Kumi Now - Semaine 9 - Les enfants devant les tribunaux militaires - Military Court Watch / Surveillance des tribunaux militaires


Kumi Now Semaine 9 : du 16 au 22 décembre 2019
Les enfants devant les tribunaux militaires israéliens
Miltary Court Watch / Surveillance des tribunaux militaires
Beaucoup des injustices commises envers les Palestiniens se retrouvent dans l’ensemble ‘arrestations nocturnes’ et ‘incarcérations dans des prisons militaires’, visant avant tout, l’une comme l’autre, à traumatiser des enfants. L’organisation Military Court Watch (MCW) / Surveillance des tribunaux militaires se donne pour objectif de faire connaître ces actes et de s’y opposer. Voici ce qu’il vous faut savoir sur le vécu des enfants palestiniens dans le système militaire israélien, et ce que vous pouvez faire pour que nous puissions nous lever (Kumi !) ensemble.
Organisation
Military Court Watch, en français Surveillance des tribunaux militaires, est une organisation officielle à but non lucratif qui suit le traitement des enfants soumis au système militaire israélien. L’organisation s’occupe de treize sujets d’inquiétudes et suit plus particulièrement les vingt-quatre premières heures d’une arrestation, parce que c’est elles qui font l’objet du plus grand nombre de signalements pour mauvais traitements et violations des droits. L’organisation a pour principes que tous les enfants en détention dans le système carcéral doivent pouvoir bénéficier de toutes les mesures de protection garanties par le droit international, et qu’aucun État ne peut se permettre d’exercer une quelconque discrimination basée sur la race ou sur l’identité nationale envers ceux à qui il applique sa propre juridiction pénale.
Depuis sa fondation, Surveillance des tribunaux militaires s’est forgée la réputation d’une organisation professionnelle indépendante et apolitique en mesure de proposer des outils fiables aux hommes politiques, aux diplomates, aux avocats, aux journalistes et à d’autres encore. C’est une approche qui vise à exercer une influence à la fois modérée et objective sur les débats en cours et les décisions à prendre. Par une telle approche, Surveillance des tribunaux militaires, plutôt que de s’engager aux côtés de ceux qui partagent déjà plus ou moins ces idées, cherche à engager un dialogue avec des publics plus conservateurs, en espérant les faire changer d’avis.
Au cours des années, Surveillance des tribunaux militaires ou les membres de son comité directeur ont joué un rôle-clef par la publication de rapports qui ont eu un gros impact ainsi que par la diffusion de documentaires qui ont été primés, comme l’émission australienne ABC Four Corners, ou le film australien Stone Cold Justice [Une justice froide comme des pierres] sur les tortures subies par les enfants palestiniens. Ils ont ainsi apporté leur soutien à une telle démarche. Tout récemment encore, Surveillance des tribunaux militaires a apporté son aide à l’association israélienne Breaking the Silence (Rompre le silence) pour son projet de publication à l’occasion des cinquante années d’occupation, en informant des auteurs de renommée internationale et en les faisant assister à des délibérations des tribunaux militaires israéliens. Le livre qui en est résulté, Kingdom of Olives and Ash (Royaume d’olives et de cendres), publié en 2017, comporte deux chapitres sur les enfants en détention militaire (par Ayelet Waldman et Arnon Grunberg). Un troisième auteur, le Prix Nobel Mario Vargas Llosa, a écrit un éditorial dans El Pais à la suite de sa visite aux tribunaux militaires.
Depuis sa création, Surveillance des tribunaux militaires a recueilli près de 500 témoignages et réalisé des centaines d’exposés et de visites aux tribunaux militaires, s’est adressé à des milliers de personnes, a donné des douzaines d’interviews aux médias et écrit des douzaines d’éditoriaux, de rapports et de propositions aux Nations Unies. Surveillance des tribunaux militaires a effectué des tournées de conférences aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Norvège, et continue d’explorer auprès de nombreuses  juridictions les divers recours juridiques possibles.
Le résultat de cette publication de faits a été double : le problème des enfants mis en détention par l’armée israélienne a occupé une place importante dans l’agenda politique, et des progrès ont été réalisés pour chacune des six recommandations émises par Surveillance des tribunaux militaires.
Vous trouverez Surveillance des tribunaux militaires sur son site web  http://www.militarycourtwatch.org/ ou sur Twitter à https://twitter.com/MCourtWatch.

La situation
Au cours des 50 dernières années, les autorités israéliennes ont mis en place en Cisjordanie des tribunaux militaires qui ont été utilisés pour poursuivre des milliers et des milliers de civils palestiniens, y compris des mineurs de 12-17 ans, pour des délits allant d’actes de violence à des manifestations pacifiques et des infractions routières. S’il est vrai que le droit humanitaire international autorise la mise en place de tribunaux militaires en cas d’occupation militaire, en vue de juger des civils dans des circonstances déterminées, il importe de ne pas oublier qu’une occupation militaire doit, par sa nature même, être temporaire.
Il apparaît de toute évidence que, du fait que l’occupation du territoire palestinien par Israël dure depuis plus de cinq décennies maintenant, les principes fondamentaux du droit international sont malmenés et les droits des individus ignorés, avec des conséquences désastreuses pour les sociétés dans la région même et bien au-delà. Cela est mis en évidence entre autres par un rapport de 2013 de l’UNICEF qui conclut en ces termes : « Les mauvais traitements infligés aux enfants qui subissent le système de détention militaire se révèlent être généralisés, systématiques et institutionnalisés. »
Des preuves supplémentaires recueillies en 2016 par Surveillance des tribunaux militaires montrent que la majorité des enfants en question résidaient ou avaient été arrêtés à une distance moyenne de 1,02 kilomètres d’une colonie, d’un checkpoint ou de l’une des grandes routes utilisées par les colons (les routes n° 60 et n°443).
Si une approche uniquement fondée sur des règlements ne permettra pas d’aboutir à la paix, Surveillance des tribunaux militaires pense que toute résolution qui ignore le cadre juridique international et national existant n’a guère de chances de mener à une paix juste et durable et peut produire des dommages irréparables à tout le cadre et à l’ensemble des institutions juridiques mis en place au lendemain de la Deuxième guerre mondiale, avec des incidences qui se manifesteront bien au-delà de la proche région.
Sur la base de ces principes, Surveillance des tribunaux militaires enquête, plaide, revendique et éduque dans toute la région et bien au-delà.
Dans la mesure où il existe une situation d’occupation, Surveillance des tribunaux militaires recommande, comme mesure provisoire, la mise en œuvre immédiate des six recommandations suivantes en vue de protéger les enfants qui sont mis en contact avec le système de détention militaire. L’objectif doit être d’éviter à la fois un renforcement de l’occupation militaire et la mise en place d’une occupation « conforme aux meilleures pratiques possibles ».
1.      Les enfants ne devraient être arrêtés que pendant les heures de jour, sauf circonstances rares et exceptionnelles. Dans tous les autres cas, il faudrait recourir à des sommations.
2.      Tous les enfants ainsi que leurs tuteurs légaux devraient recevoir lors de l’arrestation un document écrit en arabe les informant de tous leurs droits lors de leur détention.
3.      Tous les enfants doivent pouvoir consulter un avocat de leur choix avant d’être interrogés.
4.      Tous les enfants doivent être accompagnés par un membre de leur famille pendant toute la durée de leur interrogatoire.
5.      Tout interrogatoire doit faire l’objet d’un enregistrement audiovisuel, et une copie de cet enregistrement doit être fournie à la défense avant la première audience.
6.      La violation de n’importe laquelle de ces recommandations devrait entraîner l’arrêt des poursuites et la libération immédiate de l’enfant.
Ces recommandations ont été soigneusement retenues après mûre réflexion. D’une part elles incarnent les droits juridiques existants selon le droit israélien tant civil que militaire, ainsi que les règles communément admises au plan international pour la justice des mineurs. D’autre part, si ces recommandations étaient appliquées pour l’essentiel, le système judiciaire militaire ne devrait pas pouvoir maintenir son taux actuel de condamnation de 95% des mineurs, ce qui allégerait l’effet de contrôle que le système exerce sur la population civile.
L’histoire d’un garçon de 14 ans, par Beit Ummar
Le 1er février 2017, un garçon de 14 ans de Beit Ummar en Cisjordanie a été arrêté par des soldats israéliens à 3 heures du matin. Il a été interrogé pendant 2 heures avant d’être informé de son droit à garder le silence :
« Mon frère m’a réveillé vers 3 heures du matin pour me dire que des soldats israéliens étaient dans la maison et qu’ils voulaient que nous allions tous dans la salle de séjour. Je pouvais entendre la voix des soldats dans la maison. Ils ont contrôlé la carte d’identité de mon père et lui ont dit qu’ils voulaient m’arrêter. Ils m’ont dit de me préparer à être arrêté. Ils ne m’ont pas dit pourquoi ils voulaient m’arrêter ni ils allaient m’emmener, et ils ne m’ont remis aucun document écrit.
Ils m’ont fait sortir de la maison et m’ont lié les mains par devant, avec trois cordes en plastique : une à chaque poignet et une troisième pour joindre les deux. Puis ils m’ont fait marcher pendant 10 minutes environ vers la route 60 et m’ont fait monter dans un bus de l’armée avec d’autres détenus. Je me suis assis sur un siège.
Le bus s’est dirigé vers la colonie voisine de Karmi Zour puis vers Etzion. À Etzion on m’a emmené dans une chambre où je me suis assis sur un lit, mais je n’ai pas pu dormir parce que les soldats faisaient beaucoup de bruit. Puis on m’a emmené chez un docteur qui m’a examiné, alors que j’étais toujours ligoté. Je suis resté dans la chambre jusqu’aux environs de 9 heures du matin, où j’ai été cherché pour être interrogé.
J’ai été interrogé toujours ligoté. L’interrogateur m’accusait d’avoir lancé des cocktails Molotov et des bombes artisanales sur les soldats. Il m’a interrogé pendant environ quatre heures.
Vers le milieu de l’interrogatoire, il m’a présenté un document selon lequel j’avais le droit de garder le silence, mais il ne m’a rien dit sur le droit de consulter un avocat. Quand j’ai nié les accusations, il m’a giflé en plein visage et m’a douloureusement tordu l’oreille.
Au cours de l’interrogatoire, trois autres interrogateurs nous ont rejoints mais ils n’ont pas dit grand-chose. L’interrogateur n’a cessé de répéter les mêmes accusations, mais je les ai toutes niées. Il m’a dit que deux autres garçons avaient témoigné contre moi mais je lui ai dit que cela ne pouvait pas être vrai. J’avais peur tout au long de l’interrogatoire, surtout quand l’interrogateur me giflait. J’ai fini par avouer avoir lancé une seule fois des pierres contre les soldats.
On m’a alors emmené chez un policier qui a imprimé ma déclaration après m’avoir posé les mêmes questions et m’avoir dit que j’avais le droit de garder le silence et aussi le droit de consulter un avocat. La déclaration était rédigée en hébreu et l’interrogateur m’a demandé de la signer, ce que j’ai fait sans savoir ce qu’elle contenait. Puis ils ont pris mes empreintes digitales, m’ont pris en photo et fouillé au corps, et mis dans une cellule. C’est là qu’ils ont défait mes liens, et je suis resté dans la cellule jusque vers 8 heures du soir.
Vers 8 heures le lendemain matin, des soldats m’ont enchaîné et menotté, puis installé à l’arrière d’une voiture de police ou je me suis assis sur un siège. La voiture a roulé pendant 90 minutes environ jusqu’à la prison d’Ofer. À Ofer j’ai de nouveau été fouillé au corps, puis emmené à la section 13.
Le lendemain j’ai été présenté au tribunal militaire d’Ofer. Mes parents n’avaient pas été prévenus et n’étaient donc pas présents, mais mon avocat était là. J’ai encore eu quatre audiences auxquelles mes parents ont assisté, et j’ai été autorisé à leur parler.
À la dernière audience j’ai été condamné à deux mois de prison, mais mon avocat a pu obtenir ma libération contre une amende de 2 000 Shekels (environ 550 €). J’ai aussi été condamné à trois mois de prison avec sursis, valable deux ans. J’ai été libéré d’Ofer le 9 février 2017 et je suis arrivé à la maison avec mes parents vers 6 heures de l’après-midi.”
Initialement publié par Surveillance des tribunaux militaires sous http://www.militarycourtwatch.org/page.php?id=evFBLl4VN6a970971AX0bsnOt6Wp.
Action
Organisez une rencontre chez vous ou à l’école ou à l’église ou à la synagogue… avec une projection du documentaire Stone Cold Justice (Une justice froide comme une pierre) que l’on peut trouver sur
Diffusez une photo de votre rencontre ou de votre projection sur les médias sociaux avec un lien vers cette page du site web de Kumi Now et les hashtags #KumiNow et #Kumi9.
Deux textes :
·       « Voyage en enfer : Journal d’un Palestinien dans une prison israélienne », de Salah Ta’mari
« Dès que la porte de la cellule se fut refermée, je me suis senti abandonné. Le reste du monde se trouvait de l’autre côté, un front commun était dressé contre moi. Puis le vieux géant en moi s’est dressé pour protester : « Tu n’es pas seul ! Tant d’autres sont avec toi, luttent pour toi. Ne te laisse pas aller à des sentiments d’abandon ! Ne cède pas au moment présent ! En ce moment même tu construis ta propre histoire, alors réalise-la du mieux que tu peux… »
Avant même que cette voix brave en moi ne puisse reprendre son souffle pour continuer, je répondis : « Oh, mais j’ai mal ! Souffrance ! Agonie ! Je ne sais ce que je suis. Je veux voir des choses. Je suis malade des murs, je veux dormir. Tu dis que c’est un doux nid mais moi j’appelle ça une horreur crasseuse ! »
De Salah Ta’mari, l’un des membres fondateurs du  Fatah en 1965, qui avait été arrêté à Saïda au Sud Liban et maintenu plusieurs mois en isolement.
·         « Aux enfants », de ‘Abdallah Radwan 
Ce pays qui souffre sous les vagues de mort –
Qui peut le créer à nouveau ?
Qui peut nous ramener l’amour du soleil,
L’amour de notre pays ?
Qui peut enterrer cette peur noire comme la nuit ?
Qui…
à part les petits enfants de mon pays ?
De ‘Abdallah Radwan.
Les deux textes ont été publiés dans ‘Anthology of Palestinian Literature’ éditée par Salma Khadra Jayyusi.
Ressources (en anglais)
Rapports:
United Nations Children’s Fund (UNICEF), “Children in Israeli Military Detention: Observations and Recommendations” (2013): https://www.unicef.org/oPt/UNICEF_oPt_Children_in_Israeli_Military_Detention_Observations_and_Recommendations_-_6_March_2013.pdf
“Children in Military Custody” (2012): http://www.childreninmilitarycustody.org.uk/
Articles:
Haaretz : “Most Palestinian Minors Arrested by Israel Claim Physical Violence During Detention”, Amira Hass (2017): http://www.militarycourtwatch.org/page.php?id=dxZ7WcyeW3a925323AtCNmfaL4CJ
Jerusalem Quarterly : “Letter from Ofer”, Gerard Horton, 2016: http://www.militarycourtwatch.org/files/server/JERUSALEM%20QUARTERLY%20-%20LETTER%20FROM%20OFER.pdf
Vidéos (courtes):
“Palestinian Children in Israeli Military Detention” de Defense for Children Palestine: https://youtu.be/2ezXl53-hVQ
“Palestinian Children in Israeli Military Detention 2”: https://youtu.be/g8RhyAqTS5I
“Detaining Dreams” de Defense for Children Palestine: https://youtu.be/7rw69pLILqw
“16-year-old Palestinian Girl Arrested by Israeli Forces” (the arrest of Ahed Tamimi) de Al Jazeera English: https://youtu.be/flG5YR6fAys
Un documentaire:
“Stone Cold Justice” de Australian Broadcasting Corporation / 4 Corners (2014):
http://www.militarycourtwatch.org/video.php?file=L1N7EQz6UZa21873AagKps9MB8i
Une autre organisation:
Defense for Children International Palestine: http://www.dci-palestine.org



Traduit par les Amis de Sabeel France

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