Vous avez pu lire la semaine dernière une lettre de nouvelles de Marilyn. Venue de France, elle est à pied d’œuvre depuis début septembre 2022 en Cisjordanie, au sein du groupe 85 des équipes d’accompagnateurs œcuméniques du programme EAPPI. Les missions de ces équipes sont multiples : témoigner, soutenir les actes de résistance non violente aux côtés des Palestiniens chrétiens et musulmans locaux et des militants pacifistes israéliens, offrir une protection par leur présence non violente… Avant son départ, Marilyn a expliqué au Défap ce qui l’a poussée à s’engager dans ce programme. Rencontre.
En mission de paix avec EAPPI © EAPPI
Quelles sont les motivations personnelles qui vous ont poussée à participer au programme EAPPI en Israël-Palestine ?
Elles sont multiples. Il s’agit de motivations tant humaines que spirituelles, qui s’expliquent par mon parcours personnel. J’ai été en contact avec ce lieu, cette terre, depuis 2003. La première fois que j’y suis allée, je voulais voir sur place, après ce que j’avais entendu de ce conflit, de ce problème entre deux peuples. Cette situation m’interpellait déjà au lycée : nous étions un groupe d’élèves très amis, dont une qui était arabe, et moi, moitié française, moitié espagnole. C’était après 1967, après la guerre des Six Jours. Déjà, il existait des mouvements de jeunesse, très œcuméniques, qui proposaient d’aller construire sur place des écoles, de s’occuper de centres sociaux, d’hôpitaux. Déjà, nous avions ce projet de partir sur place ; ça ne s’est pas concrétisé alors. Mais j’ai été rattrapée plus tard par ce besoin, ou ce désir, ancré en moi.
À la source de ce désir, qu’y a-t-il exactement ? Je dirais qu’il s’agit d’un besoin de justice, d’un besoin de paix, de spiritualité ; c’est peut-être aussi une manière de revisiter mes propres racines, mes propres origines… La source de ma motivation est probablement là, à la croisée de l’humain et du spirituel. Et je trouve à travers le programme EAPPI un moyen de participer, même de manière très modeste, à la reconstruction de la paix ; d’être un témoin, de rendre compte de ce qui se passe sur place ; d’aider des populations souffrantes…
L’une des missions des accompagnateurs œcuméniques : assurer une présence et témoigner au niveau des checkpoints tenus par l’armée israélienne. Ici, celui de Kalendia © EAPPI
Comment s’est passée la prise de contact avec EAPPI ?
Je suis protestante, et même si je m’intéresse globalement aux questions de géopolitique, je m’intéresse aussi plus particulièrement aux populations qui habitent cette partie du monde d’un point de vue spirituel, de par mon engagement et ma foi. Voilà pourquoi le EAPPI correspond à mes aspirations. Outre le fait qu’il s’agit d’un programme œcuménique.
La première fois que j’ai entendu parler de ce programme, c’était par hasard : des amis protestants m’avaient parlé d’une soirée publique, au cours de laquelle des invités devaient témoigner des actions d’EAPPI. Je ne pouvais pas y aller ; j’ai envoyé une amie protestante, elle-même intéressée, à ma place. Elle m’a rapporté des documents de cette soirée ; et à leur lecture, je me suis dit qu’il fallait que je parte. J’étais déjà allée bien des fois sur place avec divers organismes, mais il me manquait cette dimension spirituelle que je recherchais, qui faisait écho à ma foi.
Comment vous êtes-vous engagée dans le programme ?
J’ai pris très vite contact avec Bertrand Vergniol, alors secrétaire général du Défap. J’ai ressenti comme un appel. Je l’ai rencontré assez rapidement, en ayant bien étudié le fascicule d’EAPPI. Je serais partie plus tôt si mon employeur m’avait autorisée à le faire ; j’avais demandé deux fois de suite l’autorisation de partir à l’Inspection académique dont je dépendais – j’étais alors directrice d’école. Puis, il y a eu la pandémie… À présent, je ne suis plus dans l’Éducation nationale, il n’y a plus de restrictions de circulation, et je peux enfin partir.
Le contact avec le Défap et Bertrand a été facilité, car je connaissais déjà deux personnes qui étaient parties dans le cadre du programme EAPPI : Martine Millet, pasteure, et Christiane Gillmann, toutes deux membres de Chrétiens de la Méditerranée. Il y a donc eu tout un faisceau de rencontres qui a permis ma candidature.
Une image prise dans un camp de bédouins démoli par l’armée israélienne © EAPPI
Que vous attendez-vous à trouver sur place, après votre formation ?
J’ai suivi une formation d’une semaine avant mon départ dans le cadre du programme EAPPI. La situation politique nous a été bien décrite – même si je la connais déjà bien, dans la mesure où, depuis 2003, je vais tous les ans sur place, voire deux fois par an. Je pense être préparée à cette situation difficile que vivent les Palestiniens et les Israéliens. Je pense être préparée à une situation réelle de dangerosité, mais tout en apprenant à rester dans mon rôle d’observatrice, sans être partie prenante d’un côté ou de l’autre. Même si le rôle d’accompagnateur œcuménique est un rôle qui engage : mais c’est un engagement qui se place plus sur le plan humanitaire que politique. Et il est important d’avoir toujours une attitude d’écoute… Je crois que tous les participants de la formation ont pris conscience de la complexité de leur rôle. Tout en sachant qu’il faut être humble : nous sommes une goutte d’eau parmi ceux qui œuvrent à la paix.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire