Les enfants devant les tribunaux militaires israéliens
Miltary
Court Watch / Surveillance des tribunaux militaires
Beaucoup des
injustices commises envers les Palestiniens se retrouvent dans l’ensemble ‘arrestations
nocturnes’ et ‘incarcérations dans des prisons militaires’, visant avant tout,
l’une comme l’autre, à traumatiser des enfants. L’organisation Military Court Watch (MCW) / Surveillance
des tribunaux militaires se donne pour objectif de faire connaître ces
actes et de s’y opposer. Voici ce qu’il vous faut savoir sur le vécu des
enfants palestiniens dans le système militaire israélien, et ce que vous pouvez
faire pour que nous puissions nous lever (Kumi !)
ensemble.
Organisation
Military Court Watch, en français Surveillance des
tribunaux militaires, est une organisation officielle à but non lucratif qui
suit le traitement des enfants soumis au système militaire israélien.
L’organisation s’occupe de treize sujets d’inquiétudes et suit plus
particulièrement les vingt-quatre premières heures d’une arrestation, parce que
c’est elles qui font l’objet du plus grand nombre de signalements pour mauvais
traitements et violations des droits. L’organisation a pour principes que tous
les enfants en détention dans le système carcéral doivent pouvoir bénéficier de
toutes les mesures de protection garanties par le droit international, et
qu’aucun État ne peut se permettre d’exercer une quelconque discrimination
basée sur la race ou sur l’identité nationale envers ceux à qui il applique sa propre
juridiction pénale.
Depuis sa fondation, Surveillance des tribunaux militaires s’est
forgée la réputation d’une organisation professionnelle indépendante et
apolitique en mesure de proposer des outils fiables aux hommes politiques, aux
diplomates, aux avocats, aux journalistes et à d’autres encore. C’est une
approche qui vise à exercer une influence à la fois modérée et objective sur
les débats en cours et les décisions à prendre. Par une telle approche, Surveillance des tribunaux militaires, plutôt
que de s’engager aux côtés de ceux qui partagent déjà plus ou moins ces idées, cherche
à engager un dialogue avec des publics plus conservateurs, en espérant les
faire changer d’avis.
Au cours des années, Surveillance des tribunaux militaires ou
les membres de son comité directeur ont joué un rôle-clef par la publication de
rapports qui ont eu un gros impact ainsi que par la diffusion de documentaires qui
ont été primés, comme l’émission australienne ABC Four Corners, ou le film australien Stone Cold Justice [Une justice froide comme des pierres] sur les
tortures subies par les enfants palestiniens. Ils ont ainsi apporté leur
soutien à une telle démarche. Tout récemment encore, Surveillance des tribunaux militaires a apporté son aide à
l’association israélienne Breaking the
Silence (Rompre le silence) pour son projet de publication à l’occasion des
cinquante années d’occupation, en informant des auteurs de renommée
internationale et en les faisant assister à des délibérations des tribunaux
militaires israéliens. Le livre qui en est résulté, Kingdom of Olives and Ash (Royaume d’olives et de cendres), publié
en 2017, comporte deux chapitres sur les enfants en détention militaire (par
Ayelet Waldman et Arnon Grunberg).
Un troisième auteur, le Prix Nobel Mario Vargas Llosa, a écrit un
éditorial dans El Pais à la suite de
sa visite aux tribunaux militaires.
Depuis sa création, Surveillance des tribunaux militaires a
recueilli près de 500 témoignages et réalisé des centaines d’exposés et de
visites aux tribunaux militaires, s’est adressé à des milliers de personnes, a
donné des douzaines d’interviews aux médias et écrit des douzaines
d’éditoriaux, de rapports et de propositions aux Nations Unies. Surveillance des tribunaux militaires a
effectué des tournées de conférences aux États-Unis, au Royaume-Uni, en
Allemagne, aux Pays-Bas et en Norvège, et continue d’explorer auprès de
nombreuses juridictions les divers recours
juridiques possibles.
Le résultat
de cette publication de faits a été double : le problème des enfants mis
en détention par l’armée israélienne a occupé une place importante dans
l’agenda politique, et des progrès ont été réalisés pour chacune des six recommandations
émises par Surveillance des tribunaux
militaires.
Vous trouverez
Surveillance des tribunaux militaires
sur son site web http://www.militarycourtwatch.org/ ou sur Twitter à https://twitter.com/MCourtWatch.
La situation
Au cours des 50 dernières années,
les autorités israéliennes ont mis en place en Cisjordanie des tribunaux
militaires qui ont été utilisés pour poursuivre des milliers et des milliers de
civils palestiniens, y compris des mineurs de 12-17 ans, pour des délits allant
d’actes de violence à des manifestations pacifiques et des infractions
routières. S’il est vrai que le droit humanitaire international autorise la mise
en place de tribunaux militaires en cas d’occupation militaire, en vue de juger
des civils dans des circonstances déterminées, il importe de ne pas oublier qu’une
occupation militaire doit, par sa nature même, être temporaire.
Il apparaît de toute évidence que,
du fait que l’occupation du territoire palestinien par Israël dure depuis plus
de cinq décennies maintenant, les principes fondamentaux du droit international
sont malmenés et les droits des individus ignorés, avec des conséquences désastreuses
pour les sociétés dans la région même et bien au-delà. Cela est mis en évidence
entre autres par un rapport de 2013 de l’UNICEF qui conclut en ces
termes : « Les mauvais traitements infligés aux enfants qui subissent
le système de détention militaire se révèlent être généralisés, systématiques
et institutionnalisés. »
Des preuves supplémentaires recueillies
en 2016 par Surveillance des tribunaux
militaires montrent que la majorité des enfants en question résidaient ou
avaient été arrêtés à une distance moyenne de 1,02 kilomètres d’une colonie,
d’un checkpoint ou de l’une des grandes routes utilisées par les colons (les routes
n° 60 et n°443).
Si une approche uniquement fondée
sur des règlements ne permettra pas d’aboutir à la paix, Surveillance des tribunaux militaires pense que toute résolution qui
ignore le cadre juridique international et national existant n’a guère de
chances de mener à une paix juste et durable et peut produire des dommages
irréparables à tout le cadre et à l’ensemble des institutions juridiques mis en
place au lendemain de la Deuxième guerre mondiale, avec des incidences qui se
manifesteront bien au-delà de la proche région.
Sur la base de ces principes, Surveillance des tribunaux militaires enquête,
plaide, revendique et éduque dans toute la région et bien au-delà.
Dans la mesure où il existe une
situation d’occupation, Surveillance des
tribunaux militaires recommande, comme mesure provisoire, la mise en œuvre
immédiate des six recommandations suivantes en vue de protéger les enfants qui sont
mis en contact avec le système de détention militaire. L’objectif doit être d’éviter
à la fois un renforcement de l’occupation militaire et la mise en place d’une
occupation « conforme aux meilleures pratiques possibles ».
1. Les enfants ne devraient être
arrêtés que pendant les heures de jour, sauf circonstances rares et exceptionnelles.
Dans tous les autres cas, il faudrait recourir à des sommations.
2. Tous les enfants ainsi que leurs
tuteurs légaux devraient recevoir lors de l’arrestation un document écrit en
arabe les informant de tous leurs droits lors de leur détention.
3. Tous les enfants doivent pouvoir consulter
un avocat de leur choix avant d’être interrogés.
4. Tous les enfants doivent être
accompagnés par un membre de leur famille pendant toute la durée de leur
interrogatoire.
5. Tout interrogatoire doit faire l’objet
d’un enregistrement audiovisuel, et une copie de cet enregistrement doit être
fournie à la défense avant la première audience.
6. La violation de n’importe laquelle
de ces recommandations devrait entraîner l’arrêt des poursuites et la
libération immédiate de l’enfant.
Ces recommandations ont été
soigneusement retenues après mûre réflexion. D’une part elles incarnent les
droits juridiques existants selon le droit israélien tant civil que militaire,
ainsi que les règles communément admises au plan international pour la justice
des mineurs. D’autre part, si ces recommandations étaient appliquées pour
l’essentiel, le système judiciaire militaire ne devrait pas pouvoir maintenir
son taux actuel de condamnation de 95% des mineurs, ce qui allégerait l’effet
de contrôle que le système exerce sur la population civile.
L’histoire d’un garçon de 14 ans, par Beit
Ummar
Le 1er février 2017, un garçon de 14 ans de Beit Ummar en
Cisjordanie a été arrêté par des soldats israéliens à 3 heures du matin. Il a
été interrogé pendant 2 heures avant d’être informé de son droit à garder le
silence :
« Mon frère m’a réveillé vers 3
heures du matin pour me dire que des soldats israéliens étaient dans la maison
et qu’ils voulaient que nous allions tous dans la salle de séjour. Je pouvais
entendre la voix des soldats dans la maison. Ils ont contrôlé la carte
d’identité de mon père et lui ont dit qu’ils voulaient m’arrêter. Ils m’ont dit
de me préparer à être arrêté. Ils ne m’ont pas dit pourquoi ils voulaient m’arrêter ni où ils allaient m’emmener, et ils ne m’ont remis aucun document
écrit.
Ils m’ont fait sortir de la maison
et m’ont lié les mains par devant, avec trois cordes en plastique : une à
chaque poignet et une troisième pour joindre les deux. Puis ils m’ont fait marcher
pendant 10 minutes environ vers la route 60 et m’ont fait monter dans un bus de
l’armée avec d’autres détenus. Je me suis assis sur un siège.
Le bus s’est dirigé vers la colonie
voisine de Karmi Zour puis vers Etzion. À Etzion on m’a emmené dans une chambre
où je me suis assis sur un lit, mais je n’ai pas pu dormir parce que les
soldats faisaient beaucoup de bruit. Puis on m’a emmené chez un docteur qui m’a
examiné, alors que j’étais toujours ligoté. Je suis resté dans la chambre
jusqu’aux environs de 9 heures du matin, où j’ai été cherché pour être
interrogé.
J’ai été interrogé toujours ligoté.
L’interrogateur m’accusait d’avoir lancé des cocktails Molotov et des bombes
artisanales sur les soldats. Il m’a interrogé pendant environ quatre heures.
Vers le milieu de l’interrogatoire,
il m’a présenté un document selon lequel j’avais le droit de garder le silence,
mais il ne m’a rien dit sur le droit de consulter un avocat. Quand j’ai nié les
accusations, il m’a giflé en plein visage et m’a douloureusement tordu
l’oreille.
Au cours de l’interrogatoire, trois
autres interrogateurs nous ont rejoints mais ils n’ont pas dit grand-chose.
L’interrogateur n’a cessé de répéter les mêmes accusations, mais je les ai
toutes niées. Il m’a dit que deux autres garçons avaient témoigné contre moi
mais je lui ai dit que cela ne pouvait pas être vrai. J’avais peur tout au long
de l’interrogatoire, surtout quand l’interrogateur me giflait. J’ai fini par
avouer avoir lancé une seule fois des pierres contre les soldats.
On m’a alors emmené chez un policier
qui a imprimé ma déclaration après m’avoir posé les mêmes questions et m’avoir
dit que j’avais le droit de garder le silence et aussi le droit de consulter un
avocat. La déclaration était rédigée en hébreu et l’interrogateur m’a demandé
de la signer, ce que j’ai fait sans savoir ce qu’elle contenait. Puis ils ont
pris mes empreintes digitales, m’ont pris en photo et fouillé au corps, et mis dans
une cellule. C’est là qu’ils ont défait mes liens, et je suis resté dans la
cellule jusque vers 8 heures du soir.
Vers 8 heures le lendemain matin,
des soldats m’ont enchaîné et menotté, puis installé à l’arrière d’une voiture
de police ou je me suis assis sur un siège. La voiture a roulé pendant 90
minutes environ jusqu’à la prison d’Ofer. À Ofer j’ai de nouveau été fouillé au
corps, puis emmené à la section 13.
Le lendemain j’ai été présenté au
tribunal militaire d’Ofer. Mes parents n’avaient pas été prévenus et n’étaient
donc pas présents, mais mon avocat était là. J’ai encore eu quatre audiences
auxquelles mes parents ont assisté, et j’ai été autorisé à leur parler.
À la dernière audience j’ai été
condamné à deux mois de prison, mais mon avocat a pu obtenir ma libération
contre une amende de 2 000 Shekels (environ 550 €). J’ai aussi été condamné
à trois mois de prison avec sursis, valable deux ans. J’ai été libéré d’Ofer le
9 février 2017 et je suis arrivé à la maison avec mes parents vers 6 heures de
l’après-midi.”
Initialement publié par Surveillance des tribunaux militaires
sous http://www.militarycourtwatch.org/page.php?id=evFBLl4VN6a970971AX0bsnOt6Wp.
Action
Organisez
une rencontre chez vous ou à l’école ou à l’église ou à la synagogue… avec une
projection du documentaire Stone Cold
Justice (Une justice froide comme une pierre) que l’on peut trouver sur
Diffusez une photo de votre
rencontre ou de votre projection sur les médias sociaux avec un lien vers cette
page du site web de Kumi Now et les hashtags #KumiNow et #Kumi9.
Deux textes :
·
« Voyage en enfer : Journal d’un Palestinien dans
une prison israélienne », de Salah Ta’mari
« Dès que la porte de la
cellule se fut refermée, je me suis senti abandonné. Le reste du monde se
trouvait de l’autre côté, un front commun était dressé contre moi. Puis le
vieux géant en moi s’est dressé pour protester : « Tu n’es pas
seul ! Tant d’autres sont avec toi, luttent pour toi. Ne te laisse pas
aller à des sentiments d’abandon ! Ne cède pas au moment présent ! En
ce moment même tu construis ta propre histoire, alors réalise-la du mieux que
tu peux… »
Avant même que cette voix brave en
moi ne puisse reprendre son souffle pour continuer, je répondis : « Oh,
mais j’ai mal ! Souffrance ! Agonie ! Je ne sais ce que je suis.
Je veux voir des choses. Je suis malade des murs, je veux dormir. Tu dis que
c’est un doux nid mais moi j’appelle ça une horreur crasseuse ! »
De Salah Ta’mari, l’un des membres
fondateurs du Fatah en 1965, qui avait
été arrêté à Saïda au Sud Liban et maintenu plusieurs mois en isolement.
·
« Aux enfants », de ‘Abdallah Radwan
Ce pays qui souffre sous les vagues
de mort –
Qui peut le créer
à nouveau ?
Qui peut
nous ramener l’amour du soleil,
L’amour de
notre pays ?
Qui peut
enterrer cette peur noire comme la nuit ?
Qui…
à part les
petits enfants de mon pays ?
De ‘Abdallah Radwan.
Les deux textes ont été publiés dans
‘Anthology of Palestinian Literature’ éditée par Salma Khadra Jayyusi.
Ressources (en
anglais)
Rapports:
United Nations Children’s Fund (UNICEF), “Children in
Israeli Military Detention: Observations and Recommendations” (2013): https://www.unicef.org/oPt/UNICEF_oPt_Children_in_Israeli_Military_Detention_Observations_and_Recommendations_-_6_March_2013.pdf
“Children in Military Custody” (2012): http://www.childreninmilitarycustody.org.uk/
Articles:
Haaretz : “Most Palestinian Minors Arrested by Israel
Claim Physical Violence During Detention”, Amira Hass (2017): http://www.militarycourtwatch.org/page.php?id=dxZ7WcyeW3a925323AtCNmfaL4CJ
Jerusalem Quarterly : “Letter from Ofer”, Gerard
Horton, 2016: http://www.militarycourtwatch.org/files/server/JERUSALEM%20QUARTERLY%20-%20LETTER%20FROM%20OFER.pdf
Vidéos (courtes):
“Palestinian Children in Israeli Military Detention” de
Defense for Children Palestine: https://youtu.be/2ezXl53-hVQ
“Palestinian Children in Israeli Military Detention
2”: https://youtu.be/g8RhyAqTS5I
“Detaining Dreams” de Defense for Children Palestine: https://youtu.be/7rw69pLILqw
“16-year-old Palestinian Girl Arrested by Israeli
Forces” (the arrest of Ahed Tamimi) de Al Jazeera English: https://youtu.be/flG5YR6fAys
Un documentaire:
“Stone Cold Justice” de Australian Broadcasting
Corporation / 4 Corners (2014):
http://www.militarycourtwatch.org/video.php?file=L1N7EQz6UZa21873AagKps9MB8i
http://www.militarycourtwatch.org/video.php?file=L1N7EQz6UZa21873AagKps9MB8i
Une autre organisation:
Traduit
par les Amis de Sabeel France
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