Kumi Now - Semaine 50 - La Tente des Nations


Kumi Now Semaine 50 : du 29 septembre au 5 octobre 2019
La Tente des Nations
Discrimination dans l’attribution de permis de construire en Cisjordanie
Les Palestiniens de Cisjordanie ont été systématiquement privés de leur droit de construire sur leurs terres et d’améliorer celles-ci alors que, dans le même temps, ils voient ces terres accaparées par les colonies et utilisées pour le Mur de séparation. La Tente des Nations est à la fois un exemple de la façon dont fonctionnent ces politiques injustes et de la façon dont les Palestiniens et leurs alliés peuvent agir pour lutter contre ces injustices. Voici ce qu’il vous faut savoir et ce que vous pouvez faire pour que nous puissions nous lever (Kumi !) ensemble.
Organisation
La Tente des Nations est une ferme familiale à objectifs pédagogiques et environnementaux. Elle se donne pour mission de construire des ponts entre les gens et entre les gens et la terre, et réunit des gens de cultures différentes pour développer l’entente entre eux et promouvoir le respect de chacun, ainsi que de l’environnement que nous partageons tous.
Pour accomplir cette mission, elle met en œuvre des projets de formation au sein d’une ferme biologique située dans les collines à 9 kilomètres au sud-ouest de Bethléem. La ferme est un centre où des gens venant de nombreux pays se rencontrent pour apprendre, partager, et construire des ponts de compréhension mutuelle et d’espérance.
La Tente des Nations propose des camps de travail et des possibilités de bénévolat, anime des camps d’été pour enfants et un projet pour développer l’autonomie des femmes. Elle accueille des visiteurs et des groupes de toute nature et de toutes tailles.
La ferme biologique sur laquelle le projet de la Tente des Nations est mis en œuvre est connue comme ‘le vignoble de Daher’. D’une superficie de plus de 40 ha, elle appartient à la famille Nassar qui mène une bataille juridique pour la conserver depuis qu’elle a été classée comme ‘Terre d’État israélienne’ en 1991, et par conséquent menacée de confiscation. La lutte se poursuit depuis. Mais par son engagement dans une résistance pacifique et grâce à la solidarité de ceux qui ont visité les lieux, beaucoup de choses ont pu être réalisées. La Tente des Nations poursuit son action pour protéger la ferme et la développer comme un lieu où des gens peuvent se rencontrer, apprendre, travailler ensemble et s’encourager mutuellement.
Vous pourrez apprendre davantage sur l’histoire du Vignoble de Daher sur le site http://www.tentofnations.org/about/dahers-vineyard-land-history/. Le site web de La Tente des Nations est http://www.tentofnations.org/, et son site Facebook est le suivant : http://www.facebook.com/tentofnations, et Twitter : https://twitter.com/TentOfNations.

La situation
Dans son dernier Rapport Mondial, l’organisation Human Rights Watch fait valoir que ‟Les permis de construire sont difficiles sinon impossibles à obtenir pour les Palestiniens à Jérusalem-Est et dans les 60 % de la Cisjordanie qui se trouvent sous contrôle exclusif d’Israël (la zone C)”. Il s’en suit que les Palestiniens se sont vus obligés de construire des habitations ou des immeubles professionnels qui sont constamment menacés de démolition ou de confiscation. De plus les Palestiniens qui vivent dans cette zone ont un accès à l’eau, à l’électricité, aux écoles et autres services de l’État nettement inférieur à celui dont jouissent les colons juifs qui vivent juste quelques kilomètres plus loin (1).
Mais pourquoi Israël refuse-t-il tant de permis de construire ? L’ONG israélienne B’Tselem est arrivée à la conclusion suivante : ‟La politique de planification d’Israël a pour but d’empêcher le développement palestinien et de ravir leurs terres aux Palestiniens pour permettre à Israël d’utiliser la majeure partie de la Cisjordanie pour ses propres besoins.” C’est dire que le refus des permis de construire est une action systématique pour chasser les Palestiniens de leurs terres. La majeure partie voire l’ensemble des possibilités de développement de la Cisjordanie se trouve en zone C. En écartant les Palestiniens de ces terres, on garantit aux colons l’accès aux meilleures d’entre elles, et aux meilleures ressources de la Cisjordanie.
De plus, cette action d’unification des zones occupées par les colonies et le morcellement concomitant des zones palestiniennes rend une nation palestinienne indépendante de moins en moins viable. Et ce ne sont pas seulement les résidents palestiniens de la zone C qui sont victimes de cette politique : des centaines de communautés des zones A et B ont leurs réserves de terres dans cette zone C et se trouvent ainsi séparés de leurs propriétés et dans l’impossibilité de les développer (2).
Israël a recours à diverses méthodes pour limiter le développement palestinien : il a exclu 70% de la zone C de toute possibilité de développement en déclarant ‟de larges bandes de territoire terres d’État, zones dévolues à des projets, zones de tir, réserves naturelles et parcs nationaux ; en allouant des terres aux colonies et à leurs conseils régionaux ; ou encore en interdisant l’accès à la zone qui se trouve piégée entre la Barrière de Sécurité et le Ligne Verte (la frontière officielle entre le territoire souverain d’Israël et la Cisjordanie) (3).”
Les 30% restant de la zone C ne peuvent se développer à la fois pour des raisons de négligence et du fait de politiques discriminatoires. Les permis de construire sont rarement accordés, et souvent les demandes sont simplement ignorées. En 2015, l’Administration Civile [israélienne] ‟n’avait élaboré et approuvé des projets que pour 16 des 180 communautés palestiniennes” de la zone C. Ces projets concernent moins de 1 % de l’ensemble de la zone. Et selon les propres chiffres de l’Administration Civile : entre 2010 et 2014 seulement 33 des 2.020 demandes de permis de construire déposées par des Palestiniens avaient été approuvées. Soit un peu plus que 1,5%.
Les statistiques sont inquiétantes, mais ce sont les exemples concrets qui permettent d’en appréhender concrètement l’impact. Par exemple au village palestinien de Jub a-Dib, au sud-est de Bethléem, Israël a négligé de concevoir ou d’approuver un projet de développement pour le village. Celui-ci n’a jamais été relié au réseau électrique. En 2016, avec l’aide d’une organisation à but non lucratif, il a mis en place 96 panneaux solaires. Pour la première fois, les résidents avaient la possibilité de bénéficier d’une alimentation permanente en électricité. Quelques mois plus tard, les forces israéliennes sont arrivées et ont confisqué les panneaux solaires.
On peut aussi citer la démolition de Khirbet Tana (4). Et en ce moment le village et l’école de Khan al-Ahmar sont menacés de démolition pour permettre l’extension des colonies juives voisines (5). Shaiya Rothberg, présidente de Hagel – Juifs et Arabes pour la Défense des Droits Humains, met à juste titre l’accent sur le système à deux poids deux mesures d’Israël en matière de développement en Cisjordanie : ‟La ligne de défense d’Israël, c’est que les Juifs de Cisjordanie sont des citoyens israéliens et qu’en tant que tels ils ont leurs droits, alors que les Palestiniens ne sont pas des citoyens israéliens mais des étrangers sous occupation. Mais cette justification n’est pas acceptable : S’agissant de Juifs nous faisons comme si nous étions les souverains légitimes de la Cisjordanie, et par conséquent nous mettons les terres et autres ressources à la disposition des colonies juives. Mais quand il s’agit de Palestiniens sur exactement le même territoire, nous ne sommes subitement rien de plus qu’une puissance étrangère engagée dans une occupation militaire temporaire, -ce qui conduit à refuser aux résidents l’égalité devant la loi. Ce système à deux poids deux mesures s’est traduit par un régime discriminatoire en totale contradiction avec les principes de dignité humaine qui fondent toute forme de gouvernement légitime (6).”
La réalité, c’est que tous les résidents de Cisjordanie, qu’ils soient chrétiens, musulmans ou juifs, sont des êtres humains et des voisins dans la terre de Palestine. Les lois du pays doivent s’appliquer à tous, de façon juste et équitable. Tous ont droit à l’eau, à l’électricité, à l’éducation et aux autres services. Et tous peuvent prétendre aux droits de propriété et d’amélioration de leurs terres (7).
L’histoire de Daoud Nassar, fermier et copropriétaire de La Tente des Nations
Lorsque nous plantons un olivier, nous croyons en l’avenir. Parce que les premières olives pourraient bien n’arriver qu’au bout de dix ans. Lorsque vous plantez un arbre vous croyez que cet arbre va porter des fruits : peut-être pas demain, mais dans dix ans, ou dans quinze ans. C’est cela l’espérance avec laquelle il nous faut vivre.
Nous avons subi quantité d’attaques de la part de colons israéliens qui venaient nous menacer avec des fusils et la dernière fois, en 2002, avec de grosses machines. Ils ont commencé par défoncer le sol pour construire une route, mais nous avons réussi à les arrêter légalement au bout de trois jours. Les colons étaient alors très en colère et ont abattu 250 oliviers sur notre propriété. En 2014 nous avons eu à subir une importante destruction de nos arbres fruitiers que nous avions plantés 18 ans plus tôt : des bulldozers de l’armée sont arrivés tôt le matin du 19 mai et ont déraciné et détruit des centaines d’arbres fruitiers, à peine 10 jours avant la récolte des abricots.
Il est très difficile d’entendre un colon vous dire : ‟Dieu m’a promis cette terre !” Et lorsque vous lui faites valoir que vous avez acheté cette terre et que vous en avez les papiers datant de 1916, il est dur de se faire répondre : ‟Vous avez des papiers d’ici-bas, mais nous avons des papiers de Dieu.” C’est bien triste de voir des gens abuser de leur religion à des fins politiques. Et il n’y pas que des juifs : il y a aussi des chrétiens et des musulmans à agir ainsi. C’est pourquoi nous disons toujours que la religion doit rapprocher les gens et non pas les séparer les uns des autres.
Voilà pourquoi nous sommes encore là, même si nous sommes soumis à des pressions physiques. Maintenant ils s’efforcent de nous isoler. La Tente des Nations se trouve en haut d’une colline, elle est entourée de colonies israéliennes.  Le principal accès à la propriété est bloqué depuis 2001. Nous avons reçu quantité d’ordres de démolition, même pour des tentes ! Nous ne pouvons pas construire, nous n’avons pas accès à l’eau courante. Ni à l’électricité. Et il n’y a bien entendu aucune possibilité d’expansion.
Lorsque les gens sont ainsi poussés à bout, soumis à des provocations violentes et sans espoir d’un avenir meilleur, ils risqueront soit de réagir violemment, soit de se résigner, soit encore de renoncer et de partir. Nous nous sommes dit que recourir à la violence provoquera encore plus de violence, que nous résigner nous fera entrer dans une mentalité de victimes - et il est dangereux de devenir une victime -, et que prendre la fuite et partir nous fera éprouver le sentiment d’avoir été mis en échec par les défis que nous avions envisagé de relever.
Nous nous sommes donc dit qu’aucune de ces trois solutions n’était la bonne, et qu’il devait y avoir une autre façon de résister, sans violence. Cela a pris du temps, et avant de mettre au point ce que nous appelons la quatrième voie, nous avons affirmé quatre éléments importants qui sont devenus nos principes de vie : Nous refusons d’être des victimes, Nous refusons de haïr, Nous agissons de façon différente sur la base de notre foi chrétienne, et Nous croyons à la justice. C’est ainsi que nous avons défini une quatrième voie d’action, qui est la voie de Jésus : vaincre le mal par le bien, la haine par l’amour, et l’obscurité par la lumière, avec pour slogan : ‟Nous refusons d’être des ennemis”. C’est une voie de résistance non-violente, créative et constructive. C’est facile à dire mais très difficile à vivre et à mettre en pratique.
Nous croyons qu’en chaque être humain, y compris chez ceux que les gens pourraient qualifier d’ennemis, il y a quelque chose de mauvais et quelque chose de bon, bien que, parfois, ce bon soit enfoui bien profondément. Il nous faut ouvrir les yeux des gens pour voir la vérité, pour la découvrir, et cette vérité nous rendra libres. Lorsque nous nous comportons autrement, nous obligeons ‘l’autre’ à voir en nous des êtres humains. C’est cela le témoignage chrétien dans cette partie du monde.
Nous avons un long chemin devant nous pour atteindre la justice, mais nous devons aller de l’avant dans une telle perspective et éviter de ne voir que les difficultés que nous rencontrons, car nous savons que les souffrances ne seront jamais la fin de l’histoire. On peut les considérer comme un chemin qui nous permettra d’atteindre nos objectifs.
Nous marcherons à petits pas, comme le fermier qui laboure avec un cheval. Il ne peut se permettre de regarder en arrière, car dès qu’il regarde en arrière le sillon n’est plus droit. Il lui faut donc se concentrer sur son objectif, et progresser lentement, lentement. C’est cela que nous apprenons à faire ici.
Il nous faut toujours garder confiance, garder l’espérance, et garder l’amour. Ces trois mots sont, ensemble, le fondement de notre action ici. Sans confiance donc, sans espérance et sans amour, rien ne peut se faire ici.
Transcrit et adapté à partir du film ‟Nous refusons d’être des ennemis”, de RELEVANT, et revu par Daoud Nassar. Disponible sur https://youtu.be/rPVARk1V_hA.
Action
La meilleure façon de soutenir l’action de La Tente des Nations est de venir vous-même visiter la ferme et d’inviter vos amis, des groupes scolaires et des groupes d’Églises à inclure cette visite dans leur voyage ou leur pèlerinage en Terre Sainte.
À distance, vous pouvez aussi vous associer au programme ‘Parrainez un arbre’ de La Tente des Nations : http://www.tentofnations.org/support/sponsor-a-tree/. La Tente des Nations vous enverra un certificat pour votre arbre, mais vous ne le recevrez pas à temps pour le diffuser en ligne dès cette semaine. Soyez plutôt créatifs et pensez à l’avenir comme le suggère Daoud lorsqu’il dit : ‟Quand vous plantez un arbre vous croyez que cet arbre va porter des fruits : peut-être pas demain mais dans dix ou quinze ans”. Faites un dessin de votre arbre portant enfin des fruits et diffusez-le sur les médias sociaux avec un message du genre ‟J’ai parrainé un arbre à La Tente des Nations pour soutenir leur quatrième mode d’action”. Joignez le lien ci-dessus à cette page du site Kumi Now et les hashtags #KumiNow et #Kumi50.
Texte : ‟Développer votre propre récit”, de Rumi
Mais ne vous contentez pas des histoires,
De la façon dont les choses se sont passées avec les autres.
Développez votre propre récit,
Sans explications compliquées,
Afin que chacun comprenne le passage
Que nous avons ouvert pour vous.
Ressources (en anglais) :
Vous pouvez retrouver Les amis de la Tente des Nations d’Amérique du Nord (FOTONNA) sur http://fotonna.org/ ou sur Facebook à https://www.facebook.com/Friends-of-Tent-of-Nations-North-America-107340499312794/. L’adresse Facebook des Amis de la Tente des Nations du Royaume Uni est https://www.facebook.com/fotonuk/.
Un rapport:  “Separate and Unequal: Israel’s Discriminatory treatment of Palestinians in the Occupied Palestinian Territories”: https://www.hrw.org/sites/default/files/reports/iopt1210webwcover_0.pdf
Des vidéos:
“We Refuse to Be Enemies”: https://youtu.be/rPVARk1V_hA
“Tent of Nations: An Outpost of Hope”: https://youtu.be/_cPS6CznSI4
“Tent of Nations: 100 Years”: https://youtu.be/4Mk0PWtNFmM
Une études de cas: “Israel confiscates solar panels supplying all power for Palestinian village it has not connected to grid for 50 years” de B’Tselem : https://www.btselem.org/index.php/video/20170718_confiscation_of_solar_panels_in_jub_a_dib#full


Traduit par les Amis de Sabeel France

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