Un documentaire en deux
épisodes à retrouver sur internet avec les liens ci-dessous[1]
Analyse des deux films par
Me Maurice Buttin
Les deux films sont intéressants, mais le
deuxième a bien des manques, peut-être volontaires ?
- Pour ce qui est de l’Histoire :
Le premier film montre
bien que les chrétiens d’Orient n’ont pas disparu après l’arrivée des musulmans
au pouvoir ; que les Croisés n’ont pas été spécialement en accord avec les
chrétiens d’Orient. Que ceux-ci ont même souvent lutté au côté des musulmans
contre, de facto, l’envahisseur occidental.
Que les Croisés, après
deux siècles d’occupation (« Le Royaume
chrétien de Jérusalem » 1099 -1291), battus à Saint Jean d’Acre, ont
abandonné les lieux, mais que les chrétiens d’Orient, eux, étaient toujours
là.
Qu'à la fin de la
période d’occupation de quatre siècles par l’Empire ottoman, ces chrétiens ont
joué un rôle très important dans la renaissance de la langue et de la culture
arabe (la Nahda) contre l'emprise culturelle turque. Ils ont traduit en
arabe de nombreux livres occidentaux.
Dès l’époque, néanmoins,
de nombreux chrétiens, en particulier des jeunes sous la pression démographique
et en l’absence de travail, quittent le Proche et le Moyen-Orient pour des
raisons économiques.
- Pour ce qui est de la période suivant la première Guerre mondiale.
Le deuxième film montre
bien comment le Monde arabe a été trahi par l’Occident, et à deux reprises :
d’abord, par le partage du Proche-Orient entre la France et la Grande-Bretagne,
alors que la création d’un grand royaume avait été promis aux Arabes, s’ils se
révoltaient contre les Turcs ; ensuite, par la célèbre Déclaration Balfour, le
2 novembre 1917 - reprise in extenso en 1922 dans l’établissement du mandat
britannique sur la Palestine. La France et la Grande-Bretagne jouent leur
propre intérêt, sans s’occuper de la présence de Palestiniens en Terre sainte.
Les Arabes ont été
informés par les Soviétiques de la nouvelle situation en 1920. Une énorme
frustration s’ensuit pour les nationalistes, musulmans et chrétiens. C’est la
première NAKBA (catastrophe) qui va marquer le monde arabe jusqu’à
aujourd’hui.
Une première réaction
avait été contre l’occupation turque. La deuxième va l’être contre l’occupant
occidental.
Les Musulmans se sentent
violés par l’Occident sur le plan politique, économique (pétrole de Mossoul),
mais aussi religieux. En réaction, c’est la création des Frères musulmans en
1924. Deux projets vont suivre : l’un arabe ; l’autre islamique.
Dans chacun des États
mandataires se développe une mosaïque communautaire, en particulier au Liban,
avec là la prééminence des Maronites. Certains chrétiens prennent parti pour
les États arabes, avec la création du Baath, dont les leaders sont chrétiens.
Michel Aflak représente un esprit universaliste, scientifique et progressiste.
Il entend refaire l’unité arabe. C’est le « Parti du Réveil » contre
l’Occident, mais il a aussi le désir de séparer le religieux et l’État. Mais un
durcissement suit avec l’arrivée au pouvoir d’Hafez El-Assad en Syrie et Saddam
en Irak.
En Palestine, l’arrivée
des juifs européens (les Ashkénazes) avec leur technique et les valeurs de
l’Occident inquiète. Les chrétiens sont les premiers à parler du danger
sioniste.
Mais le film n’indique
rien sur la révolte et la résistance des Palestiniens en 1936/39.
- Pour ce qui est de la période suivant la deuxième
Guerre mondiale, les manques sont nombreux.
En ce qui concerne
l’Irak :
Rien sur le terrible
embargo occidental du pays depuis août 1990. Paul Balta a écrit à ce sujet, le
11 septembre 2001, dans « Enfants de
Bagdad » : « J’ai été
scandalisé lors de la guerre du Golfe par le mot d’ordre des États-majors :
« Ramenez-les à l’âge de la pré-industrie ». Les Mongols me sont
immédiatement venus à l’esprit »
J’ai conduit moi-même à
Bagdad, en 1996 et en 1998, une délégation de 5 membres du « Groupe Chrétiens et Proche-Orient »,
dont le père Michel Jondot. Nous avons pu constater combien cet embargo avait
contraint des chrétiens irakiens à quitter le pays pour des raisons
économiques.
L’invasion américaine
qui a suivi, en 2003, est bien mentionnée, mais sans commentaire...Et
pourtant !
En ce qui concerne
Israël :
Il est bien précisé que tous les chrétiens des
pays arabes sont alors opposés à la création de cet État.
Si le partage de 1947
est précisé, de même que la création d’Israël en 1948, la NAKBA ne l’est
pas, et l’expulsion organisée (Plan Dhalet) de 750 000 Palestiniens et la
destruction de plus de 500 villages sont ramenées à cette phrase laconique : « mouvement d’exode de population civile sans
précédent, musulmans et chrétiens fuient vers le Liban ». Quelle
méconnaissance de l’époque, pourtant reconnue par la suite par les chercheurs
israéliens eux-mêmes !
Il y est bien mentionné
que dès le 14 mai 1948, la région plonge dans le chaos (Elle l’est toujours aujourd’hui, par cette création d’un nouvel État
occidental, sans rapport direct avec la région islamo-chrétienne. Note de
l’auteur).
Cette création a placé
les États arabes dans un état de guerre.
(Les rôles sont étonnement renversés. Les juifs sont entrés en guerre
contre l’occupant anglais, puis contre les Arabes, qui à leur tour… Note de
l’auteur).
Les échecs des États
arabes sont bien mentionnés, de même que l’aide à Israël des États-Unis et de
l’Europe … pour indiquer que les islamistes ont pris la suite. (Oui et non. Note de l’auteur
1967 : la cassure
du monde arabe. On assiste à une nouvelle émigration de chrétiens, mais
toujours pour des raisons économiques (socialisation et nationalisation, en
particulier, des entreprises et des écoles par Nasser en Égypte. Par ailleurs,
appuyé par l’URSS, celui-ci est antisioniste, anticolonialiste et
antioccidental.
Robert Fisk, cité, est
très clair : « L’Occident n’a
pas fait de cadeaux aux Arabes. Il faut
noter les mensonges des prétentions occidentales de démocratie et autres Droits
de l’homme ».
Au Liban :
La guerre civile éclate
par suite de la création par les Palestiniens d’un État dans l’État. (J’ai pu le constater en allant plusieurs
fois à Beyrouth, en ne rencontrant depuis l’aérodrome que des Palestiniens,
puis Yasser Arafat. Mais aucun des dirigeants libanais, étasuniens ou autres
occidentaux ne protestent pour rappeler à tous qu’il avait été décidé -
Résolution 194, acceptée par Israël pour son adhésion aux Nations-Unies - que
les Palestiniens devaient pouvoir retourner chez eux. Note de l’auteur).
Après l’assassinat de
Bachir Gemayel, l’importance du leader maronite Geagea est relevée. (Mais aucune mention n’est faite de la guerre
opposant les chrétiens entre eux ; pas plus que du rôle du général Michel
Aoun, également maronite, ou de l’existence de George Corm. Note de
l’auteur). Un accord de paix intervient à Taeff. Mais, c’est la dernière
bataille des chrétiens, la fin de la prééminence du Président de la République,
toujours un chrétien.
Événement capital, en
effet, la naissance du terrorisme islamique. Sarkozy, cité, affirme : « On assiste à des attaques multiples depuis
des années contre les chrétiens, notamment en Égypte. Nous ne pouvons admettre
et faciliter ce qui ressemble de plus en plus à un plan pervers d’épuration
religieuse du Moyen-Orient ».
Le professeur Joseph
Maïla, franco-libanais, spécialiste du Moyen-Orient et de l’islam, premier laïc
à avoir occupé le poste de recteur de l’Institut catholique de Paris, conclut
en quelque sorte le film par cette affirmation : « Pour des raisons religieuses, le
Proche-Orient se vide des chrétiens ».
(C’est, hélas, ce dont se souviendront les chrétiens
d’Occident visionnant ces films, oubliant le rôle néfaste majeur des
Occidentaux et de la création d’un Etat israélien, sioniste,
nationaliste, occidental, désirant annexer la plus grande partie de son voisin,
la Palestine. Note de l’auteur).
En bref, je conclus sur la situation des
« Chrétiens du Proche et du Moyen-Orient », selon moi : s’ils ont
résisté et survécu depuis 2000 ans, et se sont maintenus dans les divers pays, qui aura le
courage de reconnaître que leur « disparition » (qui heureusement
n’est qu’un risque) aura été essentiellement due aux Occidentaux, prêcheurs des
droits de l’Homme et de la civilisation occidentale, dite aujourd’hui, par
certains, « judéo-chrétienne » !
Maurice Buttin
Membre des C.A. de « Chrétiens de la Méditerranée » et des
« Amis de Sabeel-France » ;
de « Pour Jérusalem ». Président d’honneur du CVPR PO.
[1] Ces deux
films ont été diffusés le 30 décembre
2019 sur la chaîne de télévision KTO et le 16 mai 2020 sur la chaîne Public
Sénat.
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