Chronique géopolitique
de Bernard Guetta sur France Inter le jeudi 18 janvier 2018
Où
l'on voit que la jeunesse des Territoires occupés ne demandera bientôt plus un État mais des droits civiques à Israël
C’est comme une relève de génération. Dimanche, la
direction palestinienne au grand complet constatait la complète impasse de ce
qu’on n’ose plus appeler le processus de paix et menaçait de suspendre sa
reconnaissance d’Israël jusqu’à ce qu’Israël reconnaisse un État palestinien
dans les frontières de 67.
Accablé, Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité
palestinienne, qualifiait de « claque du siècle » la décision de
Donald Trump de transférer l’ambassade des États-Unis à Jérusalem que la
Maison-Blanche considère désormais comme la capitale israélienne et non plus
comme une ville à partager, un jour, entre deux capitales de deux États.
Il y avait une rage froide et impuissante dans cette
assemblée d’hommes âgés qui savent désormais que leur temps s’achève sur un
combat inachevé et puis…
Et puis il y eut, hier, cette décision d’un tribunal
militaire israélien de refuser la libération conditionnelle d’une Palestinienne
de 16 ans, Ahed Tamimi, qui sera jugée à la fin du mois pour incitation et
participation à des « émeutes violentes ». Cheveux blonds dévalant en
anglaises jusqu’à mi dos et regard incroyablement déterminé, cette adolescente
aux yeux bleus est devenue une icône palestinienne et une célébrité mondiale
depuis qu’elle a giflé un soldat planté devant chez elle pour empêcher la
manifestation hebdomadaire de son village contre l’occupation
israélienne.
En 2012, elle avait alors douze ans, elle s’était déjà
rendue célèbre en agitant son poing vers un autre soldat auquel elle menaçait
de « casser la tête ». Il y a un an, elle avait mordu un autre
conscrit pour l’empêcher d’interpeler son frère et maintenant cette gifle,
filmée par sa mère et devenue virale sur les réseaux sociaux.
Qualifiée par le Haaretz, le journal de référence
israélien, de « Jeanne d’Arc palestinienne », Ahed Tamimi posait donc
à la Justice militaire un problème insoluble car, sa libération lui aurait
permis d’arriver en héroïne à son procès et son maintien en détention fait
d’elle une martyre, gamine embastillée par une armée.
Les juges militaires ont choisi le second risque, jugé
moindre, mais comment ne pas voir que cette adolescente, fille d’une famille
ayant aujourd’hui opté pour la non-violence, incarne une nouvelle génération
palestinienne qui ne croit pas plus au processus de paix qu’à la solution à
deux États et entend tout simplement se battre pour la reconnaissance de ses
droits et de sa dignité.
A cette génération, l’échec des négociations de paix a appris
qu’elle ne vivait pas dans une virtualité de Palestine mais dans la réalité
d’un Israël qui s’étend de fait à la Cisjordanie, dans un État unique auquel
elle réclame donc des droits civiques, bien plus difficiles à refuser que des
frontières, un État et une capitale.
A réécouter sur France Inter avec le lien :
https://www.franceinter.fr/emissions/geopolitique/geopolitique-18-janvier-2018
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire