition particulière. C’est tout le contraire de ce que
l’occupation israélienne et son entreprise colonialiste et monopoliste ont fait
de la terre et du peuple de Palestine et de la ville de Jérusalem.
Le
Dr Nasser Al Qudwa, né à Gaza, a
occupé beaucoup de postes de responsabilité en Palestine, en particulier comme membre
du Conseil National Palestinien depuis 1975, ministre des Affaires Étrangères
de l’OLP en 2005-2006, et chef de la délégation palestinienne à la Cour Internationale
de Justice. Le Dr Al Qudwa est président du Conseil de la Fondation Yasser
Arafat.
7
Jérusalem
/ Al-Quds : Divinement unifiée, Humainement divisée
par
Dr Peter Makari
L’avant-dernier
paragraphe du document fondamental « Un
moment de vérité » publié par Kairos Palestine en 2009 met l’accent
sur Jérusalem comme « base de notre
vision et de toute notre vie ». Il y est écrit : « La reconnaissance de la sainteté de
Jérusalem et de sa vocation sera une source d’inspiration pour la résolution de
l’ensemble du problème ». Les auteurs du document ont sans doute volontairement
laissé Jérusalem pour la toute fin du document, pour centrer sur elle tout ce
qu’ils avaient déjà exprimé et offrir une image d’espérance en présentant la
ville comme un grand symbole de justice, de paix, d’harmonie et d’inspiration.
Car
Jérusalem, al-Quds en arabe
(c’est-à-dire « la Sainte »), est vraiment l’incarnation symbolique
de la perfection universelle et divine. Elle est ce que le psalmiste décrit
comme « la bien bâtie, ville d’un
seul tenant » (Ps 122.3) dont on implore la prospérité pour ceux qui
l’admirent. C’est un lieu de vénération et de nostalgie pour les membres des
trois religions abrahamiques, le judaïsme, le christianisme et l’islam, le lieu
du temple de Salomon, de la passion et de la résurrection du Christ et du
voyage nocturne de Muhammad au ciel, selon les textes sacrés de chacune d’elles.
Les
visiteurs d’aujourd’hui venus arpenter ces rues et ces pierres sacrées peuvent
très bien imaginer un lieu idéal où juifs, chrétiens et musulmans vivraient
ensemble et se mélangeraient, où les prières seraient dites sans honte à haute
voix et l’accomplissement spirituel recherché, où l’aura divine serait attendue
et anticipée. En été, elle est baignée d’un chaud soleil, et en hiver il arrive
que la neige recouvre le site d’un blanc pittoresque ralentissant le rythme de
la ville au bénéfice de la méditation… Le vent la traverse, souffle de l’Esprit
pour qui veut l’entendre.
Mais
les résidents de Jérusalem connaissent une réalité toute autre, qui peut être
observée par ceux qui ont des oreilles pour entendre et des yeux pour voir.
C’est une ville prise dans une lutte où chaque centimètre compte. Israéliens et
Palestiniens revendiquent chacun la terre et l’espace, mais avec tout le poids
de l’État côté israélien, avec l’effet que la présence palestinienne, même dans
toute sa légalité, est supplantée par une loi israélienne qui est parfois
écrite pour justifier les expulsions. On continue à construire à l’Ouest tandis
que l’Est est négligé ou grignoté. Il arrive que des Israéliens et des
Palestiniens se rencontrent par la force des choses, mais la plupart du temps
ils vivent séparément, bien que tous dans la même ville. Les colonies qui l’entourent
y sont incorporées tandis que des quartiers palestiniens en sont séparés par le
mur ou privés des services municipaux. Les colons israéliens menacent les
demeures des Palestiniens, leurs quartiers et leurs communautés à l’intérieur
même de la ville, ils confisquent des maisons et en expulsent les habitants à
volonté et avec le soutien des forces gouvernementales.
Le
Mur traverse les communautés palestiniennes et sépare les familles les unes des
autres. Il crée une enclave qui empêche les Palestiniens de se rendre en
Cisjordanie alors que les colons se déplacent librement à travers et autour des
barrières. Les Palestiniens paient les mêmes impôts que les Israéliens mais ils
reçoivent des services largement inférieurs, tant pour les écoles que pour les
besoins de santé, l’entretien des routes et tous les services municipaux, même pour
le ramassage des ordures. Tout cela est fourni en quantité moindre, voire pas
du tout. Et les Palestiniens qui quittent Jérusalem risquent de perdre définitivement
leur droit de résidence dans la ville s’ils ne peuvent prouver que c’est bien là
que se trouve leur « lieu de vie ». Et ceux d’entre eux qui vivent à
Jérusalem-Est, une partie de leur ville qu’Israël a officiellement annexée,
n’ont pas le droit de participer aux processus politiques nationaux israéliens.
Comment
cette réalité cadre-t-elle avec l’image de Jérusalem comme une communauté
idéale ? Comment cela reflète-t-il la sainteté conférée à Jérusalem et
qu’elle revendique ? Écoutons encore le psalmiste : « Demandez la paix pour Jérusalem :
Que tes amis vivent tranquilles ! Que la paix soit dans tes remparts et la
tranquillité dans tes palais. À cause de la maison du Seigneur notre Dieu, je veux
ton bonheur. » (Ps 122.6-7,9). Mais Jérémie dit : « Ils ont bien vite fait de remédier au
désastre de mon peuple en disant « Tout va bien ! Tout va
bien ! » Et rien ne va. » (Jr 6.14).
Le
« Cri pour de l’Espoir » de
Kairos Palestine affirme que « soutenir
l’oppression du peuple palestinien, que ce soit passivement ou activement, par
le silence, en paroles ou en actes, est un péché ». Les réalités
humaines de Jérusalem sont bien loin de l’idéal divin pour elle, et pour la
création toute entière. La Jérusalem idéale est une représentation puissante du
Royaume de Dieu. Aussi imparfaits que nous pouvons être comme êtres humains, comme
enfants de Dieu nous ne pouvons que continuer à œuvrer pour la justice et la
paix de Dieu, afin qu’elles puissent advenir, et que Jérusalem, la cité de la
glorieuse résurrection du Christ, puisse atteindre son idéal spirituel et son
potentiel temporel.
Dr
Peter Makari est responsable
depuis le 1er juillet 2000 de la zone Proche-Orient et Europe du
service ‘Global Ministries’ de l’Église Unie du Christ et de l’Église
Chrétienne (Disciples du Christ), deux Églises américaines partenaires de
Kairos Palestine. Égyptien-Américain, Peter a vécu au Proche-Orient comme
envoyé auprès des Églises avant d’accepter ses responsabilités actuelles. Il a
une maîtrise en Études proche-orientales de l’Université américaine du Caire
(1993) et un doctorat en Sciences politiques et Études Proche-orientales de l’université
de New York (2003), et est l’auteur de Conflit et
Coopération : Relations islamo-chrétiennes dans l’Égypte contemporaine (Syracuse University Press, 2007). Il est membre de
West Park United Church of Christ de Cleveland, Ohio.
Dans la ville je
n’ai pas vu de sanctuaire,
Car son
sanctuaire, c’est le Seigneur Dieu,
souverain de
l’univers et l’agneau.
La ville n’a pas besoin du soleil ni de la
lune pour l’éclairer,
Car la gloire de
Dieu l’illumine :
Son luminaire,
c’est l’Agneau.
Les nations
marcheront à sa lumière,
Et les rois de
la terre y porteront leur gloire.
Jour après jour,
jamais les portes ne seront fermées,
car il n’y aura
plus de nuit.
On apportera dans la ville la gloire et
le faste des nations.
Apocalypse
21 : 22-26
Méditation
Nous célébrons
la riche diversité de la population arabe de Jérusalem et déplorons les actions
d’Israël pour la diviser selon des critères religieux et ethniques. Quelles
sont les forces de division dans votre communauté, et comment pouvez-vous les nommer
et leur résister ?
Prière
Dieu
d’une paix durable et d’une justice qui renverse les tables, j’ajoute ma prière
à celle du Psalmiste. Que ceux qui aiment Jérusalem puissent prospérer, qu’il
règne une paix juste entre ses murs et la sécurité dans ses tours, procurée par
un amour qui discerne quand il est juste de séparer et quand il faut
courageusement rassembler. Au nom de l’Agneau qui était, qui est et qui sera
toujours la lumière de Jérusalem. Amen.
Action
Lire
(ou relire) l’appel ‘Un Cri pour de l’Espoir : Un appel à une action
décisive’ de Kairos Palestine et Kairos mondial pour la Justice (se trouve sur
le blog des Amis de Sabeel France http://amisdesabeelfrance.blogspot.com/. S’engager dans
l’une des sept actions proposées.
Dimanche de
Pâques
En l’absence de
tout espoir, nous faisons entendre aujourd’hui notre cri d’espérance. Nous
croyons en un Dieu bon et juste. Nous croyons que sa bonté finira par triompher
sur le mal de la haine et de la mort qui règnent encore sur notre terre. Et
nous finirons par entrevoir une “terre nouvelle” et un “homme nouveau”, capable
de s’élever par son esprit jusqu’à l’amour de tous ses frères et sœurs qui
habitent cette terre.
Document Kairos
Palestine – Un Moment de Vérité, Chapitre 10
8
La Paix dans le
monde passe par Jérusalem
par George Zeidan
En temps normal avant que la pandémie ne vole
tant de temps à nos courtes vies, j'emmenais volontiers de nombreux amis et
visiteurs explorer la vieille ville de Jérusalem. Comme tous les habitants de tout
lieu, nous avons tendance à considérer notre propre ville comme bien connue. Chaque
fois que je traverse les endroits reculés et les marchés et que je visite
certains des lieux les plus saints pour les trois religions abrahamiques du
monde, je suis bouleversé. C'est toujours spécial : dans le même quartier tant
de gens différents partagent leur vénération pour Dieu et prient pour son
soutien, son amour et, certainement, pour la paix.
Se prétendant missionnaires de leur ascendant
le patriarche Abraham, Trump et Israël ont signé des accords de paix avec trois
pays arabes : les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Soudan. Selon la Maison
Blanche, les accords d'Abraham « poursuivent une vision de paix, de
sécurité et de prospérité au Moyen-Orient et dans le monde entier ». De
fortes rumeurs laissent entendre que de nombreuses autres nations arabes sont
sur le point de signer des traités de paix avec Israël.
Au premier abord il a semblé qu'Israël avait
réalisé l'impossible. Personne n'aurait imaginé que la signature d'un accord de
paix avec trois nations arabes se ferait ainsi, à coût nul. Ces pays ont été en
état de « guerre » avec Israël depuis 1948, quoique sans engagement
militaire véritable. Au cours des dix dernières années, nous avons constamment
entendu des rumeurs sur de possibles réunions secrètes entre des dirigeants du
monde arabe et Israël. Sous l'administration Trump, le spectre géopolitique a
poussé ces régimes à normaliser rapidement et publiquement leurs relations avec
Israël.
L'annonce de ces accords a provoqué une
colère extrême dans le monde arabe et dans la population palestinienne. Il est
vrai que ces pays ne sont pas les premiers pays arabes à signer des traités
avec Israël. L'Égypte en a signé un en 1979, et la Jordanie en 1994. Mais dans
le monde arabe il y a un consensus à propos des raisons qui ont poussé l'Égypte
et la Jordanie à signer ces traités : ces accords ont été conclus après
des guerres meurtrières avec Israël, au cours desquelles des territoires avaient
été perdus et ont été rétrocédés. L'Égypte et la Jordanie ont aussi toutes deux
des frontières communes avec les territoires [palestiniens] occupés.
Pour qu'un gouvernement légitime puisse
déclarer des changements significatifs par rapport au statut de « guerre »,
il lui faut le soutien majoritaire de son peuple. Mais les gouvernements de ces
trois pays arabes ont trois autres raisons : ils répondent à Trump, ils se
soucient peu de la volonté de leur peuple, et ils considèrent Israël comme un
allié stratégique contre l'Iran. Qu'il s'agisse des nouveaux traités ou des
anciens, tout le monde sait que les peuples et leurs gouvernements ne sont pas
sur la même longueur d'onde.
Croyez-moi si vous le voulez. Un incident
récemment arrivé à l'un des plus célèbres acteurs arabes, qui était la vedette
des écrans ces dernières années et qui se soucie effectivement de son public de
fans, nous en dit long. La star égyptienne Muhammad Ramadan a été pris en photo
à Dubaï embrassant le chanteur israélien Omer Adam. Depuis, Ramadan soulève l'indignation
sur les réseaux sociaux qui l'accusent de trahison. En Égypte, il a été l'objet
d'un tag sur Twitter : #Mohammad Ramadan est un sioniste. Il a présenté
ses excuses, prétendant ne pas être au courant de la nationalité du chanteur
israélien, et s'est montré très contrarié. Il a demandé de la bienveillance à
son égard et n’a cessé de proclamer son soutien au peuple palestinien. Le monde
arabe et les Égyptiens en particulier qui ont signé un traité de paix il y a
quatre ans ne se considèrent pas en paix avec Israël.
Nos frères et sœurs du monde arabe savent que
tout processus de paix doit commencer ici à Jérusalem, puis se développer
librement. Ce ne sont pas des gouvernements arabes déconnectés de leur propre
peuple qui pourront instaurer une paix durable dans la région. Les dirigeants
arabes et Trump peuvent bien prétendre le contraire. Ils peuvent être aussi
créatifs que possible dans leurs « accords de paix » ou recourir à
des méthodes innovantes et se servir de la science, des arts et du sport pour
obtenir l'accord des populations arabes. Ils peuvent signer d'autres traités
encore. Mais la vérité, nous la connaissons mieux.
La paix entre Israéliens, Saoudiens,
Égyptiens et le reste du monde arabe passe d'abord par la réconciliation dans
les petits recoins de la Vieille ville de Jérusalem. Tant que nous ne mettrons
pas fin à l'occupation et à l'oppression du peuple palestinien et que nous ne
parviendrons pas à un accord juste et équitable sur l'avenir de Jérusalem, nous
ne serons pas sur le bon chemin qui mène à la paix.
George
Zeidan est cofondateur de ‘Right to Movement
Palestine’ (Droit aux déplacements Palestine), une initiative visant à
illustrer la réalité de la vie palestinienne par le sport. Titulaire d'une
bourse Fulbright et d'une maîtrise de la Price School of Public Policy de
l'université de Californie du Sud, il est gestionnaire de programmes pour une
organisation humanitaire internationale. Il a grandi dans la Vieille ville de
Jérusalem.
9
Jérusalem est le
chemin vers une paix mondiale
par
le Rév. Dr. Roger Gaikwad
Alors
que nous allons célébrer Vendredi Saint et Pâques, nos cœurs se tournent vers
Jérusalem.
Message de Vendredi Saint : Détruisez le
mur de Jérusalem !
En
2002, le gouvernement israélien a démarré la construction d’un soi-disant « mur
de sécurité » dans les territoires palestiniens occupés, y compris dans le
secteur autour de Jérusalem-Est. La dure réalité est qu’il s’agit d’un mur « d'apartheid »
qui discrimine les Palestiniens avec une cruelle injustice. C'est à l'extérieur
de l'ancienne muraille de Jérusalem (Héb.13:12), au Golgotha, que Jésus a été
crucifié. Être crucifié à l'extérieur de la ville signifiait que Jésus n'était
pas considéré comme digne d'être compté parmi le peuple élu de Dieu. Il était
hors les murs.
Mais
sa mort a signifié l'abolition des barrières entre les différentes communautés
humaines, comme l'écrit Paul dans Éphésiens 2.13-16. Paul a témoigné de la paix
née entre Juifs et païens par la mort du Christ sur la croix. Aucune
supériorité ne pourra plus être revendiquée sur la base de l’appartenance à un
certain peuple, celui que Dieu s’est choisi parmi tous les autres. Aucune
prééminence ne pourra être revendiquée sur la base de la circoncision, car « la circoncision est celle du cœur, celle
qui relève de l’Esprit et non de la lettre » (Rom.2.29). En effet Paul
dit en Galates 3.28 : « Il n'y a
plus ni Juif, ni Grec ; il n'y a plus ni esclave ni homme libre ; il
n'y a plus l’homme et la femme ; car tous, vous n’êtes qu'un en Jésus Christ ».
En Jésus, une humanité nouvelle est née.
Le Golgotha de
Jérusalem est un symbole pour la paix mondiale !
Le mur d'apartheid doit être détruit !
Message
de Pâques : Que Jérusalem soit un chenal de paix !
Le
6 décembre 2017, le président américain de l'époque, Donald Trump, a reconnu
Jérusalem comme capitale d'Israël et a ordonné le déplacement de l'ambassade
des États-Unis de Tel Aviv à Jérusalem. Trump a de fait ratifié le point de vue
des sionistes selon lequel « par la loi, par la religion, par les
sentiments, Jérusalem est le centre, le noyau, le cœur du peuple juif et de
l'État d'Israël ». Mais le sionisme est incompatible avec la paix mondiale.
C’est
le Christ ressuscité à Jérusalem qui représente la paix, comme l’a déclaré l'évêque
Dr. Munib A. Younan dans son message de Pâques en 2014 : « La promesse
du Seigneur ressuscité « La paix soit avec vous » est valable pour
les Palestiniens comme pour les Israéliens. Même si le chemin vers une paix
fondée sur la justice est dur et comporte nombre de barrages et de checkpoints,
la promesse de la Paix de la résurrection ravive en chacun de nous une nouvelle
espérance. Il n'y a pas d'autre voie... que celle de la justice entre les
nations... Je rêve du jour où Jérusalem sera une ville partagée entre trois
religions et deux nations. Je rêve de ce jour où il y aura des frontières sûres
sans aucun mur. Nous espérons un accès égal pour tous aux ressources, aux sites
religieux, et un processus démocratique partagé ».
Dans
le discours d'adieu de Jésus ressuscité à ses disciples, il leur a ouvert
l’esprit pour qu'ils comprennent les Écritures et leur a dit : « C’est
comme il a été écrit : le Christ souffrira et ressuscitera des morts le
troisième jour, et on prêchera en son nom la conversion et le pardon des péchés
à toutes les nations, à commencer par Jérusalem » (Luc 24.46-47).
Jérusalem comme modèle de justice et de paix ouvrirait un chemin « exemplaire »
pour que les forces fascistes, racistes, castristes et collectivistes de
l’ensemble de notre monde aujourd’hui embrassent la justice et la paix :
« Car c'est de Sion que viendra l’instruction… pour que, martelant leurs
épées, ils en fassent des socs et que, de leurs lances, ils fassent des serpes »
(cf. Es. 2.3-4).
Jérusalem : le
chemin vers la paix mondiale !
Le Révérend Dr Roger Gaikwad, secrétaire
général du Conseil national des Églises en Inde, est directeur de l'enseignement
théologique, de la mission et de l'évangélisation pour le diocèse d'Inde du
Nord-Est de l’Église d’Inde du nord. Le Dr Gaikwad est également secrétaire du
diocèse et modérateur du Réseau de solidarité Inde-Palestine.
10
Pâques : Fête
de toutes les fêtes, Saison de toutes les saisons
par
l’archevêque Atallah Hanna
Jérusalem est la ville de notre foi, la cité vénérée pour les trois
religions monothéistes. Personne n’a quelque droit exclusif de réclamer
Jérusalem pour lui tout seul. Jérusalem est la ville de la paix, mais la paix
lui est refusée parce qu’il n’y a pas de justice dans la ville. C’est plutôt
l’injustice qui y règne, et les Palestiniens chrétiens et musulmans sont pris à partie à propos de nos
lieux saints, de notre patrimoine et de notre présence historique et
profondément enracinée en ce lieu sacré.
Jérusalem est le berceau des lieux saints les plus importants de la
chrétienté. En tant que Palestiniens nous considérons Jérusalem comme notre
capitale. Pourtant nous sommes traités comme des étrangers dans la ville
sainte.
La déclaration de Trump présentant Jérusalem comme la capitale d’Israël
et sa décision de déménager l’ambassade des États Unis à Jérusalem ont encore
consolidé les mesures injustes et arbitraires contre les Palestiniens, qui affectent
tous les aspects de notre vie quotidienne. Nous ne savons si le nouveau
président des États Unis a l’intention de revenir sur ces décisions injustes,
mais l’espoir semble mince. Nous ne devrions pas être trop optimistes quant à
des changements drastiques des positions américaines sous la nouvelle
administration, que ce soit au sujet de Jérusalem en particulier ou de la
question palestinienne en général.
En dehors de la politique, je dis de Jérusalem en cette sainte période
pascale que pour les Palestiniens elle est la ville de la résurrection et notre
toute première destination. Aucun lieu dans la chrétienté n’est plus important
ou plus sacré que la ville qui abrite le Saint Sépulcre et son Église, le site
de la mort et de la résurrection de Jésus. Chacun sait que la résurrection est
un pilier central de notre foi. Nous nous souvenons comment notre Seigneur a porté
sa croix et est monté au Golgotha où il a été crucifié et enterré. Mais il a
vaincu la mort et s’est relevé d’entre les morts le troisième jour. C’est notre
fête et nous la célébrons. Dans la liturgie nous l’appelons « Fête de toutes les fêtes, Saison de
toutes les saisons ». En ce jour glorieux, lors de la plus significative
des célébrations chrétiennes, nous nous mettons à genoux devant le tombeau vide
et adorons notre Seigneur qui s’est relevé d’entre les morts.
Nous prions Dieu que la justice, absente depuis si longtemps, règne enfin
dans notre pays, que la paix que nous désirons si ardemment l’emporte, et que
toutes les injustices dont notre peuple a été victime et dont il continue de
souffrir soient levées.
Les Palestiniens méritent la liberté, ils méritent la vie. Dans leur
grande majorité, ils sont éduqués et ont un sentiment profond d’appartenance à
notre patrie. Ils ont toujours été de fidèles défenseurs de notre juste cause
et ont accepté de grands sacrifices pour la promouvoir. Nos sacrifices n’auront
pas été vains, peu importe le temps qu’il faudra encore attendre.
Notre message de Pâques aux chrétiens qui vivent ici dans le pays et à tout
notre peuple est le suivant : « Ne perdez jamais espoir, quelle que
soit la sévérité des épreuves, des conspirations, des plans douteux et des
promesses vides qui veulent éliminer notre cause. »
Notre message de Pâques est un message d’espoir en des temps difficiles,
particulièrement maintenant avec les conditions de vie imposées par la pandémie
et en dépit de toutes les injustices et de la dégradation du respect de la
dignité humaine à laquelle notre peuple est exposé.
Inspirés par la sainte fête de la Résurrection, je dis aux
Palestiniens : « N’ayez pas peur, ne vous résignez jamais et refusez
d’être forcés à la frustration, au désespoir et à la désespérance. Gardez votre
moral bien haut, votre volonté ferme, et aimez-vous les uns les autres. Rejetez
toute division et soyez unis dans la défense de votre cause, la cause de tous
les hommes et de toutes les femmes libres dans notre monde. »
Je salue tous les chrétiens qui célèbrent Pâques en leur disant
« Voici le jour que le Seigneur a fait, qu’il soit pour nous un sujet
d’allégresse et de joie ! »
Puissions-nous faire l’expérience d’une résurrection nouvelle, d’une
résurrection renouvelée pour cette Terre Sainte et pour toute l’humanité. Nous
prions Dieu pour que le monde entier s’unisse dans la lutte contre la pandémie
et continue d’être uni pour faire face à toutes les autres pandémies de notre
univers : le racisme tout particulièrement, et la haine, et l’injustice,
l’occupation, l’oppression, et toute dégradation de la dignité humaine.
Jésus est ressuscité. Il est vraiment ressuscité !
L’archevêque Atallah Hanna est né à Al Rama en Haute Galilée. Après le lycée il a rejoint le Séminaire orthodoxe de Jérusalem en 1983. En 1984 il est parti à Thessalonique étudier le grec avant de rejoindre le Collège de Théologie de l’Université de Thessalonique dont il sortira diplômé. L’archevêque Hanna a été ordonné moine en 1990 au Patriarcat grec orthodoxe de Jérusalem. Durant de nombreuses années il a aidé à développer le programme unifié des cours de religion chrétienne dans les écoles palestiniennes. Il a joué un rôle dans le dialogue islamo-chrétien, participé à des conférences locales, régionales et internationales, et a défendu la cause palestinienne dans tous les forums. Il est membre de plusieurs institutions chrétiennes et œcuméniques. En 2005, il a unanimement été élu archevêque de Sébaste.
Puis l’ange me montra l’eau de la
vie :
Un fleuve resplendissant comme du
cristal,
qui jaillit du trône de Dieu et de
l’Agneau.
Au milieu e la place de la ville
entre les deux bras du fleuve, il y a un
arbre de vie qui donne des fruits douze fois :
Chaque mois il produit son fruit ;
Et
les feuilles de cet arbre sont un remède pour les nations.
Apocalypse 22.1-2
Méditation
C’est un samedi de 70 années qu’ont connu les Palestiniens. Pour
beaucoup dans nos communautés et dans nos pays aussi, cela a souvent aussi été une
période d’épreuve entre le Vendredi Saint et le dimanche de la Résurrection.
Actuellement, en ce matin de Pâques, malgré le brouillard et les ombres, où discernez-vous
des signes de vie ressuscitée ? Pour lesquels de ces signes de vie
nouvelle pouvez-vous crier : Alléluia, Il est ressuscité !?
Prière
Viens, Seigneur Jésus, Viens bientôt comme tu l’as promis. Viens essuyer
les pleurs, mettre fin à la mort et aux deuils et aux souffrances. Viens et
donne à celui qui a soif une gorgée d’eau, claiere comme le cristal, coulant de
la source de la vie. Sois notre Dieu. Nous serons tes enfants. Viens. Amen.
Action
Ce ne sont pas seulement des despotes qui œuvrent à maintenir le statu quo. Des dirigeants progressistes aussi mettent en garde contre trop de changement, et résistent au partage du pouvoir. Une paix juste n’adviendra pas avant que la société civile n’exige la justice. Soyez encouragés à engager ou à réengager votre cœur, vos mains et votre voix à agir courageusement pour la réparation, le renouveau et la résurrection par un mouvement populaire dans la partie du monde où vous vivez.
Kairos
Palestine vous prie instamment de faire ce qui suit :
1. Diffuser et étudier ces
réflexions théologiques dans vos lieux de culte pendant toute la Semaine sainte
de Pâques pour informer et sensibiliser votre communauté sur les souffrances que
vit votre famille palestinienne sous occupation israélienne.
2.
Diffuser
l’appel auprès des communautés religieuses, des paroisses, consistoires,
régions et diocèses de votre pays.
3. Lire le Cri pour de l’espoir que Kairos
Palestine et ses partenaires ont lancé le 1er juillet 2020 ; le
signer en allant sur le site cryforhope.org et participer à
la mise en œuvre de ses recommandations :
a. Lancer aux niveaux local, confessionnel et
œcuménique des démarches conduisant à des actions déterminantes concernant la
violation des droits des Palestiniens.
b. Contester les
théologies et les interprétations de la Bible qui justifient l’oppression du
peuple palestinien.
c. Exiger que
les gouvernements et les organisations mondiales recourent à des moyens
politiques, diplomatiques et économiques pour mettre fin aux violations par
Israël des droits humains et du droit international.
d. S’opposer à
l’assimilation des critiques d’Israël à de l’antisémitisme.
e. Soutenir les
initiatives entre Israéliens et Palestiniens et des partenariats interreligieux
qui s’opposent à l’apartheid et donnent la possibilité d’agir ensemble pour la
justice et l’égalité.
f. Soutenir la
résistance palestinienne, y compris la démarche Boycott, Désinvestissement,
Sanctions (BDS) et le plaidoyer politique.
4. Consulter la boîte à outils
BDS sur le site https://bdstoolkit.org/. Elle a été lancée le 16 novembre
2020 et élaborée par Kairos mondial pour
la Justice’, un réseau né du congrès de Kairos Palestine de 2018 à Bethléem,
qui était une suite au document fondamental de 2009 de Kairos Palestine : Un moment de vérité. Veuillez faire
connaître le site de la boite à outils BDS aux communautés religieuses,
paroisses, consistoires, régions et diocèses de votre pays.
5.
Venir constater la réalité sur place en Terre Sainte pour manifester votre
solidarité avec les initiatives populaires en vue d’une paix juste.
6.
Adresser des lettres de solidarité et de soutien pour la justice en Palestine-Israël
à l’ambassade d’Israël dans votre pays. Pour plus d’information, consulter www.allembassies.com/israeli_embassies.htm
7.
Faire
savoir à vos frères et sœurs palestiniens comment vous avez réagi à l’Appel de
Pâques en nous écrivant à l’adresse mail : kairos@kairospalestine.ps. Prendre aussi contact avec nous
pour toute autre raison. Notre force et notre courage sont renforcés par nos
contacts avec vous.
Traduction Amis
de Sabeel France
Merci à Marguerite
d’Huart
Fred Lucas
Ernest Reichert
Ulrike Richard-Molard
Danielle Vergniol.
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