Villages bédouins non reconnus du
Néguev
Conseil régional des villages non reconnus
du Néguev
Les
citoyens arabes palestiniens d’Israël rencontrent quantité de problèmes. Les
villages bédouins palestiniens non reconnus du Néguev sont constamment menacés
de démolitions de maisons et de transfert de leurs terres à d’autres, sans
parler du fait qu’ils n’ont pas de représentation auprès de l’État d’Israël et
qu’ils ne bénéficient pas de ses services. Le Conseil régional des villages bédouins
palestiniens non reconnus (RCUV) cherche à lutter contre cela en représentant
ces communautés. Voici ce que vous devez savoir et ce que vous pouvez faire pour
que nous réagissions ensemble.
Organisation
Fondé
en 1997, le Conseil régional des villages bédouins palestiniens non reconnus
(RCUV) est une organisation non gouvernementale de la communauté qui représente
les résidents des 45 villages non reconnus du Néguev, en Israël. Ces villages
abritent une population totale de 74 000 habitants, chacun d’entre eux comptant
entre 500 et presque 5 000 habitants. Ils sont dépourvus de services
municipaux et de représentation politique, et sont menacés en permanence de
transferts de masse et de ségrégation par l’État d’Israël. Une majorité des 45%
restants de la communauté bédouine du Néguev sont des déplacés de l’intérieur.
L’objectif de RCUV est de représenter ces communautés et de faire prendre
conscience à l’État d’Israël de l’ensemble de leurs attentes. Vous pouvez avoir
accès à RCUV sur Facebook à https://www.facebook.com/rcuvn/ (en
hébreu et en arabe).
La situation
Il
y a en Israël des douzaines de communautés israéliennes arabes que l’État d’Israël
ne reconnaît pas, ou bien en ne les faisant pas figurer sur la carte, ou bien
en refusant de leur assurer des services. Selon le Bureau central des
statistiques d’Israël, quelque 224 000 Bédouins vivaient dans le Néguev
en 2014, dont environ un quart dans des villages non reconnus. Ironiquement, la
majorité de ces communautés existaient déjà avant la création de l’État
d’Israël. Mais le gouvernement continue à refuser de les reconnaitre et a
classé beaucoup des terres appartenant à ces communautés comme « terres
agricoles », de sorte que ceux qui ont
toujours vécu là sont considérés par l’État comme des squatteurs illégaux.
Selon
l’Association pour les Droits Civils en Israël (ACRI), « le gouvernement israélien
a recours à toutes sortes de pression sur les Bédouins pour les transférer dans
des centres urbains prévus par le gouvernement sans aucune prise en
considération de leur mode de vie et de leurs besoins. Des communautés entières
ont reçu des ordres de démolition, d’autres sont obligées de continuer à vivre dans
des villages non reconnus auxquels sont refusés les services et
l’infrastructure de base tels que l’électricité et l’eau courante ».[1]
Ces mesures, tout comme la démolition des villages non reconnus et l’expulsion
de leurs habitants, sont conçues pour déplacer de force les résidents bédouins
en violation de leurs droits à la propriété, à la dignité, à l’égalité et à des
procédures officielles.
Cette
politique de délocalisation n’est pas nouvelle, elle est appliquée depuis un
certain temps déjà. Selon l’organisation Adalah, « la délocalisation
forcée et la concentration de la communauté bédouine ont constitué des éléments
centraux de la politique du gouvernement à son égard au cours de la période de
régime militaire (1948-1966) qui a suivi la création de l’État d’Israël. Elles
visaient à strictement restreindre leur zone de vie à une aire géographique
limitée connue sous le nom de « Siyag », à les surveiller et les
contrôler étroitement pour les obliger à abandonner leur mode de vie, leur
culture et leur économie traditionnelles fondées sur l’élevage et
l’agriculture. L’objectif final de cette politique était de vider de vastes
zones du Néguev de leurs habitants bédouins afin d’y construire et d’y
développer des villes et des villages juifs. Cela a été particulièrement
efficace : la politique de l’État a conduit à l’expulsion des Bédouins
arabes hors des 95% du Néguev autres que le Siyag pendant cette période ».[2]
Par
cette politique, l’État d’Israël cherche résolument à vider le territoire de sa
population bédouine afin de mettre de vastes portions de territoire du Néguev à
la disposition de la population juive et de son développement. Cela est
clairement mis en évidence par la répartition inégale des terres entre les
citoyens arabes et les citoyens juifs d’Israël. Dans un article de RCUV, Maha
Qubty notait que « les lois israéliennes sur la terre sont au service des
seuls citoyens juifs d’Israël et ne reconnaissent que des terres juives. Les
lois sur la terre ne reconnaissent pas les terres des citoyens palestiniens.
Depuis des décennies et par diverses procédures, des terres ont été transférées
de la minorité palestinienne à la majorité juive. Avec aujourd’hui pour
résultat que les Palestiniens, qui constituent environ 20% de la population,
possèdent 2% de l’ensemble des terres, alors qu’avant 1948 ils en possédaient
97%. La communauté bédouine qui constitue 25% de la population du Néguev n’en
possède que 2% des terres alors qu’elle en possédait 98% avant 1948 ».[3]
Un cas : Al-Araqib, le village démoli plus de 100 fois.
Les
forces israéliennes ont démoli pour la 119ème fois un village du Néguev
dans le sud du pays. Les habitants d’al-Araqib racontent comment les forces
armées et la police anti-émeutes avaient fait irruption avec des bulldozers dans
le village au petit matin du 3 octobre 2017, rasant les constructions qui
subsistaient. « Ils ont fait irruption et ont tout détruit, chaque
construction, chaque maison », selon le chef du village Siyah al-Touri.
Le
village, qui héberge environ 220 personnes, avait été démoli pour la première
fois le 27 juillet 2010. Depuis ce jour-là, les habitants déplacés ont cherché
de l’aide auprès de militants locaux pour les aider à reconstruire.
« Nous
vivons maintenant dans des maisons de fortune, à cause de la politique raciste
et criminelle de l’État », dit al-Touri. « Ils veulent nous déplacer
de force et ne comprennent pas que nous sommes citoyens de l’État. Ils ne nous
reconnaissent pas, s’ils l’avaient fait ils nous auraient accordé nos droits ».
Les
autorités israéliennes émettent régulièrement des ordres de démolition dans le Néguev,
prétendant que ces villages n’ont pas de permis de construire, mais les
habitants disent qu’il est impossible d’obtenir un permis pour construire
légalement. Al-Araqib est l’un des quelque 40 villages bédouins « non
reconnus » du sud d’Israël dont l’existence est perpétuellement menacée.
« Quoi qu’il arrive, nous resterons sur la terre de nos ancêtres »,
dit al-Touri. « Notre cimetière est ici depuis 1914, et nous avons six
puits dont nous n’avons même pas le droit de boire l’eau ».
La
dernière fois qu’al-Araqib a fait l’objet d’un ordre de démolition, c’était le
14 septembre. Les ordres de démolition sont exécutés dans le mois. « Nous
avons appelé à un arrêt immédiat des ordres de démolition », dit Sahbi Ibn
Thuri, un avocat représentant les habitants d’al-Araqib. « Mais l’État a
refusé de reconnaître à la tribu la propriété du village, prétendant que la
terre leur avait été louée par l’État dans les années 1950 ».
« Les
gens comme les habitants d’al-Araqib réalisent que leur terre a été confisquée seulement
lorsque la police arrive avec des bulldozers pour détruire leurs maisons »,
dit Thuri. « L’État prétend que ces terres lui appartiennent, mais ce
n’est pas vrai. Ces gens habitaient ici bien avant que l’État n’existe ». D’après
Thuri, l’État ne reconnaîtra pas aux habitants la propriété du village, même
s’ils prouvent qu’ils en sont les propriétaires légitimes.
« Dans
le meilleur des cas, on leur attribuera une compensation sous la forme d’une
autre parcelle de terrain », dit Thuri. « Mais cela ils l’ont absolument
refusé ».
Publié à l’origine par
Al Jazeera le 3 octobre 2017, adapté pour la publication sur https://www.aljazeera.com/news/2017/10/israel-destroys-bedouin-village-119th-time-171003135958243.html.
Depuis
la publication de l’article, ce village a été détruit quatre fois de plus.
Action
Nous voulons proposer Sheikh Siyah
al-Tour pour le Prix Nobel de la Paix ! Si vous n’êtes pas vous-même
habilité à nominer un candidat, adressez-vous à ceux qui le sont et demandez-leur
de proposer Sheikh Siyah al-Touri pour sa noble mission de chef du village
d’Al-Araqib qui a été détruit plus de 120 fois. Ceux qui peuvent désigner un
candidat au Prix Nobel sont, selon https://www.nobelprize.org/nomination/peace/ :
- Des membres d’assemblées nationales ou de gouvernements (membres de cabinets, ministres) d’États souverains et chefs d’État en activité.
- Des membres de la Cour internationale de Justice et de la Cour internationale d’Arbitrage de La Haye.
- Des membres de l‘Institut de Droit international
- Des professeurs d’université, professeurs émérites et professeurs associés d’histoire, de sciences sociales, de droit, de philosophie, de théologie et de religion ; des recteurs et des directeurs d’universités ou leurs équivalents ; des directeurs d’instituts de recherche sur la paix et d’instituts de politique étrangère.
- Des personnes qui ont reçu le Prix Nobel de la Paix
- Des membres du comité de direction ou de son équivalent d’organisations qui ont reçu le Prix Nobel de la Paix
- Des membres actuels ou anciens du Comité Nobel norvégien
- D’anciens conseillers du Comité Nobel Norvégien
Vous pouvez aussi adresser un
courriel au Comité Nobel de Norvège à postmaster@nobel.no, pour lui faire
savoir que vous aimeriez voir Sheikh Siyah al-Touri proposé pour le Prix Nobel
de la Paix. Diffusez aussi vos messages sur les réseaux sociaux, en nous faisant
savoir à qui vous avez demandé de proposer Sheikh al-Touri. Ajouter un lien à
cette page du site de Kumi Now avec le hashtags #KumiNow et #Kumi18.
Un texte : « Dans les déserts de l’exil », de Jabra
Ibrahim Jabra
O
terre des nôtres où s’est déroulée notre enfance
Comme
en rêve à l’ombre de l’orangeraie,
Parmi
les amandiers des vallées.
Souviens-toi
de nous qui errons maintenant
Au
milieu des épines du désert
Qui
errons dans les montagnes rocheuses :
Souviens-toi
de nous aujourd’hui
Dans
le tumulte des villes au-delà des déserts et des mers
Souviens-toi
de nous
Aux
yeux pleins de poussière
Qui
jamais ne s’éclairent dans notre errance sans fin.
De
Jabra Ibrahim Jabra, auteur prolifique syriaque-orthodoxe palestinien, artiste
né à Bethléem puis exilé en Irak en 1948. Tel que publié dans « Communautés
en marge : Poésie arabe du désert » par Maysa Abou-Youssef Hayward.
Publié par Arid Lands Newsletter sur https://cals.arizona.edu/OALS/ALN/aln50/hayward.html.
Ressources (en anglais)
Rapports :
- Human Rights Watch, Off the Map: Land and Housing Rights Violations in Israel’s Unrecognized Bedouin Villages (2008): https://www.hrw.org/sites/default/files/reports/iopt0308webwcover.pdf
Livres :
- Alexandre Keda, Ahmad Amara & Oren Yiftachel, Emptied Lands: A Legal Geography of Bedouin Rights in the Negev (Stanford University Press, 2018).
- Mansour Nasasra, The Naqab Bedouins: A Century of Politics and Resistance (Columbia University Press, 2017)
[3] Report by RCUV to
the UN Human Rights Council, 2003 www2.ohchr.org/english/issues/minorities/docs/maha.doc
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