Une lumière dans les ténèbres
(Méditation de Nora Carmi, chrétienne
palestinienne engagée, pour le 4ème dimanche de l’Avent)
Le
doute n’est pas permis : la naissance de Jésus-Christ dans une banale
petite ville marqua un tournant dans l’histoire, un « Kairos » qui
allait engendrer des changements inimaginables dans le monde. Pour les croyants
ayant accepté cette Incarnation comme l’expression de l’amour sans limite de
Dieu pour l’humanité, le petit enfant né dans une pauvre mangeoire allait être « une bonne nouvelle, une grande joie
pour tout le peuple ». Il allait amener « sur la terre la paix pour les hommes », les êtres
humains, tout en rendant « gloire à
Dieu au plus haut des cieux », comme annoncé par les anges aux bergers
qui veillaient sur leurs troupeaux (Luc 2.10-14).
Pour
les Palestiniens de souche nés à Bethléem ou à Beit Sahour où s’est déroulé ce
merveilleux événement, l’Incarnation évoque un lieu réel et tangible de leur
ville natale. C’est là qu’ils ont leurs racines et leur patrimoine. En même
temps, Bethléem et Beit Sahour sont au centre de la foi de tous les croyants,
une preuve de la relation de Dieu avec l’humanité toute entière. Les myriades
de pèlerins et de touristes qui affluent dans la région, même après des
milliers d’années, ces disciples de Jésus, chrétiens de toutes sortes de
dénominations, sont peut-être à la recherche de réponses qui pourraient les conduire
à un renouvellement de leur foi et à une confirmation de celle-ci. Pour tous
cependant, la question essentielle est : « Pourquoi la paix ne
règne-t-elle toujours pas sur cette terre d’où le message d’amour a été
proclamé au monde entier ? »
Alors
même que la situation dans la région devient de plus en plus injuste et
intolérable, la petite ville de Bethléem célèbre toujours Noël avec ferveur et
piété. Mais ces derniers temps, des décorations plus extravagantes ont fait
leur apparition pour la fête : de brillantes lumières électriques,
d’énormes arbres en plastique fort coûteux et des dizaines de Pères Noël. Oui,
les modes occidentales se sont introduites dans nos vies et nos modestes
traditions, mais c’est toujours le vrai sens de Noël qui est célébré dans les
chants de chorales internationales et locales et, le soir de Noël, c’est dans
la traditionnelle grotte de Bethléem que se tiennent nos cérémonies
religieuses. De tous les cadeaux échangés, le plus important et le plus
précieux est la naissance mystérieuse et glorieuse de Celui qui allait conduire
à la libération et au salut.
Parce
que Jésus a connu la vie sous l’occupation romaine, les chrétiens palestiniens
de souche font facilement le lien entre eux-mêmes et ce Sauveur, plus
particulièrement en cette période où leur désespoir ne cesse de croître en
raison des mesures inhumaines de plus en plus nombreuses qui leur sont imposées
et qui non seulement les privent de leurs droits fondamentaux humains,
nationaux et sociaux, mais encore piétinent leur dignité et nient leur
humanité. Des chrétiens, ici et ailleurs, essaient de trouver des réponses à
leurs questions dans les Saintes Écritures et sont bouleversés d’y lire que
Jésus a pleuré sur Jérusalem parce qu’elle n’avait pas su comment trouver la paix (Luc 19.41-44). Il lui a annoncé de
grands malheurs parce que, disait-il : « Tu n’as pas reconnu le temps où tu as été visitée ».
Aujourd’hui comme hier, les êtres humains sont remplis de cette fausse fierté
qui leur fait croire qu’ils sont tout-puissants et n’ont pas besoin du
Créateur.
Jésus
est dépeint comme la lumière : « La
lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas comprise »
(Jean 1.5). En Jean 8.12, Jésus dit : « Je
suis la lumière du monde, celui qui vient à ma suite ne marchera pas dans les
ténèbres ; il aura la lumière qui conduit à la vie ». Dans la
Première Épître de Jean, on lit encore: « Dieu
est lumière, et de ténèbres, il n’y a pas trace en lui. Si nous
disons : "Nous sommes en communion avec lui", tout en marchant
dans les ténèbres, nous mentons et nous ne faisons pas la vérité. Mais si nous
marchons dans la lumière comme lui-même est dans la lumière, nous sommes en
communion les uns avec les autres » (1 Jean 1.5-7). Tous n’ont pas
accepté la lumière, et même parmi ceux qui disent qu’ils l’ont acceptée,
beaucoup ne vivent pas selon les enseignements de l’amour, de la justice et de
la miséricorde qui sont des pierres angulaires dans la plupart des religions.
Pour
les croyants de toutes les religions, les religions monothéistes ont choisi
d’adorer Dieu, chacune à sa façon mais, dans le principe, il s’agit pour toutes
d’agir selon la volonté de Dieu et d’œuvrer pour la gloire de Dieu, qui est
reflétée dans la façon dont nous traitons les autres, qu’ils soient amis ou
ennemis. Mais les temps modernes ont vu une distanciation par rapport à la
religion et à la spiritualité, ce qui a amené extrémisme et fanatisme, racisme
et matérialisme, tous dépourvus de valeurs morales et d’éthique. Comment
pourrait-il y avoir discipline et harmonie si nous ne nous laissons guider par
aucune lumière et si nous nous enfonçons dans des abîmes de ténèbres, de
violence et de terreur ? Ne faudrait-il pas que le droit international et
les déclarations en faveur des droits humains établissent des règles claires
déterminant les responsabilités de chacun ?
Quand
je lis en Luc 4.18-19 que Jésus-Christ déclare à Nazareth qu’il est venu « annoncer la bonne nouvelle aux
pauvres, proclamer aux captifs la
libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en
liberté », je ne peux que constater que la Déclaration universelle des
Droits de l’Homme affirme les mêmes principes et qu’elle pourrait donc
constituer le mécanisme de défense et de protection de tous les opprimés. Une
lumière de plus dans les ténèbres d’aujourd’hui !
Honnêtement,
alors que Noël approche, nous ne pouvons que constater que ce que nous vivons
en Palestine/Israël est une expérience décevante. Jusqu’à présent, aucun groupe
religieux ou politique, aucun organisme international n’a été en mesure
d’assurer la préservation de la création de Dieu sur cette terre qui a promis
la paix. Peut-on espérer qu’une lumière brillera enfin dans les ténèbres quand
nous reconnaîtrons que nous sommes tous égaux et que nous avons le droit de
nous opposer à l’injustice sans pour autant rendre le mal pour le mal ?
Si
les gens, les communautés, les gouvernements comprennent que nous refusons de
nous laisser abattre par la haine et la déshumanisation de nos frères et sœurs,
lorsqu’ils comprendront cela, alors nous ne perdrons pas l’espoir de voir
briller une lumière dans les ténèbres, si faible soit-elle. Et alors l’étoile
de Bethléem continuera à briller.
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