Kumi Now - Semaine 17 : du 10 au 16 février 2019


Le Centre Mossawa et les discriminations à l’égard des citoyens arabes d’Israël
            Les Palestiniens d’Israël sont soumis en permanence à des discriminations au plan politique, en matière d’emploi, de logement et dans tous les autres domaines de la vie. Le Centre Mossawa agit pour la protection des droits des citoyens arabes palestiniens d’Israël. Voici ce que vous devez savoir sur les discriminations en Israël et ce que vous pouvez faire pour que nous puissions nous lever (Kumi !) et réagir ensemble.
Organisation
            Le Centre Mossawa, centre de défense des citoyens arabes palestiniens d’Israël, est une organisation non gouvernementale sans but lucratif créée en 1997. Elle a pour but la promotion des droits économiques, sociaux, culturels et politiques des citoyens arabes palestiniens d’Israël et la reconnaissance de cette communauté en tant que minorité nationale indigène avec ses spécificités nationales, culturelles et historiques. Le Centre élabore des programmes de promotion d’une société démocratique et agit contre toutes les formes de discrimination fondées sur la race, la nationalité, l’appartenance religieuse, le statut social, le genre et les handicaps.

            Le Centre Mossawa a recours à toutes sortes de méthodes pour promouvoir les droits de la minorité arabe palestinienne. Cela va des plaidoyers à la Knesset (le Parlement) et auprès du gouvernement israélien aux plaidoyers internationaux en direction tout  particulièrement de l’Europe, des États-Unis et de l’Afrique du Sud, des études et analyses de budgets socio-économiques aux campagnes médiatiques, du développement des possibilités d’action de la société civile arabe à la coopération avec les conseils locaux et les ONG locales et internationales.
La situation
            Alors qu’ils constituent 20% de la population d’Israël, les citoyens arabes sont soumis à des discriminations dans presque tous les domaines de leur vie quotidienne. Ils rencontrent des problèmes pour l’éducation de leurs enfants, pour se rendre à leur travail, pour se marier avec la personne de leur choix, pour créer une entreprise ou ouvrir un compte bancaire, pour des activités dans le tourisme, pour acheter un appartement, construire une maison, trouver un emploi, pour se procurer des livres et avoir accès à des programmes de télévision dans leur propre langue, ou encore être admis à l’université. La minorité arabe est constamment opprimée, et beaucoup de ses membres boycottent les élections à cause de cela. Car, dans la pratique, Israël est d’abord un État juif, et cela aboutit à donner un statut de seconde classe à ses citoyens non-juifs.
            Alors qu’environ 20% de la population totale d’Israël vit sous le seuil de pauvreté, ce taux monte à 53,3% pour les familles arabes et à 66% pour les enfants arabes. Un rapport de 2015 de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Économique (OCDE) a montré qu’Israël est l’une des économies les plus inégalitaires des pays de l’OCDE. L’emploi est un grand problème dans la communauté arabe, en particulier pour les femmes, en raison - pour une part du moins - du manque de crèches dans les localités arabes. Sur 85 000 employés des sociétés de haute technologie, seuls 1 200 sont arabes. Seulement 2,5% des chercheurs d’Israël sont arabes. En 2016, seulement 9,5% des employés du gouvernement étaient arabes, et il y a toujours des départements et services du gouvernement sans un seul employé arabe, par exemple au Ministère des Affaires Stratégiques, au Bureau des Publications Gouvernementales, au Département des Transports et à la chaîne de télévision de la Knesset.
            Le bas niveau socio-économique et de l’emploi tient en partie aux niveaux d’éducation relativement bas dans la communauté arabe. 84% des Israéliens juifs âgés de 15 ans et plus ont terminé l’école primaire alors que chez les Arabes du même âge la proportion n’est que de 37%. Le Bureau Central des Statistiques indique aussi que le pourcentage de travailleurs diplômés de l’enseignement supérieur est de 17% dans la population arabe alors qu’il s’élève à 40% chez les Juifs.  Qui plus est, le taux de réussite aux examens du Programme international pour le Suivi des Acquis des Élèves (PISA) est de 20% inférieur chez les élèves arabes que chez les élèves juifs, quelle que soit leur origine socio-économique. Les taux de décrochage aussi témoignent d’un écart considérable entre l’éducation donnée à la population juive et celle donnée à la population arabe. Tandis que seulement 8% des élèves juifs quittent prématurément le lycée, ce taux est de 32% pour les élèves arabes. Plutôt que d’atténuer ces inégalités par des mesures positives, l’État investit beaucoup moins dans les écoles arabes. Selon les statistiques du ministère de l’Éducation, les élèves juifs reçoivent de 35 à 68% de financement de plus par élève que leurs homologues arabes du même milieu socio-économique.
Les discriminations à l’égard des élèves arabes se poursuivent dans l’enseignement supérieur. Alors que les Arabes représentent 26% de la population d’Israël en âge d’entrer à l’université, ils ne sont que 16,1% de la population étudiante du premier cycle de l’enseignement supérieur, 13% des étudiants préparant un master, et 6,3% de ceux qui préparent un doctorat. Cela tient largement au financement inférieur des premiers niveaux d’études, mais c’est aussi dû, en partie du moins, au fait qu’il n’y a pas en Israël d’université proposant des études en langue arabe. Le petit nombre d’établissements de premier cycle qui en proposent ont peu de financements et de ressources. Beaucoup d’étudiants arabes finissent par choisir d’étudier dans les territoires palestiniens occupés, en Jordanie ou ailleurs encore, pour y obtenir leurs diplômes.
            Le refus délibéré de l’État d’approuver des plans directeurs pour les localités arabes et d’accorder des permis de construire a accru le manque de logements dans les localités arabes, alors que l’État d’Israël a depuis sa création accordé des terres et assuré des services de planification à plus de six cents communautés juives. À part sept communes créées pour concentrer la population bédouine dans le Néguev au sud, l’État n’a créé aucune autre localité arabe bien que la population arabe ait été multipliée par seize depuis 1948. Seulement quatre localités arabes (Nazareth, Taïbeh, Tira et Abou Basma) ont des comités de planification et de construction. Les autres localités arabes doivent avoir recours à des conseils régionaux qui d’une part ne sont pas en mesure d’accorder l’attention ou les ressources nécessaires à des projets de développement locaux modestes, et qui d’autre part donnent souvent la priorité à des localités juives. Il en résulte un niveau tout à fait disproportionné de constructions sans permis de construire au sein de la communauté arabe. Actuellement plus de 50 000 familles arabes d’Israël vivent dans des maisons construites sans permis. De ce fait au moins 200 000 citoyens, soit environ un cinquième des citoyens arabes palestiniens d’Israël, vivent sous la menace permanente de démolition de leur maison. Plutôt que de résoudre la question des constructions illégales à la racine, l’État continue à mener une politique de punition rétroactive de citoyens arabes pour des délits qu’ils n’ont pas d’autre choix que de commettre. En avril 2017 a été approuvée la loi Kaminitz qui va encore aggraver les sanctions contre les violations des règles de construction, et faire appliquer rigoureusement la loi par un accroissement des démolitions de maisons, des amendes plus fortes et des peines plus lourdes pour les contrevenants.
            La ‟loi sur la nationalité et l’entrée en Israël”, appelée aussi ‟Loi sur la citoyenneté et le regroupement familial”, avait à l’origine été promulguée le 31 juillet 2003 comme ‟mesure de sécurité temporaire”. Mais la Knesset l’a reconduite tous les ans. Cette loi qui refuse le statut de citoyen et de résidence aux conjoints de citoyens israéliens venant des territoires palestiniens occupés tout comme à ceux venant de plusieurs prétendus ‟États ennemis”, a été reconduite une fois de plus en juin 2017. Du fait des liens sociaux transfrontaliers entre les communautés arabes palestiniennes en Israël et celles des territoires palestiniens occupés, cette loi frappe de façon disproportionnée les citoyens arabes palestiniens d’Israël, divise les 24 000 familles arabes concernées en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, et leur impose d’importantes charges financières, physiques et affectives. Bien que promulguée pour des raisons dites de sécurité, la loi cherche à maintenir la suprématie démographique juive en limitant le nombre de Palestiniens jouissant de la citoyenneté israélienne. Pour le dire simplement, Israël essaie d’accroître le nombre des citoyens juifs et de réduire le nombre des citoyens d’ascendance palestinienne.
Un exemple : l’histoire de Lana et de Taiseer
            Lana et Taiseer se sont rencontrés en 2004 à Jénine, la ville natale de Lana en Cisjordanie occupée. Taiseer, lui, est citoyen palestinien d’Israël. Peu après, ils sont tombés amoureux, se sont fiancés puis mariés. À l’époque, ils étaient au courant de la Loi sur la citoyenneté et le regroupement familial. Malgré les difficultés qu’elle imposait à leurs vies, Lana er Taiseer ont décidé de vivre ensemble à Akka parce qu’ils pensaient qu’aucune loi au monde n’a le droit d’empêcher des gens d’être ensemble.
            Au cours des premières années qu’ils ont vécues à Akka, Lana n’avait pas le droit d’habiter en Israël et craignait constamment d’être découverte. À la suite de pressions internationales croissantes, il y a eu une petite évolution de la loi, dans la mesure où elle permettait aux femmes de plus de 25 ans et aux hommes de plus de 35 ans de solliciter un permis. Lana a pu obtenir un permis pour vivre à Akka, mais ce permis doit être renouvelé tous les six mois et ne lui ouvre aucun droit, tel que celui d’occuper un emploi normal, ou l’accès aux soins ou à un permis de conduire.
            Même actuellement, 13 ans plus tard, et titulaire d’une licence en économie, Lana est dans l’impossibilité de trouver un emploi en raison des lourdeurs administratives et de la bureaucratie qu’implique l’embauche d’une personne de son statut. Les employeurs potentiels répugnent à s’engager dans des démarches auprès des multiples services gouvernementaux pour être autorisés à l’embaucher. En Cisjordanie sous occupation militaire avec tous ses chars, ses fusils et ses contraintes, Lana serait relativement libre de travailler, conduire, et vivre de façon autonome. Mais dans la ‟démocratie” d’Israël, on l’empêche de faire tout cela.
            Lana et Taiseer ont aujourd’hui trois enfants : Adnan (10 ans), Yosra (9 ans) et Sali (3 ans). Malgré leur jeune âge, les enfants se rendent compte que leur mère est traitée de façon différente. Parce que Lana n’a pas légalement le droit de conduire, à chaque fois qu’elle veut emmener les enfants quelque part, c’est Taiseer ou quelqu’un d’autre qui doit les emmener et les reprendre. À chaque fois qu’ils vont rendre visite à leur grand-mère à Jénine, les enfants voient Lana devoir passer à pied par le checkpoint militaire tandis que les enfants et Taiseer sont autorisés à rester dans la voiture.
            Taiseer milite dans une association qui dénonce les lois de citoyenneté. Il se bat pour lui-même et pour Lana, et aussi pour les familles qui vivent dans la pauvreté du fait de la loi. Il dit : ‟Nous croyons que le mal ne peut pas l’emporter. Nous pensons que les lois racistes peuvent être abolies, comme elles l’ont été en Afrique du Sud où il y avait aussi des gens qui n’avaient pas le droit de vivre ensemble… Aucune loi ne devrait empêcher des gens de vivre ensemble pour des raisons de nationalité, de religion ou d’ethnicité. Un jour, cette loi sera supprimée.”

Action

            Aider à maintenir les familles réunies ! Si vous voulez venir en aide à Lana et Taiseer ainsi qu’à des familles comme la leur ou à des familles qui souffrent de la démolition de leur maison à cause de la loi Kaminitz, nous vous invitons à contacter votre ministère des Affaires étrangères par téléphone, courrier ou courriel pour lui dire ce que vous pensez de ces lois. Le jour de la Saint Valentin, vous pouvez adresser à votre ministère des Affaires étrangères un message de Saint-Valentin disant qu’en tant que citoyen de votre pays vous ‟exigez qu’Israël reconnaisse les droits des citoyens arabes et le droit de toute personne de vivre avec la personne de son choix.”
            Beaucoup de ministères des Affaires étrangères ont un service spécialement consacré à Israël auquel vous pouvez adresser vos commentaires. Si vous souhaitez que l’on vous aide à trouver une information concernant votre ministère des Affaires étrangères ou que l’on vous suggère quoi dire ou écrire, veuillez contacter Mossawa à Programs.mossawa@gmail.com (en anglais). Vous pouvez aussi appeler les partis de la Knesset au (+972) 2-6753333 pour leur dire de cesser de bloquer les résolutions demandant des droits égaux pour tous les citoyens.
Partagez le message de la Saint Valentin que vous adressez à votre ministère des Affaires étrangères sur les médias sociaux. Incitez d’autres à adresser des messages semblables et invitez-les à regarder cette courte vidéo sur la loi de citoyenneté : https://youtu.be/VBBpENBXx4M. Incorporez un lien de cette page au site de Kumi Now avec les hashtags #HappyValentinesDay, #KumiNow, et #Kumi17 (en anglais).
Un texte : ‟La voix d’un poète”, de Khalil Gibran (1883-1931)
            ‟Tu es mon frère, mais pourquoi me cherches-tu querelle ? Pourquoi envahis-tu mon pays et essaies-tu de m’assujettir pour le plaisir de ceux qui sont en quête de gloire et de pouvoir ?
            L’autoprotection est-elle la première loi de la nature ? Pourquoi alors Convoitise t’incite-t-elle à te sacrifier dans le seul but de réaliser son objectif en faisant souffrir tes frères ? Garde-toi, mon frère, du dirigeant qui dit : ‟L’amour de l’existence nous oblige à priver les gens de leurs droits !” Je ne te dis que ceci : Protéger les droits des autres est l’activité humaine la plus noble et la plus belle. Si ma vie exige que j’en tue d’autres, alors mourir est plus honorable pour moi, et si je ne puis trouver quelqu’un qui me tue pour préserver mon honneur, je n’hésiterai pas à m’enlever la vie, de mes propres mains, au nom de l’Éternité avant que l’Éternité n’advienne.
            L’égoïsme, mon frère, est cause de supériorité aveugle, et la supériorité produit l’esprit de clan, et l’esprit de clan produit le pouvoir, qui mène à la discorde et à l’asservissement.
            L’âme croit au pouvoir de la connaissance et de la justice sur la sombre ignorance ; elle récuse le pouvoir qui fournit les épées pour défendre et renforcer l’ignorance et l’oppression, ce pouvoir qui a détruit Babylone, ébranlé les fondations de Jérusalem et laissé Rome en ruines. C’est cela qui a conduit les gens à appeler ‘grands’ des criminels, qui a conduit des écrivains à honorer leurs noms et des historiens à relater sous forme d’éloges les récits de leur inhumanité.
            La seule autorité à laquelle j’obéis est la connaissance, qui me fait protéger et approuver la Loi Naturelle de la Justice.
            De quelle justice le pouvoir fait-il preuve lorsqu’il tue le tueur, emprisonne le voleur, ou fait une descente dans un pays voisin pour en tuer les gens ? Que pense la justice du pouvoir sous lequel un tueur punit celui qui tue et un voleur sanctionne celui qui vole ? Tu es mon frère et je t’aime, et l’Amour est justice dans toute son intensité et toute sa dignité. Si la justice n’accompagne pas mon amour pour toi quelle que soit ta tribu ou ta communauté, je suis un imposteur qui masque la laideur de l’égoïsme sous les oripeaux du pur amour.”
Extrait de ‟A Poet’s Voice” (La voix d’un Poète) de Khalil Gibran, poète libano-américain  et artiste visuel connu comme ‟Le prophète de l’Orient”.

Ressources (en anglais)

 “Israel and Its Arab Palestinian Citizens” http://www.mossawa.org/en/article/view/679
 “Israeli Government Policy Toward the Arab Community” http://www.mossawa.org/uploads/EU%20human%20rights%20paper%20March%202016.pdf
Videos:



Traduction : Amis de Sabeel France

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