Kumi Now Année 2 Semaine 33 : du 2 au 8 juin 2020
Le musée d’Histoire
naturelle de Palestine
et les effets de l’occupation sur l’environnement
Ce
n’est pas que sur le peuple palestinien que l’occupation israélienne fait
constamment peser ses menaces et ses agressions : l’environnement dont il
dépend en souffre tout autant. Le musée d’Histoire naturelle de Palestine et l’Institut
de Biodiversité et de Développement durable de Palestine connaissent bien les
liens entre ces deux abus et s'efforcent d'en analyser les effets pour mieux pouvoir
s'y opposer. Voici ce qu’il vous faut savoir et ce que vous pouvez faire pour
que nous puissions réagir et nous lever (Kumi !)
ensemble.
Organisation
Le musée d’Histoire naturelle de Palestine (PMNH) et l’Institut de Biodiversité
et de Développement durable de Palestine (PIBS) travaillent pour mieux
connaître, faire connaître et préserver notre environnement, notre culture et
notre patrimoine, et pour promouvoir ainsi des comportements
responsables à leur égard. Nos objectifs sont :
·
L’exploration et l’étude de la diversité de la faune,
de la flore et de l’ethnographie humaine, par le biais de collections et par la
recherche.
·
La promotion de la protection de l’environnement et d'un
comportement responsable à son égard.
·
Le recours aux connaissances acquises et aux livres,
aux bases de données et aux collections pour encourager la formation
scientifique.
·
Cataloguer et établir une base de données matérielle
et électronique de toutes les espèces d’animaux et de plantes présentes.
·
Développer le respect a) de nous-mêmes (prises de responsabilités),
b) de nos semblables, quelles que soient leurs origines, c) de tous les êtres
vivant sur cette terre que nous partageons tous.
Vous trouverez le musée d’Histoire naturelle de Palestine et l’Institut de
Biodiversité et de Développement durable de Palestine (en anglais) sur leur
site internet https://www.palestinenature.org
ou sur Twitter https://twitter.com/PalMNH ou Facebook https://www.facebook.com/Palestine-Museum-of-Natural-History-1454309858180882/
Le professeur Mazin Qumsiyeh, fondateur du musée
d’Histoire naturelle de Palestine et de l’Institut
de Biodiversité et de Développement durable de Palestine, a un blog à l'adresse http://popular-resistance.blogspot.co.il/ et
alimente Qumsiyeh : A Human Rights Web
(Qumsiyeh : un réseau pour les droits humains) sur http://qumsiyeh.org/home/.
Vous pouvez aussi
le trouver sur Twitter à https://twitter.com/mazinq ou sur Facebook
à https://www.facebook.com/mazin.qumsiyeh.9.
La situation
À la fin du 19ème siècle, il y avait en Palestine quelque
1 300 villages et villes autochtones, vieux pour la plupart de quelques milliers
d’années et vivant en totale harmonie avec la nature environnante. Cette
situation a radicalement changé après le premier Congrès sioniste de 1897,
quand des Juifs venus majoritairement d’Europe se sont emparés de la terre. La
destruction de l’ancienne façon de vivre s’est accompagnée de la destruction de
plus de 500 villages et villes ainsi que de leurs terres, sur lesquelles ont
surtout été plantés des pins d’Europe qui ont dégradé l’environnement local.
Lorsqu’en 1967 la Cisjordanie et la Bande de Gaza se sont retrouvées elles
aussi sous autorité israélienne, il y eut encore plus de destructions, avec la
construction de colonies de peuplement israéliennes dans les territoires
palestiniens occupés. 800 000 Israéliens y habitent aujourd'hui, et l’environnement
naturel palestinien a été traumatisé par le déracinement d’essences locales d'arbres,
la construction de colonies et du mur d'apartheid, les activités militaires et
les zones industrielles, ainsi que par la mise en œuvre de projets hydrauliques
qui détournent les eaux de la vallée du Jourdain et puisent dans les nappes
aquifères souterraines. Comme le dit Alon Tal, fondateur de l’Union israélienne
pour la Défense de l’environnement : « C’est un paradoxe sioniste : nous
sommes venus ici pour sauver une terre, et nous avons fini par la
polluer ».
Projets pharaoniques et destruction des habitats indigènes
Les premiers « pionniers » sionistes, arrivés dans la première
moitié du 20ème siècle, ont détruit quantité d'essences locales d’arbres
(figuiers, amandiers, oliviers…), avec un pic en 1948-1949 lors de ce qu’on a
appelé une « Nakba »
(catastrophe) environnementale : on a planté des pins importés d'Europe sur
les emplacements des villages détruits, créant ainsi une monoculture. L’impact
sur le paysage et sur la biodiversité a été désastreux. Ces arbres étaient
aussi sujets à de fréquents incendies. Dans les années 1950, l’État d’Israël
naissant a également détruit les zones humides de la Houla (Hula Wetlands), un site majeur pour les migrations d’oiseaux
et une zone où prospéraient beaucoup d’éléments locaux de la faune et de la
flore. Des centaines d’espèces ont alors disparu. En outre, les planificateurs israéliens
ont, pour des raisons politiques, détourné vers les régions côtières les eaux
des sources du bassin supérieur du Jourdain. Cela a entraîné la destruction de
la vallée du Jourdain et l’assèchement de la Mer Morte, avec d’importants
impacts négatifs sur l'environnement. Pour encore aggraver les choses, les
planificateurs israéliens travaillent actuellement avec la Jordanie à la
réalisation d’un canal allant de la Mer Rouge à la Mer Morte, canal qui va
détruire le Wadi Araba et les zones
de récifs coralliens de la Mer Rouge.
Les colonies
Chaque élément de l’infrastructure coloniale a eu d’importants impacts sur
l’environnement. Les colonies résidentielles sont en général construites au
sommet des collines avec peu ou pas d'égard du tout pour leur impact sur
l’environnement, et sans prendre en compte la gestion des ordures et des déchets
qu'elles génèrent. Des infrastructures spéciales sont construites pour relier
les colonies entre elles, produisant une redondance d'infrastructures : des
routes dégradées pour les Palestiniens et de larges autoroutes pour les
Israéliens. Les colonies industrielles quant à elles rejettent leurs déchets
toxiques et polluent l'atmosphère à proximité des communautés palestiniennes
qui subsistent. Dans la zone industrielle de Barqan se trouvent des usines qui
travaillent l’aluminium, la fibre de verre, les plastiques, et encore d’autres
activités qui produisent quantité de polluants. Le Rapporteur spécial [des
Nations Unies] a relevé que « les eaux industrielles usées qui s’écoulent
sans traitement dans la vallée voisine endommagent les terres agricoles des
villages palestiniens voisins de Sarta, Kafr al-Dik et Burqin, et polluent les
eaux souterraines avec des métaux lourds ». Et il y a au moins six autres
zones industrielles ! Par ailleurs, l'obligation faite aux Palestiniens de
prendre des routes différentes de celles des Israéliens et qui contournent les
colonies et les murs, leur fait perdre beaucoup de temps, augmente les
émissions polluantes des véhicules, et a des effets pernicieux sur leur santé.
Avec les colonies, c'est aussi la violence des colons qui a été introduite,
violence qui a déraciné et brûlé des milliers d’arbres, des oliviers surtout, alors
que les Palestiniens ont besoin d'eux pour vivre.
Le mur de l’Apartheid
La construction du « mur de l’apartheid » a fracturé et fragmenté
l’environnement humain et l’environnement naturel : il sépare les gens de
leurs terres et de leurs ressources en eau, détruit les écosystèmes et réduit
les zones de pâturages, les terrains de chasse et les zones de passage des
migrateurs. En faisant pénétrer le mur profondément à l’intérieur de la
Cisjordanie, Israël s’est emparé de terres comportant d’abondantes ressources en
eau, de la plupart des terres agricoles fertiles, et d'une grande partie de la
zone forestière dans un environnement par ailleurs aride. Cela a créé des
conditions invivables dans les zones palestiniennes restantes et a provoqué de
gros problèmes environnementaux, par exemple la fragmentation des habitats de
la faune sauvage. La seule préparation du terrain pour la construction du mur
de séparation a coûté le déracinement de 1,5 million d’arbres fruitiers !
Impact de l’armée
L’impact de l’armée israélienne sur l’environnement se traduit par des
restrictions d’accès à de vastes secteurs, l'usage de munitions réelles lors d’exercices,
et le rejet dans la nature de déchets toxiques, y compris chimiques et
nucléaires. En accaparant de larges secteurs de la Cisjordanie pour des installations
militaires et des terrains d'exercices, l’armée a aussi obligé les éleveurs palestiniens
à surpâturer les quelques terres qui leur restaient. Ce surpâturage a rétréci
la couverture végétale, ce qui a entraîné l’érosion des sols et mène
directement à leur désertification.
Accès à l’eau
L’accès à l’eau par les Palestiniens d’Israël est régi depuis 1948 par le
droit israélien et les impératifs militaires, et il en a été de même pour la Cisjordanie
et la bande de Gaza après 1967. Actuellement 91% de l’eau des territoires
occupés est accaparée - illégalement au regard du droit international - par
Israël. Il en résulte que les Palestiniens qui sont restés chez eux, c'est-à-dire
ceux qui ne sont pas devenus des réfugiés ailleurs dans le monde, en sont
réduits à utiliser moins d’eau que ce que l’Organisation Mondiale de la Santé préconise
comme un minimum pour vivre sainement.
Élimination des déchets
En plus des déchets et des eaux de ruissellements provenant directement des
colonies, zones industrielles et installations militaires israéliennes, Israël achemine
dans les territoires occupés des déchets provenant d’autres secteurs du pays.
Par exemple des déchets solides produits à Jérusalem-Ouest sont rejetés dans
une décharge insalubre près d’Abou Dis dans les territoires palestiniens
occupés. Et selon l’Institut de Biodiversité et de Développement durable de
Palestine, « en 2005, le nombre de décharges de déchets solides non
contrôlés est passé de 89 à 161 en Cisjordanie, et aucune d’entre elles n’est
l’objet d’une quelconque surveillance ou d’un quelconque contrôle par le
ministère palestinien de la Santé ou toute autre autorité ».
Gaza
Cela fait quelque temps déjà que les Nations Unies ont déclaré que Gaza
sera invivable en 2020. Quelque deux millions de personnes, dont deux tiers de
réfugiés et plus d’un million d’enfants, y sont entassés dans une prison
semi-aride à ciel ouvert sous blocus israélien, et sont privées des droits que
leur reconnaît la communauté internationale : accès à l’eau, liberté de mouvement,
la plupart des importations et des exportations. C’est dévastateur au point de
vue environnement et un génocide lent au point de vue humain.
Tout ceci n’est qu’un aperçu succinct de la façon dont l’occupation, sous
ses nombreux aspects, a des effets négatifs à la fois sur l’environnement et
sur la population indigène globalement. La situation est clairement
insoutenable et la question qui surgit est celle-ci : Que faut-il faire ?
L’histoire de Raja Shehadeh
« La dernière partie du chemin par lequel je pouvais descendre dans la
vallée était étroite et envahie de buissons d’épines. Je me suis frayé un
passage, m’égratignant la peau, jusqu’à ce que le chemin tournât à droite. Les bords
s’écartaient et j’ai continué sur le chemin dégagé, parallèle à la vallée.
J’étais caressée par la douce brise qui traversait cette zone verte. Sur ma
gauche s’étendaient de hautes herbes et des oliviers luxuriants dans un sol
riche et profond. J’ai pris le creux entre les deux collines suivantes, la
vallée s’étalait ici dans toute sa largeur. Évoluant entre les terrasses, des
troupeaux de moutons parcouraient les pentes des collines comme de pâles rubans
jaunes. Je cherchais le berger et le vis s’apprêtant à jouer de sa flûte. Je me
suis arrêtée et assise un moment sur un rocher pour écouter ses mélodies
pastorales. Puis j’ai repris ma marche, m’efforçant d’être aussi discrète que
possible.
J’atteignis bientôt cette partie du wadi
qui nous inspirait toujours quand j'y venais avec Jonathan Kuttab, mon collègue
en droits humains à Al Haq en 1981. Loin de la ville, près du ruisseau à sec entre
les collines, nous avions l'habitude de nous asseoir sur le rocher, les pieds dans
l’herbe… Nous parlions de ce qui s’étendait devant nous. Nous avions lu l’un et
l’autre le plan directeur de colonisation établi par le Conseil régional juif
de Cisjordanie en collaboration avec le Département des colonies de
l’Organisation sioniste mondiale. Selon ce plan, 80 000 Juifs israéliens devaient
être installés sur nos collines en 1986, dans vingt-cinq colonies et vingt
avant-postes. Deux milliards de dollars allaient être alloués pour en assurer
la réalisation. Des tonnes de béton allaient être répandues sur ces collines.
Le plan prévoyait la construction de routes au rythme de 150 kilomètres par an.
Chaque année 500 dunums (environ 50 hectares) de zones industrielles allaient
être créés…
Le plan considérait notre présence ici comme une contrainte et avait le
souci d'empêcher notre « indésirable développement ». Par la création
de nouvelles implantations humaines là où n’en existait aucune, en les reliant
par des routes et en isolant celles qui existaient déjà, il n’allait pas se
contenter d’étrangler nos communautés mais allait aussi détruire cette terre magnifique
et bouleverser en l'espace de quelques années ce qui avait été préservé des
siècles durant ».
Extrait de « Promenades palestiniennes : Considérations sur un paysage
évanescent », de Raja Shehadeh
Action
Le musée d’Histoire naturelle de Palestine fait un travail remarquable et
mérite votre soutien. Aidez-le en faisant une ou plusieurs des choses
suivantes :
·
Lancer une campagne de financement et envoyer une aide
au musée via https://www.palestinenature.org/donations/.
·
Le musée d’Histoire naturelle de Palestine est géographiquement
très proche de destinations touristiques très prisées comme la Tombe de Rachel
et l’hôtel Walls-Off de Banksy à
Bethléem, mais il reçoit beaucoup moins de visiteurs. Si vous-mêmes ou l’une de
vos connaissances venez en visite en Israël et en particulier à Bethléem,
ajoutez le musée à votre itinéraire : https://goo.gl/maps/qGyw9wwYSoL2
·
Si vous-même n’envisagez pas une telle visite, vous
pouvez aider d’autres personnes à la faire. Prenez contact avec une agence de
tourisme et faites-lui connaître le musée d’Histoire naturelle de Palestine.
Vous pouvez aussi en faire la promotion en ligne sur un site comme TripAdvisor.
Faites part de votre don ou de votre plaidoyer pour le musée sur les médias
sociaux, et joignez un lien vers cette page du site web de Kumi Now avec les hashtags #KumiNow et #Kumi33.
Deux textes
« Seul un changement majeur dans notre raisonnement moral, avec un
plus grand engagement en faveur de la vie, pourra relever ce défi qui est le plus
grand de ce siècle. Les terres sauvages sont le lieu de notre naissance. C’est
en elles que nos civilisations ont pris naissance. C’est d’elles que vient notre
nourriture, tout comme la plupart des lieux où nous habitons et nos moyens de
nous déplacer. C’est là que vivaient nos dieux. La nature dans les terres
sauvages est un droit pour chaque habitant de cette terre dès sa naissance. Les
millions d’espèces auxquelles nous avons permis d’y survivre, mais que nous
continuons à menacer, sont nos parents phylogénétiques. Leur histoire sur le
long terme est aussi la nôtre. Malgré toutes nos prétentions et toutes nos
fantaisies, nous avons toujours été et nous resterons toujours une espèce
biologique liée à ce monde biologique particulier. Des millions d’années
d’évolution sont inscrites de façon indélébile dans nos gènes. L’histoire sans
les terres sauvages n’est plus de l’histoire ».
Extrait de « Half-Earth : Our Planet's Fight for Life » (Demie
Terre : Le combat de notre planète pour la vie), de Edward O. Wilson.
« Aussi longtemps que nous n’aurons pas le courage de reconnaître la
cruauté pour ce qu’elle est, …nous ne pourrons pas espérer voir les choses
aller beaucoup mieux dans ce monde… Nous ne pourrons pas trouver la paix chez
des gens dont le cœur prend plaisir à tuer toute créature vivante. Par chaque
acte qui glorifie ou même tolère un plaisir à tuer aussi stupide, nous empêchons
le progrès de l’humanité ».
Rachel Carson
Ressources (en anglais)
Livres :
·
Popular Resistance in
Palestine: A History of Hope and Empowerment, de Mazin Qumsiyeh
·
Sharing the Land of Canaan:
Human Rights and the Israeli-Palestinian Struggle, de Mazin Qumsiyeh
Rapports:
·
“The Segregation Wall Impacts on Palestinian Environment” par : Applied Research Institute Jerusalem https://www.arij.org/files/arijadmin/2016/The_Segregation_Wall_impacts_on_Palestinian_Environment.pdf
·
“Status of the Environment in the State of Palestine 2015” par Applied Research Institute – Jerusalem: https://www.arij.org/files/arijadmin/2016/SOER_2015_final.pdf
·
“The Environmental Impact of Israeli Settlements on the Occupied
Palestinian Territories” de Sawsan Ramahi pour Middle East Monitor:
https://www.middleeastmonitor.com/wp-content/uploads/downloads/factsheets/the-environmental-impact-of-israeli-settlements-on-the-occupied-palestinian-territories.pdf
https://www.middleeastmonitor.com/wp-content/uploads/downloads/factsheets/the-environmental-impact-of-israeli-settlements-on-the-occupied-palestinian-territories.pdf
Articles
·
“Israeli
Violations Against the Palestinian Environment” de Dr. Jad Isaac https://www.fosna.org/files/fosna/CornerstoneIssue45.pdf
·
“The Impact of the Israeli Occupation on Palestine’s Environment” de
Simon Awad
https://www.fosna.org/files/fosna/CornerstoneIssue45.pdf
https://www.fosna.org/files/fosna/CornerstoneIssue45.pdf
·
“’Agricultural Terrorism’: Palestinian crops face destruction by Israeli
settlers” de Yumna Patel pour Middle East Eye : http://www.middleeasteye.net/news/agricultural-terrorism-palestinian-crops-face-destruction-israeli-settlers-1562802280
Vidéos:
·
Scarred Lands & Wounded Lives: The Environmental Impacts of War
http://www.scarredlandsfilm.com/watch-feature-film/
http://www.scarredlandsfilm.com/watch-feature-film/
·
“Existence is Resistance: Occupation and the Environment” de
Innovative Minds:
https://youtu.be/EyFAzEvfx8o
https://youtu.be/EyFAzEvfx8o
Traduit par les Amis de Sabeel France
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