Al Mezan – Violation des droits médicaux des malades de Gaza
Pour les malades de la Bande de Gaza, le
blocus imposé par Israël est comme une corde autour du cou : ils n’ont pas
le droit de sortir du territoire pour suivre ailleurs un traitement vital pour
eux mais non disponible sur place. Rien qu’en 2017, 54 patients sont décédés
alors qu’ils attendaient la permission de sortir de la Bande de Gaza pour se faire
soigner ailleurs. Le Centre des Droits
Humains Al Mezan se préoccupe de cette question. Voici ce qu’il vous faut
savoir sur le blocus médical de Gaza et ce que vous pouvez entreprendre pour
que nous puissions nous lever (Kumi !)
ensemble.
Organisation
Le Centre des Droits Humains
Al Mezan est une organisation de droits humains indépendante, non-partisane
et non-gouvernementale basée dans la Bande de Gaza. Depuis sa création en 1999,
Al Mezan se consacre à la défense et
à la promotion des droits humains, en particulier des droits économiques,
sociaux et culturels, et apporte son soutien aux victimes des violations du
droit international concernant les droits humains, et du droit humanitaire
international. Al Mezan veut
améliorer la démocratie, la vie en société, la participation citoyenne et le
respect du droit à Gaza comme l’un des secteurs du territoire palestinien
occupé.
Al Mezan estime qu’Israël devrait lever
les importantes et illégales restrictions à la liberté de déplacement des gens
de Gaza, surtout pour les personnes qui ont de sérieux problèmes de santé.
Vous trouverez le Centre de Droits
Humains Al Mezan sur son site web http://www.mezan.org/en/,
et aussi sur Facebook à https://www.facebook.com/MezanCenter, sur Twitter à https://twitter.com/AlMezanCenter et sur YouTube à https://www.youtube.com/user/mezancenter.
La situation
La proportion particulièrement
faible de permis accordés par Israël à des Palestiniens en quête d’un
traitement médical vital pour eux mais possible seulement en dehors de la Bande
de Gaza met en lumière le besoin urgent de la levée par Israël du blocus qu’il
impose à ce territoire depuis plus de dix ans. Les délais particulièrement
longs infligés en 2017 par l’Autorité Palestinienne pour accorder les permis
nécessaires, et le maintien par l’Égypte de la fermeture du poste frontière de
Rafah ont encore davantage limité les possibilités de déplacements et accru d’autant
les souffrances.
En 2017, les autorités
israéliennes n’ont accordé de permis pour des rendez-vous médicaux qu’à 54% de
ceux qui en avaient fait la demande, soit le taux le plus bas depuis 2008 au
moins. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a signalé qu’en 2017 cinquante-quatre
Palestiniens, dont 46 souffrant d’un cancer, sont morts suite à un refus de
permis ou au délai trop long pour l’accorder. Selon Aimee Shalan, directrice
générale de MAP / Medical Aid for Palestinians
(ONG Aide médicale pour les Palestiniens) « On constate qu’Israël
refuse ou diffère de plus en plus les autorisations de sortie de Gaza pour des
traitements de cancers ou d’autres maladies susceptibles de sauver des vies,
avec pour effet un nombre choquant de Palestiniens qui en meurent, alors que le
système de santé de Gaza, qui a été victime de l’occupation durant 50 ans et qui
est soumis à un blocus depuis plus de dix ans, est de moins en moins en mesure
de satisfaire les besoins de la population ».
Le passage par Erez, principal point
de passage entre Israël et Gaza, est réservé à ce que l’armée israélienne
appelle les « cas humanitaires
exceptionnels » …et aux hommes d’affaires importants. La diminution
constante de l’attribution par Israël de permis médicaux, de 92% de permis
accordés en 2012 à 54% accordés en 2017, montre qu’Israël a de plus en plus réduit
les possibilités de déplacements même pour les « cas humanitaires exceptionnels ». En 2017, le nombre de
passages par Erez ne se montait qu’à 1% du nombre enregistré en septembre 2000,
et les Palestiniens de Gaza ont manqué au moins 11 000 rendez-vous
médicaux cette année-là.
Cette baisse importante est à
opposer à l’accroissement constant des besoins
en matière de santé à Gaza. Les 2 millions de Palestiniens qui y vivent
souffrent de ce que les Nations Unies qualifient de « crise humanitaire prolongée ». Dans une situation générale
de chômage et de grande pauvreté, au moins 10% des jeunes enfants souffrent de
malnutrition chronique. Jusqu’à 50% des médicaments et des matériels médicaux
sont soit totalement indisponibles, soit disponibles dans une quantité
inférieure aux besoins pour un mois. Par ailleurs, les coupures chroniques
d’électricité ont conduit l’administration à interrompre certains services
médicaux et d’autres services essentiels. « Il est scandaleux qu’Israël
ait empêché tant de gens en situation de santé précaire d’avoir accès à des
soins qui auraient pu leur sauver la vie, disait Sarah Leah Whitson, directrice
de Human Rights Watch pour le Moyen
Orient. Le contrôle permanent par Israël des entrées et des sorties de Gaza lui
fait un devoir de faciliter et non pas d’empêcher l’accès à une aide
humanitaire. »
Les Palestiniens de Gaza doivent disposer
d’un permis référencé pour pouvoir se rendre à des services de soins
spécialisés à Jérusalem-Est ou en d’autres lieux de Cisjordanie ou d’Israël.
Les autorités israéliennes déclarent qu’elles sont en mesure d’émettre des
permis prioritaires en l’espace de 24 heures, alors que les délais d’attentes
sont couramment de deux semaines et de 23 jours pour les cas « normaux ».
Mais souvent ce délai n’est pas respecté.
L’Organisation Mondiale de la
Santé (OMS) a jugé que ce processus n’était « ni transparent ni adapté »,
et le coordinateur des Nations Unies pour l’aide humanitaire et les activités
de développement dans les Territoires palestiniens occupés a déclaré qu’il y avait
« un champ miné d’interviews, de paperasse, de procédures opaques et
d’obstacles logistiques entre un malade du cancer et son traitement en urgence. »
Quant à Issam
Younis, le directeur d’Al Mezan, il
trouve que « les
limitations de déplacement imposées par le gouvernement israélien ont un lien
direct avec les décès et les souffrances accrues des malades qui ont besoin de ces
permis. Ces pratiques font partie du blocus et du système des permis, et volent
aux malades leur dignité. Elles violent leur droit à la vie. Ce
système d’enfermement doit être aboli afin que les malades puissent accéder aux
soins librement et sûrement dans les hôpitaux palestiniens des territoires
occupés et dans toute autre institution médicale. Le droit à la justice et à la
guérison des malades et les droits de leur famille doivent être respectés. »
Extrait de ‟Joint
Press Release : Israel : Record-Low in Gaza Medical Permits”
(Communiqué de presse commun : Israël : Délais particulièrement longs
pour l’obtention de permis médicaux à Gaza), sur http://mezan.org/en/post/22378
L’histoire de Yara Bkhit, 4 ans, de Khan Younès
Yara Bkhit avait 4
ans lorsqu’on lui a diagnostiqué une insuffisance cardiaque chronique. Elle est
morte six mois plus tard, en juillet 2017. Ses parents avaient fait une demande
d’entrée en Israël pour la faire soigner à l’hôpital al-Makassed à Jérusalem-Est.
Le permis lui a été accordé et l’on a soigné Yara par un cathétérisme
cardiaque. Mais un nouveau permis que ses parents avaient demandé pour la
poursuite du traitement ne lui a pas été accordé. Ils ont rempli de nouvelles
demandes, mais leur fille est morte alors qu’ils attendaient une réponse favorable
à leur quatrième demande. Le 17 juillet 2017, la mère de Yara, Aishah Hasunah, qui
avait alors 28 ans, a raconté à Olfat al-Kurd, l’enquêteur de terrain de l’ONG
israélienne B’Tselem, tout ce que la famille avait dû vivre après le diagnostic
de Yara :
« En janvier dernier, Yara s’est
mise à vomir fréquemment. Elle a vomi pendant environ une semaine et s’en est
retrouvée déshydratée. Je l’ai emmenée chez le docteur et elle a subi toute une
série de tests. Les docteurs ne pouvaient pas nous dire de façon certaine ce
qui n’allait pas chez elle et nous ont envoyés à l’Hôpital Européen de Khan
Younès. Là les docteurs ont découvert que le muscle cardiaque était faible…
Ils ont alors décidé qu’en raison
de la gravité de son cas, il fallait la transférer à l’hôpital Makassed de
Jérusalem. Ils disaient qu’eux-mêmes n’avaient pas les moyens de soigner sa
maladie. On lui a remis une recommandation pour l’hôpital de Jérusalem, mais
notre première demande de permis pour nous rendre en Israël a été refusée. Nous
avons pris un autre rendez-vous pour le 16 février 2017 et avons fait une
nouvelle demande de permis pour entrer en Israël. Cette fois-ci nous avions
indiqué ma grand-mère comme accompagnatrice. Le permis a été accordé… Cela m’a
déchiré le cœur quand j’ai dit au-revoir à ma fille. Je n’ai même pas pu
l’accompagner jusqu’au passage d’Erez parce que j’avais peur qu’elle se mette à
pleurer et qu’elle s’agrippe à moi, …et cela aurait été encore pire pour elle.
Tout le temps qu’elle a été à
l’hôpital à Jérusalem, Yara ne voulait parler ni à moi ni à son père au téléphone,
parce qu’elle était persuadée que nous l’avions abandonnée. J’avais le cœur
brisé : de douleur et de ne pas pouvoir entendre sa voix. Ma grand-mère me
dit aussi au téléphone que Yara avait mis du temps à accepter sa présence à
elle : elle ne la connaissait pas bien et n’avait pas l’habitude de sa
présence. Elle refusait de manger ou d’aller à la salle de bains avec elle, ce
qui aggravait encore son état tant physique qu’émotionnel…
Ma fille est restée quelques jours
à l’hôpital et y a été traitée par cathétérisme…
Deux semaines plus tard, on lui a
permis de rentrer mais elle n’allait pas mieux. Elle y est retournée quelques
semaines de suite jusqu’à juin dernier. En juin, les docteurs ont considéré que
son état était préoccupant et ont obtenu une nouvelle admission à l’hôpital
al-Makassed, avec de nouveau ma grand-mère comme accompagnatrice. L’hôpital lui
a donné un rendez-vous pour le 21 juin 2017. Une semaine avant le rendez-vous,
nous avons reçu un SMS nous disant que la demande de permis était encore en
cours d’examen. Puis plus aucune autre information. Son père et moi ne savions
que faire. Ma petite fille n’avait rien fait de mal, rien qui puisse justifier un
refus de traitement médical. Mon état mental à moi n’a cessé de s’aggraver.
L’état de Yara s’aggravait de jour
en jour. Une fois elle était à bout de souffle et commençait à suffoquer. Je me
suis précipitée avec elle à l’Hôpital Européen de Khan Younès où on a constaté
que ses reins avaient cessé de fonctionner. Elle est restée à l’hôpital, et
début juillet les docteurs ont fait pour elle une quatrième demande de
transfert à al-Makassed, parce que son état était très grave. Ils disaient
qu’il lui fallait un stimulateur cardiaque, mais que ce genre de pile n’était
pas disponible à Gaza …
Le mercredi 12 juillet 2017, la
veille de sa mort, Yara m’a demandé des bonbons à la gomme. Je me suis
précipitée à l’épicerie pour me les procurer et les lui ai apportés. J’étais si
heureuse de la voir manger et d’avoir réussi à lui donner quelque chose qu’elle
avait souhaité. Le lendemain matin, vers 6 heures 45, Yara a souhaité manger toute
seule mais elle n’y est pas arrivée. Alors elle m’a dit : « Maman,
donne-moi à manger ». Elle a levé la tête et je l’ai appuyée contre les
oreillers. Pendant que je lui donnais à manger, elle a tourné la tête vers la
gauche, elle avait encore de la nourriture dans la bouche, et elle a soudain
arrêté de respirer.
Des médecins et des infirmières
sont arrivés et l’ont emmenée dans une autre chambre. Ils l’ont branchée sur un
respirateur, mais elle s’est éteinte. Lorsque je l’ai appris, je me suis mise à
hurler et à pleurer, et me suis évanouie. Je ne peux pas décrire ce que j’ai
ressenti. J’ai dit adieu à une partie de mon cœur. Yara est partie, elle ne
reviendra plus jamais. »
Publié en premier
par B’Tselem dans « Sans traitement – Israël interdit à des patients
gravement malades de sortir de Gaza pour un traitement médical », en
anglais sur https://www.btselem.org/gaza_strip/20171203_denied_treatment
Action
Vous avez dans votre environnement
un médecin, un dentiste ou un service de soins que vous aimez ? Faites-le
savoir autour de vous, et attirez en même temps l’attention sur la situation à
Gaza. Mettez un article sur votre service médical ou votre praticien préféré sur
Google Maps ou sur un autre site d’information, joignez un message du
genre : « J’ai la chance d’avoir facilement accès aux services
médicaux que j’apprécie et dont j’ai besoin. Les habitants de Gaza n’ont pas
cette chance, car Israël refuse l’accès aux soins médicaux à des malades du
cancer : https://www.btselem.org/video/20170215_gaza_prog_helps_cancer_patients. »
Diffusez une photo de votre
message sur les médias sociaux. Joignez un lien vers cette page du site web de
Kumi Now avec les hashtags #OpenGaza, #KumiNow et #Kumi12.
Un texte : « Souffrance de Gaza, crimes d’Israël, nos responsabilités », de Noam Chomsky
Il est important de comprendre à
quoi ressemble la vie à Gaza quand Israël se comporte de façon « modérée »…
Cela est bien décrit dans un rapport de Mads Gilbert à l’Office de Secours et
de Travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le
Proche-Orient (UNRWA) … La situation est désastreuse à tous égards. Pour ce qui
est des enfants, Gilbert écrit : « Les enfants palestiniens de Gaza
souffrent énormément. Une grande proportion d’entre eux souffre d’un régime de
malnutrition créé par l’homme à cause du blocus imposé par Israël. Le taux d’anémie
pour les enfants de moins de deux ans se monte à 72,8% à Gaza, tandis que les taux
des états de faiblesse, des retards de croissance et des insuffisances de poids
sont respectivement de 34,3%, 31,4%, et 31,45%. » Et les choses
s’aggravent lorsque l’on avance dans le rapport.
Lorsqu’Israël fait preuve de
« bonne conduite », plus de deux enfants palestiniens sont tués
chaque semaine, une tendance qui remonte à plus de quatorze ans. La cause
fondamentale en est l’occupation criminelle et les programmes visant à réduire
à une simple survie la vie des Palestiniens de Gaza, alors que ceux de Cisjordanie
sont confinés dans des secteurs non viables et qu’Israël s’approprie tout ce
qu’il veut en violant gravement le droit international et des résolutions
explicites du Conseil de Sécurité. Il ne se trouve pas un minimum de décence en
tout cela. Et Israël va continuer ainsi aussi longtemps qu’il sera soutenu par
Washington et toléré par l’Europe, …pour notre plus grande honte.
Par
Noam Chomsky, linguiste théorique américain et militant politique, considéré
comme le ‘fondateur de la linguistique moderne’. Extrait de ‘On Palestine’ (Sur
la Palestine), par Noam Chomsky et Ilan Pappé.
Ressources (en anglais)
Un rapport : “Medical Care Under Siege: Israel’s Systematic Violation of Gaza’s
Patient Rights” de Al Mezan : http://mezan.org/en/uploads/files/15174966411875.pdf
Divers articles :
“Another
Patient Detained at Erez Crossing” de Al
Mezan : http://mezan.org/en/post/22063
“For
Some Gazans in Need of Medical Treatment, the Wait for an Exit Permit Ends in
Death” par Haaretz (un journal
israélien) : https://www.haaretz.com/middle-east-news/palestinians/.premium-for-some-sick-gazans-the-wait-for-an-exit-permit-ends-in-death-1.5627529
“Gaza
cancer patients protest the “security blocks” that deny them medical treatment”
de Gisha: http://gisha.org/updates/5711
“Untreated
– Israel denies critically-ill patients from exiting Gaza for medical
treatment” de B’Tselem, ONG
israélienne: https://www.btselem.org/gaza_strip/20171203_denied_treatment
“No recourse: Patients cannot get proper treatment in
Gaza or elsewhere” de B’Tselem : http://www.btselem.org/gaza_strip/20160112_gaza_patients
“At
the 37th Human Rights Council session in Geneva, Al Mezan submits “Impunity for torture, ill-treatment and related
practices in Israel”” sur http://mezan.org/en/post/22497
“Medical
Care Under Siege” sur http://mezan.org/en/post/22333
Des vidéos :
“Aid
for women cancer patients, some denied care outside Gaza, 2017” de B’Tselem: http://www.btselem.org/video/20170215_gaza_prog_helps_cancer_patients
“Gaza:
Cancer Patients Struggle to Get Treatment” de Al Jazeera English : https://youtu.be/hmBYGiaheTM
“Waiting
at Gaza’s Border” de The Electronic
Intifada : https://youtu.be/diFO8fhyoKU
“Israel
Forces Gaza Girl to Travel Alone to the Occupied West Bank for Medical Treatment”
de TRT World : https://youtu.be/52px9uLPww
“WHO
Releases Latest Health Access Report for the Occupied Palestinian Territory” de
WHO oPt (OMS – Territoires palestiniens
occupés) : https://youtu.be/HKaDTA1dcTo
Traduit de l’anglais par les Amis de Sabeel France
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