Courrier du CVPR-PO – N°69 - Éditorial
La Nakba et la
Grande Marche du Retour
L’éditorial du N° 49 (avril, mai, juin 2013) évoquant la
Nakba, rappelait que, le 15 mai, des centaines de milliers de
Palestiniens avaient célébré cette catastrophe, tant en Palestine occupée,
que dans les camps dits de « réfugiés » établis dans les pays
voisins.
La cause, à l’origine, divers massacres effectués par la
Haganah (l’armée secrète) et les milices juives (Irgoun et Stern), ainsi
celui de Deir-Yassine - l’Oradour-Sur-Glane palestinien - le 9 avril 1948,
avant la proclamation de l’État d’Israël, le 15 mai 1948. Puis,
l’exécution du plan politico-militaire mis au point par les dirigeants
israéliens, David Ben Gourion en tête, le plan Daleth. Son but : délester
Israël du plus grand nombre possible d’Arabes palestiniens, musulmans ou
chrétiens. Ces Palestiniens étaient expulsés, en même temps que l’armée
israélienne battait les très faibles et inorganisées armées arabes, entrées
en guerre après le 15 mai, et permettait à Israël de gagner 25 % de
plus du territoire du mandat...
Dans son livre « Le nettoyage ethnique de la Palestine », Ilan
Pappé écrit : « À la fin de 1947, les 2/3 des 2 millions d’habitants
de la Palestine étaient Arabes. Un an plus tard, les Juifs étaient
largement majoritaires dans un État occupant 78 % du territoire, et 800 000
Arabes palestiniens étaient parqués hors des frontières. Entreprise
planifiée d’expulsion, de destruction (500 villages rasés) et de massacres
comparables aux « nettoyages ethniques » qualifiés de crimes contre
l’humanité » (page 248). Ce nettoyage ethnique n’était autre que la réalisation
du mythe sioniste, prôné dès la création du Mouvement en 1897 : « Un
peuple sans terre pour une terre sans peuple » !
Afin de montrer leur volonté de résistance et leur rêve du retour, transmis
de génération en génération, les Gazawis, enfermés dans leur prison à ciel
ouvert, décidèrent, à l’occasion du 70ème anniversaire de la Nakba,
une grande « Marche du retour », au grand dam des occupants, qui
rejettent ce « droit au retour ». Cela reviendrait à voir disparaître
un jour leur propre rêve, un État juif, débarrassé de tous les non juifs
!
La société civile a été l’organisatrice de cette initiative populaire non
violente « imposant son mode de mobilisation et ses mots d’ordre au Hamas,
très inquiet de perdre le contrôle de la situation à Gaza », comme l’écrit
le professeur J.P. Filiu[1]Il
s’agissait de montrer que, pour tout Palestinien, le « droit au retour »-
reconnu par la résolution 194 de l’ONU - est sacré, et, en même
temps, d’exiger la levée du blocus pesant sur la population depuis plus de
dix ans !
Cette « Marche » débuta le 30 mars – « Journée de la Terre »
en Israël et en Palestine occupée - et se poursuivit tous les vendredis,
jusqu’au 15 mai. Elle était d’autant plus importante que, mettant de l’huile
sur le feu, ce même jour, était inauguré le transfert de l’ambassade
étasunienne à Jérusalem, après la reconnaissance de « Jérusalem comme la
capitale d’Israël », par Donald Trump, au plus grand mépris du droit
international.
Ces manifestations pacifiques se déroulèrent, à l’intérieur de la bande de Gaza,
le long de la barrière qui la sépare d’Israël. Cela n’empêcha pas les tireurs
d’élite israéliens, postés de l’autre côté, de jouer « au tir aux pigeons »... mais
à balles réelles ! « Les manifestants balancent des pierres... et ils
se prennent des balles », rapporte dans « l’Obs », la photographe Laurence
Geai présente sur les lieux le 14 mai, jour qui déboucha sur un bain de sang :
69 morts, 2 900 blessés, abattus par des tireurs goguenards selon
certaines vidéos...
Benyamin Netanyahou a justifié ces massacres par « la défense sacrée
d’Israël » ! Un mensonge de plus pour justifier l’injustifiable. Les Israéliens
étaient retranchés derrière des fortifications. Quelle menace représentaient
donc ces foules désarmées ? Le terrible bilan de ces journées en témoigne :
côté israélien aucune victime, et pour cause ! Côté palestinien 112 morts, dont
13 jeunes de moins de 18 ans, 5 enfants de moins de 12 ans, 2 femmes, 1
journaliste, et 13 190 blessés dont 296 enfants et 1029 femmes,
par balles réelles, balles en caoutchouc ou agent de gaz lacrymogène. Des
centaines d’amputés handicapés à vie.
Je ne peux ici passer sous silence, l’ONG israélienne B’Tselem qui, pour moi,
sauva l’honneur d’Israël en « condamnant cette atroce répression,
contraire au droit international » et « demandant, en vain, à plusieurs
reprises, aux dirigeants politiques et militaires de mettre fin à la politique
de « feu ouvert », et aux soldats de ne pas suivre les ordres illégaux
de tirer sur des manifestants non armés ».
Face à ce nouveau drame vécu par les Gazawis, comment ont réagi les
dirigeants occidentaux ? Un flot de belles paroles du genre « retenez-moi,
ou je vais faire un désastre » ! Mais, une fois de plus, aucune
sanction, comme depuis 1967, pour ne pas dire comme depuis 1948... Bref, pour employer
un mot arabe : « Er-rih »(du vent) !
70 ans après la Nakba, occupation, répression, colonisation, destruction, expulsion
de Bédouins et de Jérusalémites se poursuivent. Et demain, quels nouveaux
massacres ? Quel nouveau nettoyage ethnique ?
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