Kumi Now Semaine 39 : du 14 au 20 juillet 2019
Zochrot, Droit au retour, et Fonds National Juif
Les Palestiniens se
battent depuis soixante-dix ans pour obtenir le droit au retour dans leurs
foyers et leurs propriétés. Le droit au retour est inscrit dans la Déclaration
universelle des Droits de l’homme, et des précédents remontent jusqu’aux
philosophes de l’antiquité. La conception qu’a Zochrot du droit au retour des
Palestiniens voudrait faire d’Israël une patrie et un lieu où il fait bon vivre
à la fois pour les Palestiniens et pour tous les Israéliens. Voici ce que vous
devriez savoir sur le droit au retour et ce que vous pouvez faire pour que nous
puissions nous lever (Kumi !) tous ensemble.
Organisation
Zochrot (‘Se souvenir’ en
hébreu) est une ONG qui travaille depuis 2002 en faveur de la reconnaissance de
responsabilité pour les injustices persistantes provoquées par la Nakba, la catastrophe palestinienne de 1948, et en faveur d’une compréhension
du Retour comme une réparation pour la Nakba
et une chance de vie meilleure pour tous les habitants du pays.
Zochrot envisage le Retour
comme un processus étendu et multidimensionnel qui ne se limiterait pas au
simple retour des réfugiés dans ce pays, mais se soucierait aussi de leur
dignité et de leur pleine intégration dans
une société commune dans laquelle Juifs et Palestiniens auraient un même statut.
Dans l’ouverture d’une telle perspective, le Retour commence bien avant que les
réfugiés ne reviennent effectivement, et se poursuit bien après leur retour
dans leur patrie.
Vous pouvez trouver Zochrot sur son site web http://zochrot.org/ ou
sur Facebook à http://www.facebook.com/Zochrot et
sur YouTube à http://www.youtube.com/user/Zochrot.
La situation
Plus de 5 millions de Palestiniens, soit les réfugiés de la première
génération et leurs descendants, sont recensés comme personnes déplacées du
fait de la Nakba, la catastrophe palestinienne de 1948. Au
cours de la guerre de 1948 et par après, plus de 600 localités palestiniennes
ont été vidées de leurs habitants et détruites, et environ 750.000 Palestiniens
ont été expropriés. En outre environ 35.000 personnes sur les 150.000 qui
étaient restées au pays ont été déplacées à l’intérieur d’Israël, selon les
enquêtes menées par BADIL en 2003 et en 2014. La majorité de ces réfugiés
déplacés de l’intérieur vivent aujourd’hui encore à seulement quelques kilomètres
de leur ancien village, tandis que la majorité des Palestiniens, réfugiés dans
les pays arabes voisins, vivent à moins de 100 kilomètres de la frontière israélienne
et ne sont toujours pas autorisés à revenir dans leurs foyers.
L’histoire du village de Lubya
C’est l’histoire de l’un de ces
villages qui ont été vidés de leur population et détruits au cours de la Nakba, et l’histoire aussi d’une
véritable action de justice réalisée en 2015, 67 ans après la destruction du
village.
Le village palestinien détruit
de Lubya se trouvait dans le nord de la Palestine, à 10,5 km à l’ouest de
Tibériade. C’était un village typique de cette région de collines connu pour
ses terres fertiles, sa production de blé, ses oliviers et ses vergers. A
partir de 1596, il a dû payer des taxes pour son pressoir à olives, ses ruches
et ses chèvres. Des siècles durant, c’était un village prospère. Au 20ème
siècle il a connu un développement rapide, passant de 1.850 habitants et 405
foyers en 1931 à 2.726 habitants et 596 foyers en 1948.
Mais en 1948, les attaques
sionistes contre ce village prospère ont commencé. La première eut lieu le 20
janvier, causant la mort d’un villageois. D’autres attaques ont suivi en
février et en mars. Les villageois se sont battus pour conserver leur village. Quand
Nazareth tomba le 16 juillet, les villageois furent terrorisés et abandonnèrent
leurs foyers. Le lendemain matin, les forces israéliennes bombardèrent le
village, causant la destruction de ses maisons, et l’occupèrent. Aïssa Hajjou, une
Palestinienne dont les parents avaient habité à, Lubya, se souvient de ce que racontait
son père : ‟Je m’étais caché dans un arbre, j’étais encerclé et ne savais
où aller… Avec quelle hystérie ils se déchaînaient sur les gens et les maisons...”
Amina Zu’aitier, une autre réfugiée palestinienne de Lubya, se souvient de sa
fuite : ‟Nous marchions vers le nord, tentant de fuir au Liban… Je me suis
retournée et voyais Lubya au loin. Ses maisons étaient en feu et le ciel était
empli de fumée. Je pleurais depuis que j’avais quitté Lubya, mais là j’ai
réalisé que c’était la fin. Nous avions tout perdu.”
En 1949, la ville israélienne
de Lavi a été construite sur des terres du village. La Forêt de Lavi et celle
d’Afrique du Sud ont été plantées sur d’autres parcelles du village grâce aux
subventions du Fonds National Juif. Enfin, en 1965, toutes les constructions du
village ont été entièrement démolies. Navif Haiju résume les sentiments
éprouvés lors la perte de sa maison en disant qu’il était condamné à ‟porter le
fardeau du chagrin et de la peine d’avoir perdu notre village”. Amina Zu’aitier
ajoute : ‟Il ne restait plus rien de Lubya. Ils ont même démoli la mosquée
et ont rempli de pierres les puits dont nous buvions l’eau. Puis ils ont planté
des arbres partout, pour tout cacher”.
Les réfugiés de Lubya : Après la Nakba,
la majorité des réfugiés de Lubya vivaient dans des camps de réfugiés au Liban,
en Syrie et en Jordanie. Seul un petit nombre de familles était resté dans ce
qui était devenu Israël. Ils y sont devenus des déplacés de l’intérieur, des ‟absents
présents” dans le jargon juridique israélien, la plupart dans le village de
Dayr Hanna. Après les massacres de Sabra et Chatila au Liban, beaucoup de réfugiés
de Lubya ont pour la seconde fois tout perdu, et sont partis en Europe. Et à
cause de la guerre civile en Syrie, d’autres réfugiés de Lubya ont été tués,
principalement dans le camp de réfugiés d’al-Yarmouk. La plupart des réfugiés
qui restaient ont eux aussi fui en Europe. L’ensemble des réfugiés de Lubya et
de leurs descendants ailleurs dans le monde est aujourd’hui estimé à 40.000.
En 1950, Israël a passé la ‘Loi
sur les propriétés des absents’, qui dépouillait les Palestiniens de leurs
propriétés. Voici comment Muhammad Kharzoun, un réfugié de Lubya, décrit son
état de sans-foyer : ‟Oui, nous étions tous des paysans, mais l’amour de
notre patrie fait partie de notre foi et de notre religion. Il fait partie de
notre âme, il est même plus précieux que notre âme. Quiconque ne l’a pas n’a rien”.
Cette ‘loi sur les propriétés des absents’ a été le principal outil juridique
utilisé par le gouvernement israélien pour revendiquer la propriété des terres
palestiniennes.
Le comportement colonial du
Fonds National Juif (FNJ) : La Forêt de Lavi, dont une partie est appelée Forêt d’Afrique du Sud,
couvre actuellement les ruines de Lubya. Le seul signe de vie qui subsiste dans
le village est son cimetière. Les humbles marques des tombes musulmanes sont
toujours présentes, pour la plupart non atteintes par les pins. Comme le disait
le réfugié Hamad Jodeh : ‟Si je n’aimais pas cet endroit, continuerais-je
tout le temps à y revenir sur mon tracteur ? Ils en ont fait une forêt, pour
prétendre qu’il n’y avait pas eu de village ici. Mais vous pouvez voir les
cactus, ils prouvent que des Arabes vivaient ici.”
La Forêt de Lavi a été plantée
par le Fonds National Juif. Le FNJ a été créé en 1901 pour acheter et occuper
des terres au nom du peuple juif, pour acquérir des terres palestiniennes et en
faire des colonies juives. Ce processus inclut la ‟judaïsation” du paysage en
supprimant toute trace de présence, d’histoire et de mémoire palestinienne.
Plus des deux tiers des forêts plantées par le Fonds National Juif sont situées
sur l’emplacement de villages palestiniens détruits, aujourd’hui inaccessibles,
sans noms et non entretenus. Aujourd’hui il s’enorgueillit d’être une ONG qui
se soucie de l’environnement en plantant des arbres et en créant des parcs.
Excuses et responsabilités : ‟Justice de transition”, c’est ainsi qu’on
désignait des éléments du passage de la dictature à la démocratie, ou du
conflit à la réconciliation. Dans le contexte israélo-palestinien, nous
proposons une justice pré-transitionnelle : un ensemble d’outils et de
stratégies appliqués au cours d’un conflit insoluble pour promouvoir le passage
d’une culture de négation et d’impunité à une culture de reconnaissance des
faits et de responsabilité. S’excuser est une manière d’exprimer sa responsabilité,
ce qui est le début d’une réparation, matérielle et symbolique à la fois.
Les dons pour la Forêt de Lavi provenaient
d’Afrique du Sud dans les années 1960, du
temps de l’apartheid. Mais avec la fin de l’apartheid et après avoir
découvert pourquoi la forêt avait été plantée à cet endroit-là, un groupe ‘Arrêtez le FNJ - Afrique du Sud’ avait
été créé en 2012 par des Juifs d’Afrique du Sud, dans le but de faire connaître
la vérité. En 2015 ce groupe est venu à Lubya pour s’excuser de ce qu’ils avaient
fait et demander pardon aux réfugiés de Lubya.
Shereen Usdin, militante sud-africaine d’Arrêtez
le FNJ, déclarait lors de ces excuses : ‟Alors que cette forêt veut
être une tentative d’effacer le souvenir de Lubya, il n’est pas possible de
nier ce qui s’est passé ici. Ces pierres, ces tombes, ces puits, ces plants de
cactus portent tous témoignage. Maintenant, comme Juifs d’Afrique du Sud, nous
sommes venus ici dans cette forêt et sur ces ruines de Lubya pour reconnaître
cette injustice et en assumer la responsabilité”. C’était un évènement
exceptionnel, qui a eu lieu en mai 2015, coordonné et mis en œuvre par Zochrot,
et auquel ont participé des médias, des militants, un grand public et des
réfugiés du village. Cette initiative a été un geste symbolique important qui
pourrait être la première étape de nouvelles actions de restauration et
d’ouverture au droit au retour pour tous les réfugiés palestiniens.
Pour plus d’informations sur la visite
(avec des images et des vidéos), allez sur la page Lubya du site de Zochrot :
http://zochrot.org/en/village/49244.
Action
Vous pouvez commencer par
regarder ‘Le village sous la forêt’, un
documentaire en anglais de 54 minutes qui raconte l’histoire de Lubya, développée
ci-dessus. Projetez-le à votre classe, votre groupe d’Église, votre famille,
votre club scolaire, etc… Vous pouvez acheter la vidéo en ligne pour moins de 8
dollars US ou la louer pour 3 dollars US : https://vimeo.com/ondemand/villageundertheforest/78181601. Regardez une bande annonce sur https://youtu.be/ISmj31rJkGQ.
Mais, de grâce, ne vous limitez
pas à la vision d’un film ! Lubya n’est que l’un des nombreux villages
palestiniens détruits qui ont été recouverts par des forêts du FNJ financées
par des dons étrangers. Si vous regardez ces forêts sur Google Maps, vous entendrez
des commentaires qui vantent ces lieux pour leur beauté et les possibilités de
loisirs qu’ils offrent. Les histoires, les droits et les villages palestiniens
sont enterrés en ligne comme dans la vie réelle. Faites connaître aux voyageurs
la véritable histoire des terres qu’ils visitent en postant un commentaire sur
Google Maps.
Nous vous suggérons de faire
une critique disant par exemple : ‟Ce lieu est beau, c’est vrai, mais la
vérité c’est que la forêt a été plantée sur des maisons et des villages
palestiniens qui ont été détruits, et qu’il s’agit d’une
terre qui appartient, conformément au droit international, aux réfugiés et à
leurs descendants. J’incite chacun à demander instamment au FNJ de reconnaître
ces fautes et de les réparer, pour que Juifs et Palestiniens puissent vivre en
paix et en bons voisins les uns avec les autres.
Lavi : Vous pouvez rédiger une présentation de la
Forêt de Lavi / d’Afrique du Sud et raconter ici l’histoire de Lubya : https://goo.gl/maps/aV2iC1Rb1Kz.
Canada : Vous trouverez une information sur les dons provenant
du Canada en regardant “Three Palestinian Villages Are Buried Under Canada
Park” (Trois villages palestiniens sont enterrés sous Canada Park) sur https://youtu.be/98EHGWGqpsk, ou
encore “Canada Park in Israel”
(Canada Park en Israël) : https://youtu.be/yHRbR7nMxN4 et la deuxième partie sur https://youtu.be/NrhaglA5c_w puis laisser une critique d’Avalon Canada
Park sur https://goo.gl/maps/eVevSStrgCB2
Grande Bretagne et
États-Unis : Vous
pouvez regarder “Stop the JNF” (Arrêtez le FNJ) pour une information sur Britania
Park et USA Independence Park sur https://youtu.be/QUrlojwSWI8. Vous pourrez écrire un avis sur Britania
Park à https://goo.gl/maps/NAEz5Gosotk ou un avis sur
USA Independence Park à https://goo.gl/maps/b5GUerFcH5x.
Lifta : Enfin, Lifta est le seul village palestinien
à ne pas avoir été détruit. C’est aujourd’hui un parc populaire où des citoyens
israéliens aiment à nager dans les piscines. Si vous lisez les présentations,
elles sont absolument positives, sans la moindre mention de l’injustice faite à
ses propriétaires. Regardez une courte vidéo sur Lifta réalisée par BADIL sous
le titre “Sons of Lifta” (Enfants de Lifta) https://youtu.be/L7afYef4bSQ, puis laissez un commentaire sur https://goo.gl/maps/3spdukNt5Sp.
Diffusez une photo de votre
projection de film et/ou de vos critiques de Google Maps sur les réseaux
sociaux. Ajoutez un lien à cette page du site web de Kumi Now avec les hashtags
#KumiNow et #Kumi39.
Réflexion de l’archevêque émérite
Elias Chacour
‟J’arrivai à Bir’am [mon village qui avait été détruit en 1948] au
lever du soleil… La lumière gagnait en intensité et transmettait sa chaleur à
travers les branches des oliviers. Seuls le gazouillis des oiseaux et le bruit
de mes pas sur le gravier troublaient le silence. Autour de moi les maisons de
pierre démolies étaient pleines de gravité, fantomatiques. J’escaladai un mur
effondré pour entrer dans l’enceinte faiblement éclairée de l’église. Dans la
maison paroissiale, des hirondelles nichaient sur les poutres qui restaient. J’étais
là, glacé, muet, presqu’accablé par un sentiment de désolation.
Et pourtant, au même moment, je fus saisi
presqu’inconsciemment d’un profond sentiment de vie. Des maisons détruites,
j’imaginais entendre des rires, des voix de femmes, d’hommes engagés dans des
conversations… Dans l’église, sous la tour de pierre branlante dont on avait
enlevé la cloche, des voix d’enfants chantaient à nouveau ‘Alléluia’. Il me
vint alors à l’esprit que même des bombes ne détruiraient jamais la vénération
de Dieu, de la vie et de la terre que nous avions éprouvée là… Qu’il est
terriblement triste que des hommes puissent ignorer le projet de paix de Dieu
entre des frères divisés, allant même jusqu’à apporter leur soutien à un groupe
qui mobilisait sa force pour expulser l’autre… [Nous sommes appelés] comme l’a
fait Jésus, à relever, les hommes et les femmes qui ont été dégradés et
écrasés.”
Cette réflexion
est extraite du livre ‘Frères de Sang’ de l’archevêque émérite Élias Chacour,
trois fois nominé pour le Prix Nobel de la Paix, né en Haute Galilée.
Ressources
(en anglais)
Vidéos :
“Palestinian Villages Hidden Under Israeli
Forests” de Jonathan Cook : https://vimeo.com/184497845
“Trees
as Politics: JNF and Colonization in Israel” de Lia Tarachansky : https://youtu.be/9c2xkHlZKXA
“JNF
Complicity Challenged” de Alternative Information Center : https://youtu.be/y_Y5AkPPrJU
“Practicalities
of Return II: Peace without Return” de BADIL Resource Center : https://vimeo.com/132706016
Articles et Rapports :
“On
the 70th anniversary of the Nakba, a look back at the Palestinian struggle for
their right of return” par Mike Merrryman-Lotze et American Friends Service
Community : https://www.afsc.org/blogs/news-and-commentary/70th-anniversary-nakba-look-back-palestinian-struggle-their-right-return
“Absentee’s
Property Law” de Adalah – The Legal Center for Arab Minority Rights in Israel :
https://www.adalah.org/en/law/view/538
“South
Africans apologize over forest planted on Palestinian village” par Sarah Levy sur
The Electronic Intifada. https://electronicintifada.net/content/south-africans-apologize-over-forest-planted-palestinian-village/14494
“The Jewish
National Fund as a Colonial Entity” de The Nakba Files : http://nakbafiles.org/2016/08/31/the-jewish-national-fund-as-a-colonial-entity/.
“Palestinian
Internally Displaced Persons inside Israel: Challenging the Solid Structures”, de
BADIL Resource Center : http://www.badil.org/phocadownload/Badil_docs/Working_Papers/Palestinian.IDPs.pdf
Traduit par les
Amis de Sabeel France
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