Actes du colloque « Le
déni de Palestine » organisé au Sénat le 9 décembre 2017
par le Comité de
Vigilance pour une Paix Réelle au Proche–Orient (CVPR PO)
« Le déni de
Palestine. 1917 – 2017 » (175 pages)
Pour commander ces Actes,
adresser un chèque de 10 euros (frais d’envoi compris) au
Secrétariat du CVPR PO c/o M°
Maurice Buttin - 54 rue des Entrepreneurs - 75015 Paris
Cette publication
mérite une attention particulière parce que sa lecture peut nous éclairer sur
les difficultés auxquelles se heurte, notamment en France, l’action
militante pour la reconnaissance des droits du peuple palestinien. En effet, le
déni de la Palestine n’est pas le fait des seuls dirigeants israéliens, il est
aussi celui de nos propres gouvernants.
Pour mieux comprendre
comment le déni de la Palestine fonctionne aujourd’hui en France, ses
objectifs, ses techniques, les ressorts de son efficacité, il n’est pas inutile
d’analyser comment le déni fonctionne en Israël, comment il est, dans ce pays,
l’aboutissement d’un long processus dont les origines renvoient…. à notre
propre histoire.
Alerter l’opinion
publique sur ce qui est une menace scandaleuse contre la liberté d’expression,
lutter contre la désinformation sur la réalité de ce qui se passe en Palestine,
tel est donc le double défi qu’il faut relever : une tâche qui exige
sérieux, patience, obstination. C’est à ce double défi que les textes publiés
dans les Actes du colloque peuvent nous aider à répondre.
Avec des
contributions de : Nada Awad • Khaled Bichara • Maurice Buttin •
Henri Folliet.• Wadad
Kochen-Zebub • Ludovic Mergen • Nurit Peled-Elhanan • Bernard Ravenel • Pierre
Stambul • Thomas Vescovi • Dominique Vidal • Djamal Zahalka
Le déni de Palestine
Présentation par
Henri Folliet, membre du CVPR PO
Tel était le sujet du
colloque organisé au Sénat le 9 décembre 2017 par le Comité de Vigilance pour
une Paix Réelle au Proche –Orient (CVPR PO). Les Actes viennent d’en être
publiés. Cette publication mérite une attention particulière parce que sa
lecture peut nous éclairer sur les difficultés auxquelles se heurte,
notamment en France, l’action militante pour la reconnaissance des
droits du peuple palestinien. En effet, le déni de la Palestine n’est pas le
fait des seuls dirigeants israéliens, il est aussi celui de nos propres
gouvernants.
Le déni est toujours
une arme politique redoutable, dont la forme extrême est le négationnisme.
Stratégie défensive,
son objectif, même face à l’évidence, est d’inverser la charge de la preuve, de
susciter le doute : le plaignant est débouté et peut même devenir
l’accusé. Il suffit pour cela d’avoir un habile avocat. Or les dirigeants
d’Israël n’en manquent pas : gouvernements et leaders d’opinion
occidentaux, en France notamment, ont réussi depuis 70 ans à conditionner
négativement une large part des opinions publiques à l’égard des Palestiniens
et de la cause palestinienne. Leur discours ordinaire s’abstient
systématiquement de qualifier l’occupation militaire et la colonisation
israéliennes de violations du Droit international, a fortiori de les condamner
comme telles, à ne jamais dénoncer les violences massives et
constantes infligées à la population palestinienne pour ce qu’elles sont :
des crimes de guerre et/ou des crimes contre l’humanité et donc, à défaut de
pouvoir les taire, les minimiser voire les légitimer. À cet égard, la manière
dont nos manuels scolaires traitent le sujet peut passer pour un chef d’œuvre
d’autocensure et d’euphémisation. Mais le déni n’est plus seulement rhétorique,
lorsque les dirigeants français poursuivent pour antisémitisme des citoyens qui
dénoncent, preuves à l’appui, la politique israélienne et ses conséquences
néfastes.
On peut expliquer la
complaisance, la complicité souvent active des grandes puissances occidentales
envers l’Etat israélien par le rôle central que joue cet Etat colonial, depuis
sa création, dans leur prise de contrôle économique, politique et militaire du
Moyen-Orient. Mais pourquoi tant de nos concitoyens, qui n’ont pourtant
aucune raison de se sentir une responsabilité dans la Shoah, restent sans
réaction face au « deux poids, deux mesures » exorbitant
dont bénéficie Israël, face également à l’accusation infâmante d’antisémitisme,
brandie par les « plus hautes autorités de l’Etat »,
contre des citoyens qui osent critiquer la politique d’un gouvernement
étranger, parce que ce gouvernement est celui d’Israël. Pourquoi restent-ils
quasi indifférents face aux souffrances de la population palestinienne, alors
qu’à juste titre ils sont bouleversés par d’autres tragédies ?
Pour mieux comprendre
comment le déni de la Palestine fonctionne aujourd’hui en France, ses
objectifs, ses techniques, les ressorts de son efficacité, il n’est pas inutile
d’analyser comment le déni fonctionne en Israël, comment il est, dans ce pays,
l’aboutissement d’un long processus dont les origines
renvoient….à notre propre histoire.
En Israël, le déni de
la Palestine est avant tout une arme de guerre. Il légitime un usage arbitraire
et abusif pleinement assumé de la force. Il est le fait d’un Etat assez
puissant, militairement et diplomatiquement, pour se croire assuré de pouvoir
imposer impunément SA vérité, nier à sa convenance aussi bien la réalité
historique que les principes du droit international et du droit humanitaire.
Déni du droit et déni de la réalité constituent un système de penser au service
d’un projet politique de domination, d’exclusion, d’éradication : il en
inspire la conception et la mise en œuvre. C’est ainsi que le projet de
colonisation de la Palestine adopté, en 1897, par le premier Congrès sioniste
mondial, s’appuie d’emblée sur le déni de l’existence d’un peuple
palestinien : « une terre sans peuple pour un peuple sans
terre ». C’est ainsi que ce déni a constamment justifié l’action de
l’Etat d’Israël : les Palestiniens n’ont jamais existé et
n’existent pas en tant que peuple, encore moins en tant que nation et n’ont
donc pas vocation à constituer un Etat.
Ce système de penser,
le premier Congrès sioniste en avait trouvé le modèle dans l’environnement
idéologique de l’époque. En cette fin du 19ème siècle, cette forme
de négationnisme est le prêt-à-penser des grandes puissances occidentales pour
justifier la colonisation de peuplement et les traitements infligés aux
populations colonisées : aux Etats-Unis on glorifie la « conquête de
l’Ouest », en France la « mission civilisatrice » accomplie
dans ses colonies africaines. Le déni de la Palestine ne serait-il donc en
France qu’un héritage du colonialisme, la nostalgie d’un épisode révolu
de notre histoire ? Révolu, mais qui hanterait encore notre inconscient
collectif ? Pourquoi un candidat à la présidence de la République a-t-il
dû se rétracter après avoir justement qualifié nos « conquêtes
coloniales » de « crime contre l’humanité » ?
Alors qu’antisémite est à juste titre devenu un qualificatif infâmant,
pourquoi « colonialiste » n’est-il pas un mot qui
stigmatise au point qu’on peut sans risque se revendiquer tel ?
Certes, condamner le colonialisme en général, y compris le
colonialisme français de jadis, est aujourd’hui sans danger. En revanche
dénoncer le colonialisme israélien est en passe d’être assimilé en France au
délit « d’antisémitisme » et « d’incitation
à la haine raciale » !
Alerter l’opinion
publique sur cette menace scandaleuse contre la liberté d’expression, lutter
contre la désinformation sur la réalité de ce qui se passe en Palestine, tel
est donc le double défi qu’il faut relever : une tâche qui exige sérieux,
patience, obstination. C’est à ce double défi que les textes publiés dans les
Actes du colloque peuvent nous aider à répondre.
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