Kumi Now Semaine 38 : du 7 au 13 juillet 2020


Investissements moralement responsables
Sabeel–Kairos au Royaume-Uni
L’oppression des Palestiniens par Israël se poursuit, tout comme le mépris par Israël des résolutions des Nations Unies. Le tort causé aux Palestiniens par l’occupation israélienne et les pratiques de cette occupation constituent une violation flagrante de bien des lois internationales. Ils sont moralement et éthiquement inacceptables.
Et pourtant nombre de sociétés internationales ont des activités dans les territoires palestiniens occupés et tirent profit de l’occupation du pays par Israël. Selon les principes des Nations Unies en matière d’affaires et de droits humains, ces sociétés ont l’obligation « d’éviter tout impact négatif sur les droits humains, et de ne pas contribuer à une démarche qui aurait de tels effets ». Cela implique que si elles participent, même à un deuxième degré, à la violation de ces droits, elles peuvent en être tenues pour responsables. Les Nations Unies ont précisé que la société civile a un rôle clef à jouer pour veiller au respect de ces règles.
C’est dans le cadre de ces règles que Sabeel-Kairos au Royaume-Uni demande aux Églises du pays d’appliquer des politiques d’investissements moralement responsables, afin de s’assurer que les sociétés auxquelles elles achètent des produits ou dans lesquelles elles investissent ne tirent pas profit de l’occupation et ne contribuent pas à son développement :
« Au Royaume Uni, nous participons à un mouvement mondial en faveur d’investissements moralement responsables. Nous le faisons en lien avec d’autres Églises ailleurs dans le monde qui appliquent ces mêmes règles, règles qui ont déjà abouti à la radiation de portefeuilles d’investissements de sociétés qui tirent profit de l’occupation du territoire palestinien ». Voici ce qu’il vous faut savoir sur les investissements moralement responsables, et ce que vous pouvez faire pour que nous puissions nous lever (Kumi !) tous ensemble.
Présentation de l’organisation Sabeel-Kairos au Royaume-Uni
Issu de la fusion en 2017 de deux organisations initialement distinctes, Sabeel-Kairos au Royaume-Uni est une société de bienfaisance chrétienne engagée dans le soutien à la paix et à la justice en Terre Sainte. « Nous constituons un réseau d’individus, d’organisations, d’Églises et de communautés de toutes traditions sur l’ensemble du Royaume-Uni, et affirmons notre solidarité avec le peuple palestinien en partenariat avec Kairos Palestine et avec le Centre Œcuménique Sabeel de Théologie de la Libération, dont nous relayons les messages et les plaidoyers. »
« Par notre engagement auprès de ces mouvements de base chrétiens palestiniens, nous apportons notre soutien à la théologie palestinienne de la libération et au Document Kairos-Palestine de 2009 intitulé « Un moment de vérité ». Nous plaidons pour la résistance pacifique que ces mouvements nous invitent à soutenir, y compris par le soutien à l’initiative Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS). Nous plaidons pour des investissements moralement responsables, contestons un mauvais usage de la théologie pour opprimer le peuple palestinien, et invitons à prier pour la paix. »
Vous trouverez des informations sur Sabeel-Kairos au Royaume-Uni sur son site web www.sabeel-kairos.org.uk ainsi que sur Facebook https://www.facebook.com/SabeelKairos/ et sur Twitter http://www.twitter.com/SabeelKairos.
La situation
La Déclaration Universelle des Droits Humains affirme que toute personne, quelle qu’elle soit et où qu’elle habite, a le droit à la liberté de pensée, à être protégée de la torture, à se déplacer librement, à s’organiser pacifiquement, à se faire représenter politiquement, et bien d’autres droits importants encore. Ces droits sont le fondement du droit international qui donne des directives claires sur la responsabilité qu’ont les États de faire respecter les droits humains. Ils s’appliquent partout, et en particulier là où il y a un conflit ou une occupation.
Exemples de violation du droit international :
Les torts causés aux Palestiniens par l’occupation israélienne, et les pratiques qui lui sont associées, constituent une violation d’un grand nombre de dispositions du droit international. En voici quelques exemples :
-       L’installation de colonies israéliennes en Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est, est une violation de la Quatrième Convention de Genève et constitue un crime de guerre.
-       La poursuite de la construction du Mur de Séparation sur des terres palestiniennes a été déclarée illégale par la Cour Internationale de Justice.
-       Le transfert par la force de Palestiniens, parfois même d’enfants de 12 ans arrachés à leurs foyers pour les emprisonner sans jugement en Israël, est une violation de la Quatrième Convention de Genève et constitue un crime de guerre.
-       L’exploitation de ressources naturelles palestiniennes telles que la terre, les minéraux en mer, les carrières et l’eau est considérée comme du pillage et est interdite par la Quatrième Convention de Genève et le Règlement de La Haye. Le droit international stipule que le pillage est interdit à l’occupant et aux sociétés privées auxquelles la puissance occupante donnerait mandat.
Selon les Principes Généraux des Nations Unies concernant les affaires et les droits humains, les sociétés ont l’obligation « d’éviter d’exercer des actions contraires aux droits humains ou d’y contribuer ». Cela signifie que, si elles sont impliquées même de façon accessoire dans l’une quelconque de ces violations, elles peuvent en être tenues pour responsables. Les Nations Unies ont stipulé que la société civile doit jouer un rôle clef pour aider à assurer le respect de ces règles.
« Notre objectif en tant que membres de la société civile est d’aider les Palestiniens à faire respecter leurs droits en exigeant qu’Israël respecte le droit international et humanitaire. Nous pouvons le faire en nous assurant que nos propres institutions n’apportent pas leur aide ou leur contribution aux violations des droits humains, ni directement ni indirectement en investissant dans des sociétés qui le font. Promouvoir des investissements moralement responsables fait partie de notre devoir éthique et légal soucieux d’empêcher tout dommage causé illégalement à des personnes. »
La dimension éthique de nos investissements
« Là où est ton trésor, ton argent, c’est là aussi que sera ton cœur » disait Jésus (Matthieu 6.21). La Bible dit clairement que la terre appartient au Seigneur, ainsi que toutes les ressources qu’elle contient. Nous sommes les gestionnaires de ces ressources, et l’usage que nous en faisons ne doit pas être guidé par notre seul intérêt et notre consommation exclusive, mais par le souci du bien-être de notre prochain autant que du nôtre. Nous avons donc l’obligation morale d’utiliser nos ressources et nos investissements pour promouvoir l’épanouissement humain, la justice, et la fin de toute oppression, et ne devrions pas investir dans des activités qui font du tort à d’autres ou qui sont jugées illégales au regard du droit humanitaire international.
Il y a de multiples exemples de violation des droits humains dans le ‘conflit’ israélo-palestinien. Le droit humanitaire international stipule que les gens qui vivent sous occupation doivent être protégés durant toute la durée de celle-ci. Il est illégal de construire sur leurs terres ou de confisquer celles-ci. Il est illégal de tuer ou de porter atteinte à des civils innocents, qu’ils soient palestiniens ou israéliens. Il est interdit de pratiquer des punitions collectives, des traitements dégradants, ou la torture. Il est illégal de transférer une partie de la population civile de la puissance occupante dans des territoires occupés. Le droit humanitaire international interdit aussi l’acquisition de territoires par le moyen de la guerre.
Gagner de l’argent au travers d’investissements dans des sociétés dont les produits et les services sont utilisés de manière à violer le droit international et les droits humains équivaut à tirer profit d’actions illégales et de l’oppression d’autres personnes.
Investir dans de telles compagnies peut être considéré comme tolérer le tort fait à des civils innocents vivant sous occupation, ainsi que la politique israélienne de colonisation illégale qui entraîne des violations de droits humains.
Investir dans ce genre de sociétés permet au gouvernement d’Israël de poursuivre ses violations des droits humains de civils innocents. Et maintenir ces investissements quand on a attiré votre attention sur ces réalités revient à tolérer de telles pratiques. Nous avons le devoir moral de retirer nos investissements de telles sociétés. 
Que demandons-nous aux Églises de faire ?
-       De rendre accessible, de façon simple et cohérente, toute information financière et la liste de leurs investissements dans des sociétés et des entreprises internationales.
-       De repérer toutes les sociétés de leur portefeuille d’investissements qui tirent actuellement profit de situations où le droit international est violé, y compris par l’exploitation illégale de ressources naturelles, la construction illégale de la barrière israélienne de séparation ainsi que les infrastructures qui y sont liées, et les colonies illégales.
-       De mettre en place un processus global de sélection des investissements, en veillant tout particulièrement aux éventuelles violations du droit international, en vue de repérer les sociétés de leur portefeuille d’investissements qui tirent profit de telles activités illégales et d’éviter tout futur investissement dans de telles sociétés.
-       De remettre en question leur politique actuelle d’engagement auprès de compagnies de leur portefeuille d’investissements qui se révèleraient tirer profit de violations du droit international, et de prendre des engagements limités dans le temps. Cela pourrait mener à changer de stratégie d’investissement.
Un exemple : la société Heidelberg Cement
Heidelberg Cement est une entreprise multinationale dont le siège se trouve à Heidelberg en Allemagne et qui a des filiales dans 40 pays. L’entreprise fait partie des plus grands producteurs et fournisseurs mondiaux de ciment et de béton prêt à l’emploi. En 2007 Heidelberg Cement a acquis la société britannique Hanson plc avec sa filiale à 100% Hanson Israel.
A travers sa filiale Hanson Israël, Heidelberg Cement possède et exploite quatre usines dans des colonies illégales en Cisjordanie occupée, dont une usine d’asphalte et une carrière de granulat au sud d’Elkana près de Nahal Raba, des usines de béton à Modi’in Illit, et une usine dans la zone industrielle d’Atarot.
Matériaux de construction pour les colonies en Cisjordanie : Des pierres et du gravier extraits dans les territoires palestiniens ont fourni les matériaux nécessaires à l’expansionniste industrie israélienne du bâtiment, sans laquelle le secteur de la construction n’aurait pas pu être aussi performant économiquement et générer autant de profits pour beaucoup de sociétés israéliennes. Heidelberg Cement à Nahal Raba et Ashtrom à Netivei Adumit et à Netivei Beitar extraient des matériaux bruts des territoires palestiniens occupés pour les fournir tant à Israël même qu’aux colonies israéliennes en Cisjordanie.
La production de matériaux de construction a permis le développement des colonies israéliennes dès les premières années de leur existence et représente à ce jour une contribution importante à l’expansion physique et à l’activité économique de l’industrie de l’occupation.
Comme toutes les sociétés opérant illégalement dans les carrières de Cisjordanie, Hanson Israel vend quasiment la totalité de ses pierres de carrière sur le marché israélien et dans ses colonies. En juin 2013, Who Profits a enregistré le départ d’un camion de béton de la carrière de Nahal Raba pour le livrer au chantier pour l’expansion de la zone industrielle de la colonie de Barka. De même le 20 juin 2016, un camion de Hanson a été repéré alors qu’il livrait des matériaux à un site de construction dans la colonie d’Ofarim en Cisjordanie occupée, près du village palestinien d’al-Lubban al-Gharbi à 3,8 km à l’est de la Ligne Verte (la ligne officielle de séparation entre Israël et la Palestine avant 1967).
Carrière de Nahal Raba : La carrière de Nahal Raba est une carrière de gravier de 60 ha possédée et exploitée par Hanson Israel. La carrière est située en Zone C de la Cisjordanie mais est agréée par l’administration civile israélienne. Elle se trouve sur le ban communal du village palestinien voisin d’Alzawiyah, en terrain palestinien donc. Mais celui-ci a été accaparé par l’administration civile israélienne qui l’a déclaré terrain d’État israélien, bien qu’il fût propriété privée de Palestiniens de ce village. Comme l’a signalé Human Rights Watch dans son récent rapport Occupation Inc., Israël a construit en 2004 le mur de séparation dans ce secteur sur un tracé qui inclut la carrière côté Est, détournant illégalement son tracé vers l’intérieur des territoires palestiniens occupés, bien au-delà de la ligne d’armistice d’avant 1967. Aujourd’hui la carrière est enclavée en territoire israélien, tandis que le mur de séparation passe entre le village d’Alzawiyah et la carrière et sépare les paysans de leurs terres et les propriétaires légitimes de la carrière de leur bien.
Information financière : Dans son rapport financier de 2015, Heidelberg Cement signale un bénéfice de 13,46 milliards d’euros pour cette année-là, avec un taux de croissance de 6,7%. C’était « de loin la meilleure année après la crise de l’année précédente. Tous les autres ratios financiers se sont aussi considérablement améliorés comparés à ceux de cette année-là ». Les recettes de Hanson Israel atteignaient 17 millions d’euros fin 2015, et celles de Hanson Quarry Products 13 millions d’euros pour l’exploitation de la carrière Nahal Raba. Selon la société, sa branche ‘asphalte’ en Israël a réalisé une croissance de 2,7% pour 0,4 million de tonnes vendues. Les revenus de l’activité ‘mélange béton-asphalte prêt à l’emploi’ a augmenté de 7% pour atteindre 221 millions d’euros, contre 207 millions l’année précédente.
Redevances : Les entreprises minières israéliennes en Cisjordanie exercent leurs activités à la fois sous juridiction militaire et juridiction civile israéliennes, qui leur octroient les permis d’exploitation et perçoivent en retour des redevances (frais de licence pour l’exploitation des carrières). Ces redevances sont ensuite reversées au service de construction des colonies israéliennes et au financement des conseils régionaux des colonies : un cercle vicieux bien en phase avec l’illégalité de l’occupation, qui lui apporte un soutien économique tout en facilitant son expansion géographique. Pour ce qui est de Heidelberg Cement, la société a déclaré dans une lettre à Human Rights Watch qu’en 2014 Hanson Israel avait versé environ 3,2 millions d’euros de redevances à l’administration civile israélienne et 430.000 euros directement au Conseil Régional [israélien] de Samarie pour l’exploitation de la carrière de Nahal Raba.
Comme déjà mentionné, tout profit financier retiré d’un territoire occupé sans qu’il serve à la population de ce même territoire constitue une violation du droit humanitaire international. De telles pratiques sont aussi contraires aux dispositions particulières des Accords d’Oslo. Selon l’article 31 de l’annexe 2 de ces Accords, les droits d’exploitation des « mines et carrières » auraient progressivement dû être transférés à une juridiction palestinienne, y compris « l’octroi de permis et la supervision de la création, du développement et de l’exploitation de carrières et d’installations de concassage et de mines ». En réalité tout cela reste sous le contrôle direct et exclusif d’Israël, à travers l’organe exécutif de l’administration civile israélienne qui continue à percevoir des redevances pour l’exploitation des terres et des ressources palestiniennes.
Action
Ensemble nous pouvons entreprendre des actions efficaces pour le soutien des droits humains et la justice des Palestiniens. Comme individus, nous pouvons prendre des positions courageuses, mais c’est collectivement que nous pouvons réellement changer les choses. Nous avons vu au cours de ces dernières années comment des Églises du monde entier ont mis en œuvre avec succès des politiques excluant de leurs opérations financières les sociétés qui utiliseraient leurs investissements pour tirer profit de l’occupation des territoires palestiniens.
C’est pourquoi nous vous invitons à écrire à votre Église pour lui demander où et comment elle investit son argent. Cherchez à savoir si elle a un processus de sélection éthique de ses investissements et, si oui, si Israël et la Palestine en font partie. Si elle n’a pas recours à un tel processus de sélection, faites pression pour qu’elle en adopte un en vous servant par exemple de notre documentation Investir pour la Paix – Guide pour aider les militants des Églises à organiser une campagne sur ce thème (en anglais).
Diffusez vos messages sur les médias sociaux en y incluant un lien vers le guide ‘Investir pour la Paix’ et vers cette page du site web de Kumi Now avec les hashtags #InvestingforPeace, #KumiNow, et #Kumi38
Deux textes : Un défi de l’archevêque Desmond Tutu, et des extraits du Psaume 9.
« La fin de l’apartheid représente l’une des réalisations majeures du siècle passé, mais nous n’y serions pas arrivés sans l’aide de pressions internationales, en particulier celle du mouvement de désinvestissement des années 1980. La campagne pour désinvestir d’une Afrique du Sud qui pratiquait l’apartheid était menée par des gens ordinaires, de simples paroissiens. Des responsables guidés par leur foi informaient leurs compagnons, des syndicalistes faisaient pression sur les actionnaires de leur entreprise, des consommateurs interrogeaient les propriétaires de leurs magasins… Les étudiants ont joué un rôle particulièrement important en obligeant les universités à modifier leurs portefeuilles d’investissements. Finalement des institutions ont mis fin à leurs investissements financiers, et le gouvernement sud-africain a réfléchi à deux fois à sa politique. Des pressions morales et financières semblables à l’encontre d’Israël sont déjà envisagées ici et là. Si l’apartheid a pris fin chez nous, il peut en aller de même avec l’occupation israélienne de la Palestine, mais l’investissement moral et la pression internationale vont devoir se montrer tout aussi déterminés. La démarche actuelle en faveur du désinvestissement est un premier pas dans cette direction. Ce ne sera certainement pas le dernier. »      
                                                                                                            Archevêque Desmond Tutu
Le Révérend Desmond Tutu, Prix Nobel de la Paix, est un ecclésiastique et théologien sud-africain connu pour son engagement contre l’apartheid et en faveur des droits humains. Il est le Président d’honneur de Sabeel.
« [Le Seigneur] gouverne le monde avec justice et juge les peuples avec droiture. Le Seigneur est un refuge pour l’opprimé, un lieu fort aux temps de détresse. Lui qui venge le sang se souvient, il n’oublie pas le cri des malheureux… Le Seigneur s’est fait connaître par sa justice, les pervers sont pris au piège qu’ils ont fait de leurs mains… Mais le pauvre ne sera pas toujours oublié, et l’espoir des malheureux ne périra jamais. »          
                                                                                                                Psaume 9.9-10,13,17,19
Ressources (en anglais)
Il existe plusieurs bases de données qui permettent de connaître les entreprises qui profitent de l’occupation de la Palestine. La plus complète est Who Profits www.whoprofits.org
Vous pouvez aussi utiliser la base de données des Quakers (‘Amis’) américains http://investigate.afsc.org
Et pour en savoir plus sur la campagne ‘Investir pour la paix’ de Sabeel-Kairos U-K, visitez son site http://www.sabeel-kairos.org.uk/category/taking-action/investing-for-peace/

Traduit par les Amis de Sabeel France

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