‟Espérer là où il n’y a pas d’espoir”


Déclaration du congrès du 9ème anniversaire de Kairos Palestine
Espérer là où il n’y a pas d’espoir”

Et celui qui siège sur le trône dit : Voici, je fais toutes choses nouvelles. Puis il dit : Écris : ces paroles sont certaines et véridiques. (Apocalypse 21.5)
            Les 6 et 7 décembre 2018, plus de 300 personnes se sont réunies à Bethléem : des dirigeants d’Églises et d’organisations chrétiennes palestiniennes, des leaders de Kairos Palestine, des croyants, des représentants de la société civile palestinienne, et une centaine de chrétiens venus d’ailleurs dans le monde et représentant le mouvement mondial Kairos pour la Justice et diverses organisations d’Églises. Nous avons adopté comme lignes directrices pour une action commune les attitudes suivantes listées dans la Lettre ouverte de la NCCOP (Coalition nationale d’organisations chrétiennes de Palestine) de juin 2017 :

                Considérer Israël comme un État d’apartheid au regard du droit international, et nous comporter à son égard en conséquence ; prendre clairement et très vigoureusement position, au niveau théologique, contre toute théologie ou tout groupe chrétien qui justifie cet apartheid ; prendre position contre tout extrémisme religieux et toute tentative de création d’un État religieux dans notre pays ou dans notre région ; défendre notre droit et notre devoir de résister à l’occupation de façon créative et non-violente ; exprimer notre soutien aux mesures économiques de pression sur Israël pour qu’il prenne le chemin de la justice et de la paix et mette fin à l’occupation ; soutenir ceux qui défendent le droit des Palestiniens en réaction aux attaques dont ils sont l’objet, et constituer des groupes de pression pour la défense des chrétiens palestiniens ; et contester publiquement et légalement les organisations qui discréditent notre action et notre légitimité.
                Nous, membres du mouvement Kairos, nous nous sommes réunis à un moment de grande détresse où les difficultés ont dépassé toutes les mesures et sont sans précédent dans l’histoire de ce pays, un moment qui exige que nous agissions avec résolution et de manière définitive. Au cours des dernières années, nous avons été témoins de tant de réalités qui confirment ce que Kairos constatait et signalait déjà au moment de sa publication, et qui ont encore intensifié l’état d’oppression et de harcèlement que connaît le peuple palestinien. Cela se traduit entre autres par les faits suivants :
§  L’identité de Jérusalem est transformée en une identité exclusivement juive, en particulier à travers le transfert de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem, au lieu de rester une ville où peuvent vivre tous ses habitants.
§  En promulguant la nouvelle loi d’État-nation, Israël a clairement glissé vers un régime autoritaire et ethnocentrique, qui refuse leur véritable identité aux Palestiniens arabes et réserve le droit d’autodétermination aux seuls Juifs.
§  Le siège de Gaza et la punition collective de sa population a entraîné une situation voulue de précarité à très grande échelle et a encore aggravé une crise humanitaire larvée.
§  Les États-Unis se sont joints à Israël pour refuser le droit au retour des réfugiés palestiniens et ont mis fin à leur contribution aux programmes en faveur de ceux-ci, entre autres en arrêtant le versement de fonds à l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient).
§  Le rythme des vols de terres et des démolitions de maisons s’accroît. Israël renforce son emprise par toutes sortes de mesures imprévisibles d’impositions financières, même sur les Églises et les organisations chrétiennes. Parallèlement aux actions du Fonds National Juif, toutes ces mesures visent à assurer que le pays soit à perpétuité uniquement entre des mains juives israéliennes.
                Tout ceci est de l’apartheid ! Nous avons déjà mis l’accent sur ces signes d’injustice. Israël est en train d’institutionnaliser sa supériorité ethnico-religieuse. Tout le monde peut s’en rendre compte. C’est incontestable.
                Nous assistons aussi à une campagne sans précédent pour réduire au silence tous ceux qui prennent position contre l’occupation et promeuvent le partage du pays. Des millions de dollars sont engagés pour lutter contre la résistance et les revendications non-violentes. Tous ces pouvoirs ainsi que les différents groupes qui cèdent à leurs pressions refusent aux Palestiniens le droit de résister de façon non-violente et de vivre dignement et librement, et ce faisant donnent encore plus de pouvoir aux forces d’occupation.
                Nous nous réjouissons de la prise de conscience croissante au sein de la communauté chrétienne mondiale. Nous sommes confortés par son soutien prophétique à notre cause, encouragés par sa résistance non-violente et ses actions en faveur de la justice, par les décisions économiques qu’elle a prises et par son attitude de solidarité avec tous les Palestiniens, ici et en diaspora. Nous voudrions encourager toutes les communautés chrétiennes à suivre cette voie et à dire la vérité aux détenteurs du pouvoir. Les organisations œcuméniques ne devraient pas rester silencieuses, ne pas choisir les voies d’une diplomatie superficielle ou de réponses tièdes qui ne feront que conforter la politique israélienne d’occupation.
                Nous en appelons aux groupes chrétiens qui, en se référant à la Bible, soutiennent ouvertement Israël dans sa politique coloniale et sa poursuite de l’occupation et lui donnent une justification théologique. En agissant ainsi, ils s’opposent à la vérité et à la crédibilité de l’Évangile et font encore progresser l’apartheid.  
                Voici venu un moment Kairos pour reconnaître que les méthodes du passé ont échoué. Des projets politiques construits sur des principes injustes et imposés par l’une des parties à l’autre dans un contexte de tromperie ont échoué et ne seront pas en mesure de construire la paix. Les murs et la séparation ne peuvent apporter que divisions et conflits. Une diplomatie ecclésiastique courtoise et des mots creux n’ont réussi qu’à normaliser l’occupation. Jamais la charité et la sympathie ne pourront remplacer la justice. Il est temps de reconnaître que de nouveaux paradigmes sont nécessaires. Il nous faut des voix courageuses et prophétiques. Une solidarité qui coûte est plus que jamais un impératif éthique et moral.
                La parole de Dieu apporte un message d’espoir et de renouveau dans des situations douloureuses. Avec une telle parole prophétique, nous envisageons et nous nous engageons à travailler pour une terre partagée et libre de toute occupation, lieu de vie pour toute sa population. Car la terre et Jérusalem appartiennent à Dieu et ne peuvent être revendiquées de façon exclusive par aucune religion, aucune ethnie, aucune nation. Nous demandons l’égalité et la justice pour tous les habitants de cette terre : qu’ils aient tous les mêmes droits, les mêmes responsabilités et les mêmes possibilités.
                Une paix véritable ne peut pas être construite sur la peur et la séparation d’avec l’autre. Elle ne peut advenir que lorsque les opprimés et les oppresseurs sont tous deux guéris et délivrés, et se considèrent les uns les autres comme égaux en dignité et en valeur.
                Dieu peut faire toutes choses nouvelles et il le fera, mais il se servira de nous, les fidèles, pour réaliser son dessein. Nous appelons l’année 2019 à être une année Kairos pour la communauté chrétienne au niveau mondial, pour tous les groupes préoccupés par la justice et la solidarité. Que ce soit une année au cours de laquelle les actions et les initiatives en faveur du peuple palestinien s’intensifient. Nous demandons des prières, des protestations pacifiques, des décisions coûteuses en faveur de la justice, des mesures de boycott, de désinvestissement et de sanctions, des visites de solidarité Venez et voyez”[1] avec ensuite l’engagement d’Aller et raconter”, de lutter contre les théologies qui favorisent l’apartheid et de plaider auprès des divers gouvernements. Le mouvement sera lancé avec la commémoration de la Nakba le 15 mai pour culminer le 29 novembre avec la Journée internationale de solidarité avec la Palestine, et puis avec le 10ème anniversaire de Kairos Palestine.
                Cela pourrait aussi être notre dernière chance pour sauver la présence chrétienne palestinienne dans ce pays. La principale menace à cette présence vient de l’instabilité politique et de l’absence d’une paix juste. Nous appelons au développement de programmes effectifs en faveur de la justice et de la paix et nous nous engageons pour maintenir la présence des chrétiens palestiniens, en soutenant leurs organisations, les activités de leurs Églises, et leurs initiatives en faveur de la paix.
                Le mouvement Kairos que nous sommes met tout particulièrement en avant l’existence et l’importance de la jeunesse palestinienne comme des participants dynamiques avec des leaders importants dans la construction d’un avenir viable. En ce moment Kairos, nous nous engageons à mettre à disposition toutes les ressources, toutes les possibilités de formation et notre soutien sans réserves pour permettre à leur identité et leur force de Palestiniens de donner la pleine mesure de leurs possibilités.
                Le message de Kairos Palestine à notre peuple est un message de persévérance et d’espérance, dans l’engagement à travailler sans relâche avec tous nos partenaires à des lendemains meilleurs. Nous ne devrions pas et nous ne pouvons pas perdre espoir aussi longtemps que nous avons foi dans le Dieu vivant et juste.
                Il est temps que nos dirigeants politiques s’unissent et mettent fin aux divisions palestiniennes.
                Nous sommes aux côtés des dirigeants des Églises dans leur lutte avec le gouvernement israélien. Nous les appelons cependant à s’unir et à intensifier leurs efforts pour que l’occupation prenne fin et pour que la présence chrétienne se maintienne dans le pays.
                Nous appelons notre peuple à combattre l’extrémisme religieux sous toutes ses formes, ainsi que toutes les conceptions du monde et toutes les idéologies qui prônent l’exclusion sous toutes ses formes.
                Il ne saurait y avoir de Terre sainte sans présence chrétienne, ni d’Église sans ses pierres vivantes. Il est de la responsabilité de chaque chrétien partout dans le monde de s’engager à soutenir une présence palestinienne chrétienne viable et dynamique en Terre sainte, pour partager avec les chrétiens palestiniens la charge de préserver le lieu de naissance du christianisme. Soyez persévérants et répondez à votre vocation. Nous avons un message à transmettre, un message d’espérance, le message que Dieu offre un avenir. Dieu peut faire toutes choses nouvelles, et il le fera. Amen


Traduction Amis de Sabeel France


[1] Document Kairos Palestine 6.2.

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