Kumi Now Année 2 Semaine 12 : du 6 au 12 janvier 2020



Al Mezan – Violation des droits médicaux des malades de Gaza
Pour les malades de la Bande de Gaza, le blocus imposé par Israël est comme une corde autour du cou : ils n’ont pas le droit de sortir du territoire pour suivre ailleurs un traitement vital pour eux mais non disponible sur place. Rien qu’en 2017, 54 patients sont décédés alors qu’ils attendaient la permission de sortir de la Bande de Gaza pour se faire soigner ailleurs. Le Centre des Droits Humains Al Mezan se préoccupe de cette question. Voici ce qu’il vous faut savoir sur le blocus médical de Gaza et ce que vous pouvez entreprendre pour que nous puissions nous lever (Kumi !) ensemble.

Organisation

Le Centre des Droits Humains Al Mezan est une organisation de droits humains indépendante, non-partisane et non-gouvernementale basée dans la Bande de Gaza. Depuis sa création en 1999, Al Mezan se consacre à la défense et à la promotion des droits humains, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, et apporte son soutien aux victimes des violations du droit international concernant les droits humains, et du droit humanitaire international. Al Mezan veut améliorer la démocratie, la vie en société, la participation citoyenne et le respect du droit à Gaza comme l’un des secteurs du territoire palestinien occupé.
Al Mezan estime qu’Israël devrait lever les importantes et illégales restrictions à la liberté de déplacement des gens de Gaza, surtout pour les personnes qui ont de sérieux problèmes de santé.
Vous trouverez le Centre de Droits Humains Al Mezan sur son site web http://www.mezan.org/en/, et aussi sur Facebook à https://www.facebook.com/MezanCenter, sur Twitter à https://twitter.com/AlMezanCenter et sur YouTube à https://www.youtube.com/user/mezancenter.

La situation

La proportion particulièrement faible de permis accordés par Israël à des Palestiniens en quête d’un traitement médical vital pour eux mais possible seulement en dehors de la Bande de Gaza met en lumière le besoin urgent de la levée par Israël du blocus qu’il impose à ce territoire depuis plus de dix ans. Les délais particulièrement longs infligés en 2017 par l’Autorité Palestinienne pour accorder les permis nécessaires, et le maintien par l’Égypte de la fermeture du poste frontière de Rafah ont encore davantage limité les possibilités de déplacements et accru d’autant les souffrances.
En 2017, les autorités israéliennes n’ont accordé de permis pour des rendez-vous médicaux qu’à 54% de ceux qui en avaient fait la demande, soit le taux le plus bas depuis 2008 au moins. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a signalé qu’en 2017 cinquante-quatre Palestiniens, dont 46 souffrant d’un cancer, sont morts suite à un refus de permis ou au délai trop long pour l’accorder. Selon Aimee Shalan, directrice générale de MAP / Medical Aid for Palestinians (ONG Aide médicale pour les Palestiniens) « On constate qu’Israël refuse ou diffère de plus en plus les autorisations de sortie de Gaza pour des traitements de cancers ou d’autres maladies susceptibles de sauver des vies, avec pour effet un nombre choquant de Palestiniens qui en meurent, alors que le système de santé de Gaza, qui a été victime de l’occupation durant 50 ans et qui est soumis à un blocus depuis plus de dix ans, est de moins en moins en mesure de satisfaire les besoins de la population ».
Le passage par Erez, principal point de passage entre Israël et Gaza, est réservé à ce que l’armée israélienne appelle les « cas humanitaires exceptionnels » …et aux hommes d’affaires importants. La diminution constante de l’attribution par Israël de permis médicaux, de 92% de permis accordés en 2012 à 54% accordés en 2017, montre qu’Israël a de plus en plus réduit les possibilités de déplacements même pour les « cas humanitaires exceptionnels ». En 2017, le nombre de passages par Erez ne se montait qu’à 1% du nombre enregistré en septembre 2000, et les Palestiniens de Gaza ont manqué au moins 11 000 rendez-vous médicaux cette année-là.
Cette baisse importante est à opposer à l’accroissement constant des besoins en matière de santé à Gaza. Les 2 millions de Palestiniens qui y vivent souffrent de ce que les Nations Unies qualifient de « crise humanitaire prolongée ». Dans une situation générale de chômage et de grande pauvreté, au moins 10% des jeunes enfants souffrent de malnutrition chronique. Jusqu’à 50% des médicaments et des matériels médicaux sont soit totalement indisponibles, soit disponibles dans une quantité inférieure aux besoins pour un mois. Par ailleurs, les coupures chroniques d’électricité ont conduit l’administration à interrompre certains services médicaux et d’autres services essentiels. « Il est scandaleux qu’Israël ait empêché tant de gens en situation de santé précaire d’avoir accès à des soins qui auraient pu leur sauver la vie, disait Sarah Leah Whitson, directrice de Human Rights Watch pour le Moyen Orient. Le contrôle permanent par Israël des entrées et des sorties de Gaza lui fait un devoir de faciliter et non pas d’empêcher l’accès à une aide humanitaire. »
Les Palestiniens de Gaza doivent disposer d’un permis référencé pour pouvoir se rendre à des services de soins spécialisés à Jérusalem-Est ou en d’autres lieux de Cisjordanie ou d’Israël. Les autorités israéliennes déclarent qu’elles sont en mesure d’émettre des permis prioritaires en l’espace de 24 heures, alors que les délais d’attentes sont couramment de deux semaines et de 23 jours pour les cas « normaux ». Mais souvent ce délai n’est pas respecté.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a jugé que ce processus n’était « ni transparent ni adapté », et le coordinateur des Nations Unies pour l’aide humanitaire et les activités de développement dans les Territoires palestiniens occupés a déclaré qu’il y avait « un champ miné d’interviews, de paperasse, de procédures opaques et d’obstacles logistiques entre un malade du cancer et son traitement en urgence. »
Quant à Issam Younis, le directeur d’Al Mezan, il trouve que « les limitations de déplacement imposées par le gouvernement israélien ont un lien direct avec les décès et les souffrances accrues des malades qui ont besoin de ces permis. Ces pratiques font partie du blocus et du système des permis, et volent aux malades leur dignité. Elles violent leur droit à la vie. Ce système d’enfermement doit être aboli afin que les malades puissent accéder aux soins librement et sûrement dans les hôpitaux palestiniens des territoires occupés et dans toute autre institution médicale. Le droit à la justice et à la guérison des malades et les droits de leur famille doivent être respectés. »  
Extrait de ‟Joint Press Release : Israel : Record-Low in Gaza Medical Permits” (Communiqué de presse commun : Israël : Délais particulièrement longs pour l’obtention de permis médicaux à Gaza), sur http://mezan.org/en/post/22378

L’histoire de Yara Bkhit, 4 ans, de Khan Younès

Yara Bkhit avait 4 ans lorsqu’on lui a diagnostiqué une insuffisance cardiaque chronique. Elle est morte six mois plus tard, en juillet 2017. Ses parents avaient fait une demande d’entrée en Israël pour la faire soigner à l’hôpital al-Makassed à Jérusalem-Est. Le permis lui a été accordé et l’on a soigné Yara par un cathétérisme cardiaque. Mais un nouveau permis que ses parents avaient demandé pour la poursuite du traitement ne lui a pas été accordé. Ils ont rempli de nouvelles demandes, mais leur fille est morte alors qu’ils attendaient une réponse favorable à leur quatrième demande. Le 17 juillet 2017, la mère de Yara, Aishah Hasunah, qui avait alors 28 ans, a raconté à Olfat al-Kurd, l’enquêteur de terrain de l’ONG israélienne B’Tselem, tout ce que la famille avait dû vivre après le diagnostic de Yara :
« En janvier dernier, Yara s’est mise à vomir fréquemment. Elle a vomi pendant environ une semaine et s’en est retrouvée déshydratée. Je l’ai emmenée chez le docteur et elle a subi toute une série de tests. Les docteurs ne pouvaient pas nous dire de façon certaine ce qui n’allait pas chez elle et nous ont envoyés à l’Hôpital Européen de Khan Younès. Là les docteurs ont découvert que le muscle cardiaque était faible…
Ils ont alors décidé qu’en raison de la gravité de son cas, il fallait la transférer à l’hôpital Makassed de Jérusalem. Ils disaient qu’eux-mêmes n’avaient pas les moyens de soigner sa maladie. On lui a remis une recommandation pour l’hôpital de Jérusalem, mais notre première demande de permis pour nous rendre en Israël a été refusée. Nous avons pris un autre rendez-vous pour le 16 février 2017 et avons fait une nouvelle demande de permis pour entrer en Israël. Cette fois-ci nous avions indiqué ma grand-mère comme accompagnatrice. Le permis a été accordé… Cela m’a déchiré le cœur quand j’ai dit au-revoir à ma fille. Je n’ai même pas pu l’accompagner jusqu’au passage d’Erez parce que j’avais peur qu’elle se mette à pleurer et qu’elle s’agrippe à moi, …et cela aurait été encore pire pour elle.
Tout le temps qu’elle a été à l’hôpital à Jérusalem, Yara ne voulait parler ni à moi ni à son père au téléphone, parce qu’elle était persuadée que nous l’avions abandonnée. J’avais le cœur brisé : de douleur et de ne pas pouvoir entendre sa voix. Ma grand-mère me dit aussi au téléphone que Yara avait mis du temps à accepter sa présence à elle : elle ne la connaissait pas bien et n’avait pas l’habitude de sa présence. Elle refusait de manger ou d’aller à la salle de bains avec elle, ce qui aggravait encore son état tant physique qu’émotionnel…
Ma fille est restée quelques jours à l’hôpital et y a été traitée par cathétérisme…
Deux semaines plus tard, on lui a permis de rentrer mais elle n’allait pas mieux. Elle y est retournée quelques semaines de suite jusqu’à juin dernier. En juin, les docteurs ont considéré que son état était préoccupant et ont obtenu une nouvelle admission à l’hôpital al-Makassed, avec de nouveau ma grand-mère comme accompagnatrice. L’hôpital lui a donné un rendez-vous pour le 21 juin 2017. Une semaine avant le rendez-vous, nous avons reçu un SMS nous disant que la demande de permis était encore en cours d’examen. Puis plus aucune autre information. Son père et moi ne savions que faire. Ma petite fille n’avait rien fait de mal, rien qui puisse justifier un refus de traitement médical. Mon état mental à moi n’a cessé de s’aggraver.
L’état de Yara s’aggravait de jour en jour. Une fois elle était à bout de souffle et commençait à suffoquer. Je me suis précipitée avec elle à l’Hôpital Européen de Khan Younès où on a constaté que ses reins avaient cessé de fonctionner. Elle est restée à l’hôpital, et début juillet les docteurs ont fait pour elle une quatrième demande de transfert à al-Makassed, parce que son état était très grave. Ils disaient qu’il lui fallait un stimulateur cardiaque, mais que ce genre de pile n’était pas disponible à Gaza … 
Le mercredi 12 juillet 2017, la veille de sa mort, Yara m’a demandé des bonbons à la gomme. Je me suis précipitée à l’épicerie pour me les procurer et les lui ai apportés. J’étais si heureuse de la voir manger et d’avoir réussi à lui donner quelque chose qu’elle avait souhaité. Le lendemain matin, vers 6 heures 45, Yara a souhaité manger toute seule mais elle n’y est pas arrivée. Alors elle m’a dit : « Maman, donne-moi à manger ». Elle a levé la tête et je l’ai appuyée contre les oreillers. Pendant que je lui donnais à manger, elle a tourné la tête vers la gauche, elle avait encore de la nourriture dans la bouche, et elle a soudain arrêté de respirer.
Des médecins et des infirmières sont arrivés et l’ont emmenée dans une autre chambre. Ils l’ont branchée sur un respirateur, mais elle s’est éteinte. Lorsque je l’ai appris, je me suis mise à hurler et à pleurer, et me suis évanouie. Je ne peux pas décrire ce que j’ai ressenti. J’ai dit adieu à une partie de mon cœur. Yara est partie, elle ne reviendra plus jamais. »
Publié en premier par B’Tselem dans « Sans traitement – Israël interdit à des patients gravement malades de sortir de Gaza pour un traitement médical », en anglais sur https://www.btselem.org/gaza_strip/20171203_denied_treatment

Action

Vous avez dans votre environnement un médecin, un dentiste ou un service de soins que vous aimez ? Faites-le savoir autour de vous, et attirez en même temps l’attention sur la situation à Gaza. Mettez un article sur votre service médical ou votre praticien préféré sur Google Maps ou sur un autre site d’information, joignez un message du genre : « J’ai la chance d’avoir facilement accès aux services médicaux que j’apprécie et dont j’ai besoin. Les habitants de Gaza n’ont pas cette chance, car Israël refuse l’accès aux soins médicaux à des malades du cancer : https://www.btselem.org/video/20170215_gaza_prog_helps_cancer_patients. »
Diffusez une photo de votre message sur les médias sociaux. Joignez un lien vers cette page du site web de Kumi Now avec les hashtags #OpenGaza, #KumiNow et #Kumi12.

Un texte : « Souffrance de Gaza, crimes d’Israël, nos responsabilités », de Noam Chomsky

Il est important de comprendre à quoi ressemble la vie à Gaza quand Israël se comporte de façon « modérée »… Cela est bien décrit dans un rapport de Mads Gilbert à l’Office de Secours et de Travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) … La situation est désastreuse à tous égards. Pour ce qui est des enfants, Gilbert écrit : « Les enfants palestiniens de Gaza souffrent énormément. Une grande proportion d’entre eux souffre d’un régime de malnutrition créé par l’homme à cause du blocus imposé par Israël. Le taux d’anémie pour les enfants de moins de deux ans se monte à 72,8% à Gaza, tandis que les taux des états de faiblesse, des retards de croissance et des insuffisances de poids sont respectivement de 34,3%, 31,4%, et 31,45%. » Et les choses s’aggravent lorsque l’on avance dans le rapport.
Lorsqu’Israël fait preuve de « bonne conduite », plus de deux enfants palestiniens sont tués chaque semaine, une tendance qui remonte à plus de quatorze ans. La cause fondamentale en est l’occupation criminelle et les programmes visant à réduire à une simple survie la vie des Palestiniens de Gaza, alors que ceux de Cisjordanie sont confinés dans des secteurs non viables et qu’Israël s’approprie tout ce qu’il veut en violant gravement le droit international et des résolutions explicites du Conseil de Sécurité. Il ne se trouve pas un minimum de décence en tout cela. Et Israël va continuer ainsi aussi longtemps qu’il sera soutenu par Washington et toléré par l’Europe, …pour notre plus grande honte.
Par Noam Chomsky, linguiste théorique américain et militant politique, considéré comme le ‘fondateur de la linguistique moderne’. Extrait de ‘On Palestine’ (Sur la Palestine), par Noam Chomsky et Ilan Pappé.

Ressources (en anglais)

Un rapport : “Medical Care Under Siege: Israel’s Systematic Violation of Gaza’s Patient Rights” de Al Mezan : http://mezan.org/en/uploads/files/15174966411875.pdf
Divers articles :
“Another Patient Detained at Erez Crossing” de Al Mezan : http://mezan.org/en/post/22063
“For Some Gazans in Need of Medical Treatment, the Wait for an Exit Permit Ends in Death” par Haaretz (un journal israélien) : https://www.haaretz.com/middle-east-news/palestinians/.premium-for-some-sick-gazans-the-wait-for-an-exit-permit-ends-in-death-1.5627529
“Gaza cancer patients protest the “security blocks” that deny them medical treatment” de Gisha: http://gisha.org/updates/5711
“Untreated – Israel denies critically-ill patients from exiting Gaza for medical treatment” de B’Tselem, ONG israélienne: https://www.btselem.org/gaza_strip/20171203_denied_treatment
“No recourse: Patients cannot get proper treatment in Gaza or elsewhere” de B’Tselem : http://www.btselem.org/gaza_strip/20160112_gaza_patients
“At the 37th Human Rights Council session in Geneva, Al Mezan submits “Impunity for torture, ill-treatment and related practices in Israel”” sur http://mezan.org/en/post/22497
“Medical Care Under Siege” sur http://mezan.org/en/post/22333
Des vidéos :
“Aid for women cancer patients, some denied care outside Gaza, 2017” de B’Tselem: http://www.btselem.org/video/20170215_gaza_prog_helps_cancer_patients
“Gaza: Cancer Patients Struggle to Get Treatment” de Al Jazeera English : https://youtu.be/hmBYGiaheTM
“Waiting at Gaza’s Border” de The Electronic Intifada : https://youtu.be/diFO8fhyoKU
“Israel Forces Gaza Girl to Travel Alone to the Occupied West Bank for Medical Treatment” de TRT World : https://youtu.be/52px9uLPww
“WHO Releases Latest Health Access Report for the Occupied Palestinian Territory” de WHO oPt (OMS – Territoires palestiniens occupés) : https://youtu.be/HKaDTA1dcTo

Traduit de l’anglais par les Amis de Sabeel France

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